Olivier Clément notice

 

Raymond Rizk - 4 Mars 2009


Olivier Clément (1921-2009)
Il s’est endormi dans le Seigneur, à Paris, le 15 Janvier 2009, à 87 ans, des suites d’une longue maladie, qui l’avait immobilisé durant les 4 dernières années de sa vie.

Son cheminement vers la foi

- Enfance. Né dans une famille déchristianisée et athée du Sud de la France, d’origine Catholique. Parents maîtres d’école. Oncles camionneur ou employé de gare. Gens simples et frustes. N’a pas été baptisé. ‘Quand j’étais enfant, on ne me parlait jamais de Dieu’.

- Le Néant. Très tôt, il a la tentation de l’angoisse et de la mort. A ses questions d’enfant sur la vie, la mort, le sens, etc. il ne reçoit d’autres réponses que tout vient et ‘va vers le néant’ mais qu’il faut, malgré tout, vivre dans l’honnêteté.

- L’émerveillement. Pourtant, il s’étonne émerveillé devant les visages, la beauté, la nature. ‘Pourquoi des visages, si tout vient du néant pour y retourner ?’.

- La recherche. Il cherche donc. Il étudie et lit beaucoup. Il veut aller au bout de l’athéisme moderne (Marx, Freud, Nietzsche, puis Sartre, Heidegger) et n’y trouve pas de réponses à sa quête, à ses interrogations sur le mystère de la mort et des visages. Il explore la poésie : ‘De Baudelaire à Rilke, Milosz, T. S. Eliot, un itinéraire s’imposa qui menait au spirituel’. Il découvre l’art : ‘La beauté nous déchire d’une nostalgie inextinguible, ou nous communique, pour un instant, une plénitude qui nous fait pressentir autre chose’. Il étudie l’histoire qu’il comprend comme ‘au sens le plus large du mot… lien des hommes entre eux et l’être’. Il défriche aussi les sciences, surtout la cosmologie, mais aussi les théories de la relativité d’Einstein, les théories du développement cosmique de Teilhard de Chardin, mais n’y retrouva pas l’étonnement de son enfance devant ‘la plénitude lumineuse de chaque chose’. Insatisfait, il fréquenta d’anciennes cosmologies et tenta l’alchimie.

- Le détachement du rationalisme. Son professeur d’histoire, A. Dupront l’influença beaucoup dans cette recherche. ‘A regarder vivre cet homme, à le regarder agir, rayonner, un problème auquel je n’avais jamais pensé se posa à moi : celui de la noblesse, et peut-être aussi de la sagesse’. C’était le passage du savoir au savant. Ce fut un tournant de sa vie, un détachement à l’égard du rationalisme pur, une conversion à une vision purifiée et globale des êtres et des choses. Agrégé en histoire, ouvert à tous les courants philosophiques et culturels.

- L’étude des religions. Agrégé en histoire, professeur d’histoire, il continue à chercher. ‘Je parcourais avec une sorte d’ivresse le musée imaginaire des révélations et des hautes œuvres qui les répercutent … Oui Dieu existe, me disais-je, il suffit d’écouter, à travers siècles et cultures, les créateurs d’amour et de beauté’. Il explore alors les grandes mythologies, l’architecture sacrée de l’Islam ou du christianisme, les différentes traditions religieuses, les spiritualités de l’Inde et de l’Extrême-Orient, les symbolismes archaïques (Weil, Guénon, Mircea Eliade). Il se joint à Lanza del Vasto (fondateur de l’Arche), va à Katmandou, participe à l’éclosion de communautés de dépouillement de non-possession. Le ‘sourire sans commentaire’ du Bouddha le fascine. Il fréquenta aussi l’Islam quiétait pour lui, l’affirmation de la foi pure, attestation de Dieu, le Dieu au-dessus de tout, dans le désert. Mais, il restait sur sa soif, tra versé par ses contradictions.

- La Résistance. Durant la guerre, il s’engage dans un réseau de résistance animé par Dupront, mais donner la mort, même à l’ennemi, lui était intolérable. ‘Voilà ce que je devais refuser … pour m’engager dans des formes de résistance où l’on risquait sa vie, mais surtout pour sauver des vies.’ Mais, il vécut dans la Résistance des moments d’humanité vraie qui l’arrachèrent définitivement aux séductions du rationalisme.

- Jésus. Il en était là, écartelé entre deux chemins, soit se plonger dans l’Orient, soit continuer sa quête. Olivier avait longtemps cheminé avec Jésus. ‘Cette parole, cette présence, ce silence me fascinait’. Il y voyait celui qui, par son exigence de l’amour des ennemis, brisait le cercle infernal de la violence, de la mort qui engendre la mort. Donc, un Christ de l’histoire, un Jésus de la révolte, mais aussi ‘une densité personnelle, parfois incongrue et parfois tragique, qu’on ne trouve pas dans les mythes’. Dans les Evangiles ‘on passe du mythe à la réalité’.

- Berdiaev. Mais, il fallait une pensée pour dire cette rencontre avec Jésus. Pendant la guerre, il découvrit Nicolas Berdiaev en lisant ‘Esprit et Liberté’. ‘Ce livre, lu au hasard, m’a soudain révélé qu’on peut être chrétien au vingtième siècle’. Il témoignait d’un christianisme ‘capable de répondre à la nudité de l’homme contemporain devant la mort, l’amour et la beauté’. Il y apprit la voie de l’Esprit dans l’histoire, l’unité dramatique de l’homme en Dieu, l’initiant au thème de la divino-humanité qu’il ne cessa de développer sa vie durant. Ce fut là son premier passage vers la foi. Suivit une réflexion sur la place du Christ dans la révélation. Soit on accepte Jésus dans la totalité de son affirmation, et alors il est la voie et la vie. Soit on le tient pour fou. Serait-il un mythe ? Cette idée l’occupa un temps.

- La conversion. C’est alors que ‘Quelqu’un m’a regardé’. ‘Il a frappé à la porte. Et j’ai ouvert. Un soir, j’ai regardé longtemps, très longtemps, les veines du bois sur ma table. Tout était là, tout était bien. Je me suis dit que Kirilov (personnage des Possédés de Dostoїevski qui se donne la mort) avait raison. Déjà en traversant les rues, je n’évitais plus les voitures : être rien, être tout, tout est pareil. J’allais sortir pour les éviter un peu moins. Alors Quelqu’un m’a regardé. Lui, sur l’icône. Je ne jouerai pas les illuminés. Tout était silence, paroles du silence. Mais le silence de Lui, dans une profondeur où je n’étais plus seul. Il m’a dit que j’existais, qu’il voulait que j’existe, et donc que je n’étais pas rien. Il m’a dit que je n’étais pas tout, mais responsable. Que le mal était celui que je faisais. Mais que, plus profond encore, lui était là. Il m’a dit que j’avais besoin d’être pardonné, guéri, recréé. Et qu’en lui j’étais pardonné, guéri, recréé. ‘Voici, je suis à la porte et je frappe’. Et j’ai ouvert.’ ‘Je ne l’ai pas cherché. Il m’a trouvé’. s’oriente un temps vers les religions de l’Asie, sans s’y arrêter.

- V. Lossky et la rencontre des Pères. ‘Je ne l’ai pas cherché. Il m’a trouvé’. Par sesPuis vint sa lecture des Pères de l’Eglise, d’abord à travers Vladimir Lossky, dont il lisait ‘La Théologie mystique de l’Eglise d’Orient’ dans le maquis. Il y découvrit une théologie de la participation ; qui affirme et explique le lien et l’unité dans la création et avec Dieu, les exigences de communion, de vie en Eglise, de partage avec le frère, qui était largement évacué du christianisme occidental. rencontres avecAvec Vladimir Lossky et il découvre la Trinité, ‘un mode unique, ineffablement unique, d’existence de l’unité’, car trinité de personnes qui ‘se contiennent mutuellement sans se confondre’. ses lectures de la philosophie (Berdiaev) et la littérature (Dostoïevski) russes, et après avoir surmonté la tentation du suicideLa Trinité permet cette liberté qu’il cherchait, la conciliation de toutes les libertés.,

- P. Sophrony et l’ascèse. Puis, il fut introduit à l’ascèse par le Père Sophrony. ‘Il m’a fait comprendre que le christianisme n’est pas une idéologie, mais la résurrection’, et que nous sommes sauvés de et dans l’enfer, l’enfer de soi. Il lui disait : ‘Soyez sûr que, tant qu’il y aura quelqu’un en enfer, le Christ y sera avec lui’.

- Le baptême. C’est alors qu’il demanda le baptême dans l’Eglise orthodoxe. il se convertit à 30 ans et demande le baptême dans l’Eglise Orthodoxe. C’était en 1951. Il avait 30 ans.

Son Œuvre

- Nouveau Testament. Il commenta et présenta ‘Les quatre Evangiles’ (1998) et ‘Le Nouveau Testament’ (2001).en parle sobrement, mais profondément da

- Auto biographie spirituelle. Olivier parle de son cheminement dans ns une auto biograhiebiographie spirituelle, ‘L’autre soleil’ (19§§ 75). Lire un texte de lui à ce sujet) et Il en parle aussi dans ‘Les Mémoires d’espérance’, livre de dialogues avec §§§, Jean-Claude Noyer, paru en 19§§.2003, ainsi qu’incidemment dans d’autres de ses nombreux ouvrages (une quarantaine).

- Dialogue avec la modernité et questionnements des jeunes. A cause de son cheminement spirituel, il était fut extrêmement sensible aux questionnements des jeunes, leur angoisse, leur recherche de sens et aux interpellations que le monde moderne pose aux Eglises. Il fut présent dans les grands bouleversements et questionnements de notre temps. Dialoguant avec les jeunes de Mai 1968, il leur rappelait le danger de la violence, tout en sympathisant avec leurs justes angoisses ou revendications (voir ses contributions, ‘La crise de Mai’ et ‘Dionysos et le Ressuscité’ dans ‘Foi Evangile et révolution’, 1968’). Dialoguant avec le marxisme, il rappelait sans cesse la dignité infinie de la personne humaine. Dialoguant avec la modernité, sans crainte ni complaisance, mais avec la certitude que l’Evangile du Christ est ce qu’il y a de plus actuel et vivant. Il était particulièrement sensible aux problèmes douloureux de l’éthique médicale, de la sexualité, ou plutôt de l’amour, de l’éros humain répondant à l’Eros de Dieu lui-même. Ayant fait le cheminement de l’agnosticisme vers la foi chrétienne, il avait la capacité de reconnaître les attentes profondes sous la surface de la sécularisation grandissante en Occident. Il a su allier les exigences de la modernité avec la fidélité aux sources anciennes de la foi chrétienne. Plusieurs de ses ouvrages abordent ces questions et les diverses problèmes qui écartèlent le monde d’aujourd’hui : (‘Transfigurer le temps’ 1959, ‘Questions sur l’homme’ (1972), ‘La liberté du Christ’ (avec Guy Riobé, 1974), ‘Le visage intérieur’ (1978) ‘La révolte de l’Esprit’ (1979), ‘‘Les visionnaires, essai sur le dépassement du nihilisme’ (1986), ‘Anachroniques’ (1990), ‘L’œil du feu, deux visions spirituelles du cosmos’ (1995), ‘Corps de de mort et de gloire’ (1995), §§§). ‘Sillons de lumière’ (2002), ‘Une boussole pour notre temps’ (2008). Dialoguant avec le marxisme, il rappelait sans cesse la dignité infinie de la personne humaine. Dialoguant avec la modernité, sans crainte ni complaisance, mais avec la certitude que l’Evangile du Christ est ce qu’il y a de plus actuel et vivant. Il était particulièrement sensible aux problèmes douloureux de l’éthique médicale, de la sexualité, ou plutôt de l’amour, de l’éros humain répondant à l’Eros de Dieu lui-même. Ayant fait le cheminement de l’agnosticisme vers la foi chrétienne, il avait la capacité de reconnaître les attentes profondes sous la surface de la sécularisation grandissante en Occident. Il a su allier les exigences de la modernité avec la fidélité aux sources anciennes de la foi chrétienne.

- Histoire de l’Eglise Orthodoxe. Il contribua à faire mieux connaître l’Eglise d’Orient dans un langage accessible et un français, toujours dense, poétique et châtié. Ces petits ouvrages sur ‘L’Eglise Orthodoxe’ (cinquième édition remanié, 1995), ‘L’essor du Christianisme oriental’ (1964), ‘etByzance et le christianisme’ (!!!, 1964), édités à plusieurs reprises dans une collection à grand tirage (Que sais-je ?), ( !! ) furent et continuent d’être une des meilleures introductions à l’Orthodoxie. Il publia même un livre illustré sur l’Eglise orthodoxe, dans la collection ‘Religions du monde’ et écrivit plusieurs articles sur l’Orthodoxie pour des encyclopédies et autres ouvrages collectifs. Aussi ‘Histoire de l’Eglise russe’ (1989). Ses dialogues avec les patriarches œcuméniques Athénagoras ,‘Dialogues avec le Patriarche Athénagoras’ (1969, 1976) et Bartholomée ‘La vérité qui vous rendra libre’ (1996, repris par les éditions de Poche) présentent, en plus de la pensée des personnages, réécrites par Olivier, des chroniques du monde orthodoxe de leurs époques respectives.

- Spiritualité et théologie Orthodoxes. Il ne s’arrêta pas à une description historique de cette Eglise mais contribua à en faire connaître sa théologie, sa spiritualité et les textes majeurs de ses Pères dans une langue accessible à l’homme d’aujourd’hui. ‘La douloureuse joie’ (1974), ‘Le Christ, terre des vivants’ (1975), (‘Sources’, ‘Le don des larmes’, ‘La prière du cœur’ (1977), ‘Sources, les mystiques chrétiens des origines’ (1982), ‘‘Le chant des larmes, essai sur le repentir’ (1983), ‘Le Christ du Credo’ (dans ‘Le fait religieux’, 1993), ‘La Philocalie des pères neptiques’ (introduction, 1995)’, ‘Le chant des larmes’, ‘Trois prières : le Notre Père, la prière au Saint-Esprit, la prière de saint Ephrem’‘(1993), ‘Christ est ressuscité, propos sur les fêtes chrétiennes’ (2000), la résurrection’, ‘Espace infini de liberté, Le Saint-Esprit, La Théotokos’, 2005). D’autres de ces ouvrages (‘Trois prières’, )Généralement, ces ouvrages sont de véritables initiations catéchétiques à la une vie chrétienne ouverte et engagée, centrée sur le visage du Christ et du frère, engageant avec humilité et courage un fécond dialogue avec le monde contemporain.

- Penseurs russes. Il continua à s’intéresser aux auteurs russes et contribua à en faire mieux connaître certains. (‘‘L’Esprit de Soljenitsyne’ (1974), ‘Orient-Occident, deux passeurs : Vladimir Lossky et Paul Evdokimov’ (1985), ‘L’Esprit de Soljenitsyne’, ‘L’esprit de Berdiaev, un philosophe russe en France’ (1991). ’, §§§).

- Il s’intéressait à tous les mouvements de renouveau dans toutes les Eglises chrétiennes où il s’était fait beaucoup d’amis. Il était d’ailleurs souvent invité à y faire des conférences, conduire des sessions de réflexion. D’ailleurs, il a rendu témoignage dans un nombre d’ouvrages à certaines de leurs réalisations les plus authentiques (Taizé, ‘Boussole pour notre temps’, son dernier ouvrage en relation avec Sant’Egidio).

- Œcuménisme. Il était foncièrement orthodoxe, mais il gardait une lucidité extrême pour voir et souffrir des errances et du gouffre entre le faire et le dire. Orthodoxe ouvert et accueillant de tout ce qu’il y a de vrai, d’authentique et de beau chez les autres Eglises chrétiennes, au-delà des frontières dogmatiques et canoniques de l’orthodoxie historique. Il était acquis à un œcuménisme adulte, centré sue la personne du Christ, appelé à dépasser les conflits et erreurs de l’histoire, un dans le respect des diversités, loin de toute uniformité ou exclusivité, toujours prêt à témoigner de l’amour du Christ dans le service des hommes. Il était un homme d’unité, sans irénisme facile. Orthodoxe et français de souche, il a été un homme capable de respirer et de parler avec ses deux poumons, sans accepter la distance froide, l’ignorance réciproque et le conflit. Il est devenu l’un des témoins de cette Eglise des profondeurs, communion déjà réalisée et à venir entre l’Orient et l’Occident. Il avait lui-même le charisme de ‘passeur’, titre dont il avait gratifié ses maîtres et amis, Lossky et Evdokimov. Il s’intéressait à tous les mouvements de renouveau dans toutes les Eglises chrétiennes où il s’était fait beaucoup d’amis. Il était d’ailleurs souvent invité à y faire des conférences, conduire des sessions de réflexion. D’ailleurs, il a rendu témoignage dans un nombre d’ouvrages à certaines de leurs réalisations les plus authentiques. ‘Taizé, un sens à la vie’ (1997), ‘Une boussole pour notre temps’, déjà mentionné, fut son dernier ouvrage en relation avec la communauté de Sant’Egidio. Il avait de solides amitiés à Bose et la plupart des centres de rayonnement du monde catholique et protestant. Il professa dans des Instituts théologiques catholique et œcuménique. Il appelait de ses vœux des gestes prophétiques pour rapprocher les cœurs et les Eglises. (‘Rome autrement, une réflexion orthodoxe sur la papauté’, §§§(1997), ‘Le Chemin de Croix à Rome’ (1998).

- Islam. Il s’intéressait beaucoup à l’Islam, au problème palestinien, à l’injustice faite aux arabes, tout en restant sensible aux atrocités commises à l’encontre des juifs et à l’antisémitisme, souvent latent chez certains orthodoxes. La montée des intégrismes l’inquiétait. Il suivait avec intérêt les dialogues conduits par des Antiochiens (G. Khodr, T. Mitri). Il initia lui-même un dialogue avec un penseur musulman (M. Taleb), qui fit l’objet d’un de ses livres (‘Un respect têtu, islam et christianisme’ 1989) et de beaucoup d’articles. Il s’intéressait beaucoup à l’Islam, au problème palestinien, à l’injustice faite aux arabes, tout en restant sensible aux atrocités commises à l’encontre des juifs et à l’antisémitisme, souvent latent chez certains orthodoxes. La montée des intégrismes l’inquiétait. Il suivait avec intérêt les dialogues conduits par des Antiochiens (G. Khodr, T. Mitri). Il initia lui-même un dialogue avec un penseur musulman (§§§) qui fit l’objet d’un de ses livres (‘Un respect têtu’)

- Revue Contacts. Il fut l’un des fondateurs de la Fraternité Orthodoxe en Europe Occidentale, plateforme de rencontre et de réflexion entre les orthodoxes de diverses dénominations et il en fut l’un des principaux inspirateurs. Il resta, jusqu’à sa mort, responsable de la Revue ‘Contacts’, dans laquelle il a fait paraître un immense nombre d’articles, ainsi que dans d’autres revues et journaux, qu’il faudrait maintenant répertorier et tenter d’éditer.

- Poésie. Son œuvre entière est écrite dans un style poétique. Il lui fut publié deux ouvrages de poésies proprement dites : ‘Déracine-toi et plante-toi dans la mer’ (1998), ‘Le pèlerin immobile’ (2006).

Sa personnalité

- Sa capacité d’écoute. D’une extrême modestie, il n’aimait pas parler de lui-même, préférant écouter et questionner (‘J’aime écouter les autres parler d’eux’ dit-il dans ‘L’autre Soleil’). Je n’oublierais jamais son attention aux autres, son intérêt pour le moindre de leurs problèmes et leurs soucis. Lors d’un diner chez nous à Paris, j’avais préparé nos jeunes enfants à son arrivée et les avait convié à profiter au maximum de sa présence. Au lieu de parler lui-même, le voilà qui les écoute longuement, s’intéressant à tout ce qu’ils disaient en réponse à ses questions. Après son départ, l’une de mes filles me confia qu’elle ne s’était jamais autant sentie prise au sérieux par un adulte et que les silences attentifs d’Olivier lui avaient apporté beaucoup de réponses à ce qu’elle se proposait de lui poser comme questions.

- Sa disponibilité. Toujours prêt à rendre service, il écrivait, à la demande de nombreux quémandeurs (généralement des ‘princes de l’Eglise’), des textes de conférences, d’homélies, etc. que ceux-ci se permettaient sans honte de signer et parfois d’en faire des livres.

- Son attitude envers les problèmes et sa joie face aux renouveaux orthodoxes. Face aux lenteurs et parfois les compromissions des milieux ecclésiastiques orthodoxes, face à la désunion endémique des orthodoxes, il souffrait et priait. N’avait-il pas dit une fois qu’il n’y a ‘rien de plus responsable que de prier’ ? Il fut l’un des fondateurs de la Fraternité Orthodoxe en Europe Occidentale, plateforme de rencontre et de réflexion entre les orthodoxes de diverses dénominations et il en fut l’un des principaux inspirateurs. Il professait à l’Institut de théologie saint Serge de Paris. Il suivait avec attention et beaucoup d’espoir les ébauches de renouveau ayant cours partout dans le monde orthodoxe et gardait l’espérance (‘C’est la prière qui va nous unir’). Il attendait beaucoup du MJO et du renouveau esquissé à Antioche et regrettait beaucoup les coups de frein qui y sont donnés actuellement.

- Ses Amitiés. Il fut l’ami des plus grands spirituels ou théologiens de son temps. En plus de Lossky et Evdokimov, citons le Patriarche Athénagoras (‘Dialogues avec le Patriarche Athénagoras’, 1969, 1976), le Patriarche œcuménique actuel Bartholomée sur lesquels il écrivir deux livres de ‘Dialogues’(‘La vérité vous rendra libre’ 1996, repris par les éditions de Poche), l’Archimandrite Sophrony, le P. Lev Gillet, le P. André Scrima, le Pape Jean-Paul II (il lui écrivit en 1998 des les méditations lues un le Vendredi saint à Rome : ‘Un Le chemin Chemin de Croix à Rome’), ), le P. D. Stanilaoe, Mgr. Georges Khodr, Elizabeth Behr-Sigel, etc.). Il a introduit, toujours profondément, un nombre incalculable d’ouvrages de ses amis et de tous ceux dont il estimait l’apport.

- D’une extrême modestie, il n’aimait pas parler de lui-même, préférant écouter et questionner (‘J’aime écouter les autres parler d’eux’ dit-il dans ‘L’autre Soleil’). Je n’oublierais jamais son attention aux autres, son intérêt pour le moindre de leurs problèmes et leurs soucis. Lors d’un diner chez nous à Paris, j’avais préparé nos jeunes enfants à son arrivée et les avait convié à profiter au maximum de sa présence. Au lieu de parler lui-même, le voilà qui les écoute longuement, s’intéressant à tout ce qu’ils disaient en réponse à ses questions. Après son départ, l’une de mes filles me confia qu’elle ne s’était jamais autant sentie prise au sérieux par un adulte et que les silences attentifs d’Olivier lui avaient apporté beaucoup de réponses à ce qu’elle se proposait de lui poser comme questions.

Toujours prêt à rendre service, il écrivait, à la demande de nombreux quémandeurs (généralement des ‘princes de l’Eglise’), des textes de conférences, d’homélies, etc. que ceux-ci se permettaient sans honte de signer et parfois d’en faire des livres.

Les aAxes majeurs de sa pensée et de son témoignage sont :

- Un hymne à la Résurrection du Christ et d’espérance en notre propre résurrection. ‘Que les chrétiens osent donc témoigner de la grande vision résurrectionnelle de l’Evangile’ disait-il dans un de ses articles, en 1998. ‘Ils doivent avoir le courage de dire, de vivre (de mourir et de vivre) la résurrection du Christ, en sa profondeur, comme un lieu de non-mort, un espace où tout peut basculer dans la lumière, le Christ descendant dans la mort pour la transformer en Pâques’. Il faut crier avec Syméon le Nouveau Théologien :’Je sais que je ne mourrai pas, puisque je suis au-dedans de la vie et que j’ai la vie toute entière qui jaillit au-dedans de moi’.

- Une vision de l’histoire à la lumière de la ‘divino-humanité où souffle l’Esprit’. Le temps de l’Esprit est celui d’une ‘synergie’, d’une collaboration , d’une créativité divino-humaines, dans le Nom du Christ, c’est-à-dire dans sa présence la plus intense, dans sa présence eucharistique, ecclésiale. Un champ infini s’ouvre à la liberté humaine, rendue créatrice par l’Esprit, afin que le Dieu-homme … devienne ‘Dieu-humanité’ et ‘Dieu-univers’.

- Seul un christianisme des béatitudes est probant. C’est la seule réponse à la société de consommation et la sécularisation. Seuls les saints changent la vie des hommes et transfigurent le monde. Toute autre chose est futile et puérile. C’est le manque de saints qui éloigne les hommes des Eglises qui ne sont souvent plus perçues que comme institutions stériles. Il faut réaliser ‘la tenace contre-histoire des béatitudes’. Toute action du chrétien dans le monde doit être résolument évangélique et basée sur ‘l'amour actif, inventif, résolu, sans espoir de réussite totale et stable dans l'histoire ... mais animé par une vision totale de l'homme en Christ, de l'homme qui a besoin de pain, mais aussi de responsabilité, d’amitié, de beauté et d’éternité’

- Dimension communautaire du témoignage. Ne jamais oublier le ‘sacrement du frère’. ‘On ne se sauve pas seul, mais dans la communion de tous les hommes et la transfiguration de l’univers’. ‘Tant que la communauté ecclésiale ne sera pas intimement persuadée que tout enfant baptisé, tout couple marié, tout malade, tout mourant et tout défunt l’est dans son sein, et qu’elle en est responsable devant Dieu, nous vivrons dans un monde mutilé où l’avortement et l’euthanasie apparaîtront souvent comme les solutions ultimes à des problèmes trop souvent vécus dans la solitude. Tant que nous serons incapables de prendre sur nous par l’entraide et la prière la souffrance physique et morale de nos frères en Christ, la liturgie demeurera un beau moment, mais nous serons bien seuls à son issue’.

- Le visage. Le visage de l’homme est brouillé. En témoigne sa quasi-disparition de l’art pictural et de la littérature. Cela est lié à la perte du visage de Dieu. Or, en Jésus, Dieu s’est fait visage. Pour refonder l’humanisme, il faut changer le visage de Dieu que la modernité s’est forgé. ‘On ne dépassera la modernité que par le Dieu qui ne naît pas sur un autel, mais dans une mangeoire’, le Dieu qui vient souffrir avec nous qui nous dit de ‘garder notre esprit en enfer, mais de ne pas désespérer pas’, car il est lui-même la brise au cœur de la fournaise. ‘Etre chrétien, c’est découvrir au fond même de son enfer le visage de Dieu, dévasté et ressuscité, défiguré et transfiguré, qui nous accueille, nous libère, nous rend la chance de l’icône, la possibilité du visage’. ‘Je perçois Jésus d’abord comme l’ami secret, Celui qui marche auprès de nous sans que nous le sachions et qui peut poser Sa main sur notre épaule un soir de désespoir et d’abandon’. ‘Il est aussi l’ouverture sur l’immense . . . sur l’abîme de la divinité’.

- La beauté comme révélation. ‘Pour bien des hommes, à l’écart du christianisme qui semble réduit à l’état d’une idéologie bavarde et moralisante, la profondeur religieuse de la vie ne s’ouvre plus que dans beauté’. Mais la beauté seule conduit à la folie (Van Gogh, Nietzsche), car elle est mêlée à la mort. Il essaye de montrer que la tradition spirituelle de l’Orient chrétien est essentiellement philocalie, amour de la beauté. La beauté n’est pas seulement esthétique, ‘elle est inséparable de la sainteté’. Elle est révélation de Dieu. Elle est un nom divin. Dieu est en lui-même beauté. La beauté vraie est une personne, le Christ. Cela se manifeste dans l’icône, la liturgie, les visages des saints.

- Présence au monde. Engagement dans la construction de la société, élaboration d’un nouvel humanisme en évacuant les théologies de mort, esquisse d’un dialogue en vérité. D’abord action de présence de personnes pacifiées, rayonnantes. Action de présence de l’Eglise comme communion des saints. Engagement dans le respect des personnes et le refus de la violence à l’image de Gandhi. ‘La sobre et patiente confrontation du christianisme avec les tâches culturelles, économiques et politiques et les nouvelles problématiques morales n'est pas nécessairement une regrettable concession à l'esprit du monde ... Elle n'est pas une perte d'enthousiasme dans le pouvoir de Dieu seul et de sa Parole. Il nous faut pouvoir bannir le double soupçon du théologien qui redoute que l'anthropologue ne relativise le message au niveau des syncrétismes et de l'anthropologue qui flaire dans l'assurance théologique une inculture qu'il taxe si souvent de dévastatrice’. ‘Il nous faut … humblement affirmer l’unicité de la personne humaine, faire réfléchir la société sur l’énigme de l’homme, sur le respect de sa liberté, sur les raisons possibles de sa capacité d’amour, de tendresse et de bonté, sur le sens de l’ascèse, le mystère de la beauté, la non fatalité de l’emprise de la mort, le salut en communion, le salut comme communion, le sens de la fête et de la gratuité’.

- Responsabilité Cosmique. L’homme est appelé à ‘débâillonner le cosmos’, ‘à lui communiquer la grâce’, ‘à le transformer en célébration’. De plus, Olivier a su, mieux que tout autre, rappeler la responsabilité ‘cosmique’ des chrétiens. Cette responsabilité ‘consiste d'abord et ... fondamentalement, à maintenir par la prière la vie terrestre ouverte à la transcendance. Les transmutations sacramentelles et les bénédictions de l'Eglise, la prière des moines, couvrent le monde et le pénètrent peu à peu de lumière: ce qui est ainsi protégé, sauvegardé, spiritualisé, nous le comprendrons au moment de la Parousie. Avant même de reboiser les steppes, il faut reboiser nos sociétés en "renonçants", en "transparents".... en hommes qui soient comme des arbres enracinés à la fois dans la terre et dans le ciel’.

- Garder l’espérance. Le christianisme c’est Quelqu’un, c’est le Christ. Entrer dans le christianisme, c’est entrer en relation avec une Personne, et non adhérer à un mouvement de pensée ou un groupement sectaire. ‘Le christianisme est encore jeune. Le monde n’a encore rien vu, rien entendu. Minoritaires, les chrétiens doivent donc à la fois s’enraciner dans le spirituel, au-delà de l’histoire, et témoigner d’une spiritualité prophétique et créatrice, capable d’éclairer l’histoire’. ‘Il ne fait que commencer’ disait un autre témoin du XX siècle, mort en martyre, le P. Alexander Men.

- Le jeûne. ‘Par le jeûne, l’homme dépasse partiellement la dialectique du plaisir et de la douleur, de la faim et du rassasiement. Il libère le désir des besoins enfermés dans ce monde pour le transformer en désir de Dieu. C’est pourquoi le jeûne comme limitation de la nourriture n’est rien s’il n’est pas seulement un aspect, un symbole, une aide concernant le jeûne spirituel. Il faut ‘jeûner de tout mal’, ‘jeûner des passions’ dit la liturgie … Il consiste entre autres à jeûner du pouvoir et de la gloire humaine … Il existe aussi un jeûne de l’intelligence qui consiste à s’abstenir des spéculations vaines, des connaissances multipliées pour elles-mêmes ‘sans utilité pour le prochain et pour l’œuvre de Dieu’… Jeûne aussi des impressions, celui des bruits et des images qui ne cessent de nous assaillir … Le jeûne doit l’être de la médisance … Elle est une compensation (au manque de nourriture) par la dévoration des autres … Enfin et surtout, depuis les premiers siècles du christianisme, le jeûne trouve un sens dans l’amour du prochain, dans le partage avec les pauvres et les exclus’.

- Conclusion. Il y aurait encore tellement de choses à dire. L’œuvre d’Olivier est tellement riche qu’il faudrait des journées pour l’exposer correctement. Le mieux serait de se faire son disciple en lisant certains de ses livres et d’avancer à la découverte des grâces nombreuses qui lui ont été données. On découvrira qu’il était de l’étoffe des saints. C’est pourquoi j’ai intitulé le texte écrit lors de sa mort : ‘Un intercesseur nous est donné’.





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