Un témoignage sur le MJO aujourd’hui

 Raymond Rizk - Janvier 2006


On m’a demandé de faire un témoignage sur le MJO. Ce n’est certes pas à quelqu’un qui s’est découvert chrétien et a tenté de le devenir depuis plus de 50 ans avec beaucoup de hauts et de bas, dans et par le MJO, de faire un pareil témoignage. De toutes façons, les meilleurs témoignages sont ceux des autres, le seul témoignage vraiment valable étant celui de Dieu.

Il me semble qu’il y a dans le fait de solliciter un tel témoignage un désir morbide de justification, un besoin maladif de reconnaissance, une recherche inconsciente d’identité et une intention délibérée de répondre à des critiques ou de polémiquer. Or, tout cela nous distrait de l’essentiel. Quand on veut à tous prix prouver qu’on a raison et que l’on utilise pour cela toutes les ressources de la rhétorique, on perd un temps précieux qu’il vaudrait mieux consacrer à essayer d’être de véritables témoins de Celui en qui réside toute notre espérance. Saint Grégoire Palamas disait que toute parole, tout argument peut être contré par un autre et il affirmait, avec raison, que rien cependant ne peut contrer la vie. Ne nous laissons donc pas divertir de l’essentiel et continuons à tenter de suivre les voies de Celui qui Seul est la Vérité, la Vie et le Chemin dans l’espoir que nous serons plus convaincants.

Certes, le MJO est l’objet, ici ou là, de multiples critiques. Certaines viennent de cercles influents dans l’Eglise. Toutes méritent considération, mêmes les plus injustes. Considérées comme des rappels à une continuelle remise en question de soi et de ses options, elles ne peuvent qu’être bénéfiques. Celui qui essaie de marcher sur les pas du Seigneur doit être toujours prêt à accepter les opprobres et à porter sa croix pour avoir part à la Résurrection.

Celles de ces critiques qui sont justifiées doivent faire l’objet de repentance. Et cette repentance doit être publique. Qu’on le veuille ou non, le MJO porte la responsabilité d’un grand nombre. Il ne peut se permettre de scandaliser ou de dévoyer aucun de ceux qui lui ont fait confiance au sein du Peuple de Dieu. Il faut beaucoup de courage et d’humilité pour reconnaître ses erreurs. Quoiqu’on en dise, cette attitude dénote dans les milieux d’Eglise où règne d’habitude une autosatisfaction béate. Le MJO doit donc la promouvoir et être le premier à rectifier ce qui risque de faire écran à l’acuité de son témoignage.

Certaines de ces critiques semblent cependant provenir d’une volonté d’embrigader les membres de l’Eglise, dans une obéissance aveugle à un  stéréotype unique, sans prendre en compte les multiples charismes de l’Esprit. Dans cette optique, le MJO gêne parce qu’il prend au sérieux les promesses du Baptême, de la Chrismation et les flammes de la Pentecôte et qu’il prône une unité dans la diversité. Il gêne parce, malgré l’indignité foncière de ses membres, il essaie de convier les jeunes et les moins jeunes à faire pénitence et à tenter la folle aventure de la sainteté dans un monde qui a peur des saints car ils dérangent sa fausse tranquillité et ses fausses certitudes. Au sein d’une Eglise où la proclamation des saints défunts n’est pas une priorité, à preuve qu’à part l’unique exception de Youssef Al Dimashki, elle n’en a pas reconnus depuis des centaines d’années, la folle aventure de la sainteté ne peut qu’être vue d’un mauvais oeil. Une telle Eglise a souvent tendance à dire à ceux qui ne veulent pas être des moutons de Panurge : Obéissez sans états d’âme. Respectez les normes, les usages et les formes. Faites ce qu’on vous dit. Cessez de jouer aux troubles fête. Faites juste assez pour être en règle. En ce faisant, ceux qui agissent ainsi semblent oublier que le Christ a parfois d’autres exigences que les leurs, que Son Esprit souffle où Il veut, que pour Lui chacun d’entre nous est unique et qu’Il nous appelle tous à être Ses témoins.

Saint Séraphin de Sarov disait que personne ne se sauve tout seul et que nous sommes tous responsables les uns des autres, car nous appartenons à un même Corps. Il ne suffit donc pas de travailler à son propre salut sans ce soucier des autres et de l’Eglise. Le MJO nous a toujours convié à rechercher incessamment le Christ dans tous les endroits de Sa présence : dans le face à face de la prière, la méditation de Sa parole, la communion à Ses saints mystères, l’acquisition de Son esprit, le jeûne en tant qu’attente de Sa venue, l’imitation de Sa vie dans la sobriété, la compassion et le don de soi. Tout cela est bon, nécessaire et salutaire. Mais, il ne porte tous ses fruits que dans la rencontre aimante du Christ en tous ceux qu’Il aime et en qui Il a choisi de faire sa demeure. C’est là l’autre face de l’enseignement transmis par le MJO. Il s’agit de se renouveler à tout instant, de naître à nouveau, de se convertir et en même temps d’oeuvrer au renouveau de l’Eglise - de ses membres et de sa structure institutionnelle - pour qu’elle soit toujours ‘sans tâches, ni rides’ et qu’elle puisse toujours se régénérer à la source de sa jeunesse éternelle.

La vocation du MJO est justement dans ce double appel. Dans la mesure où il y restera fidèle, dans la mesure où il parviendra, en tant que ferment dans la pâte et serviteur, à faire en communion avec tous les membres du Peuple de Dieu de chaque paroisse et de chaque institution ecclésiale un endroit qui ne fasse pas honte au Christ ; un endroit où règnent l’entente, le respect, l’harmonie et l’entraide fraternelle ; un endroit pas comme les autres, où les pauvres sont rois et les loups broutent avec les agneaux, l’Eglise retrouvera son rôle de conscience du monde. Plutôt que par de longs discours, elle pourra alors répondre sans fausse honte et sans hésitation, à tous ceux qui lui poseraient des questions sur sa foi et la raison de l’amour de ses membres les uns envers les autres : Viens et vois. Viens constater que notre vie en Christ a fait de nous des gens différents, des gens qui s’aiment et qui sont toujours prêts à laver les pieds des autres, à l’exemple de leur Seigneur.

Au lieu de perdre notre temps à nous critiquer réciproquement, ouvrons ensemble, clercs et laïcs, sous le regard bienveillant de nos évêques, le grand chantier des réformes dans l’Eglise d’Antioche qui a trop tardé. Les temps sont mauvais et ils pressent. Dieu frappe à nos portes : ceux de nos coeurs et ceux de nos églises. Allons-nous Lui répondre ? Il nous sera porté témoignage seulement si nous en sommes capables.

 


المشاركات الشائعة