Nagib Nehme - In Memoriam

 

Raymond Rizk - Le 11 Juin 2009

 

Face à la mort de tout jeune, nous nous demandons pourquoi cette mort, quel en est le sens. Quand une telle mort provient après une longue lutte contre la maladie, accompagnée de la prière vibrante de toute une communauté, nous nous demandons encore plus pourquoi Dieu ne nous a pas entendus, pourquoi Il n’a pas accédé à nos prières. Quel est le sens d’un évènement si terrible que la fin prématurée d’une vie si riche, si jeune et si profondément croyante.

 

Malgré la douleur et la déchirure au fond de nous-mêmes, malgré le doute qui peut effleurer certains, nous devons être sûrs que le Seigneur nous a écoutés, même s’Il nous a répondu à Sa manière, qui nous semble souvent déroutante, selon les critères d’ici bas. Les voies de Dieu sont insondables. Il ne veut certes pas notre mort et Il nous appelle constamment à la vie. Il nous faut faire l’effort d’essayer de comprendre Sa volonté et de l’accepter. D’ailleurs, Il a agi ainsi avec Son propre Fils, qui lui avait demandé que la coupe de la mort Lui soit épargnée. Peut-on supposer un instant que le Père n’avait pas entendu la prière du Fils ? Certes, non. Pourtant, le Père n’a pas accédé à cette prière. Le Fils est mort, au milieu de terribles souffrances, ayant accepté jusqu’au bout la volonté de Son Père. Et le Père l’a glorifié sur et par la Croix et en Lui donnant une profusion de vie dans la Résurrection.

 

Après la mort ignominieuse du Christ, la mort n’est plus un achèvement, mais un commencement, une avancée vers la gloire, une naissance à l’éternité. Certains défunts se remettent eux-mêmes entre les mains de Dieu. Nagib est entré dans le coma, qui l’a mené à la mort, en répétant : ‘Mon Seigneur Jésus’. C’était là les seules paroles qu’il pouvait balbutier, au milieu de ses souffrances. Il était conscient que, s’il était en train de quitter le monde, ses parents et ses amis, il restait en compagnie de Celui auquel il avait donné son cœur. Nous pouvons supposer sans crainte que le doux Nom de Jésus a continué à vibrer en lui, quand il ne pouvait plus rien exprimer. En ce faisant, Nagib, qui savait, en tant que médecin, qu’il s’acheminait vers une fin prochaine, n’est pas mort. Il est resté au sein même de la Vie. Par son décès, il a acquis la possibilité d’accéder encore mieux à un face à face avec le Seigneur. C’est certes là, le premier enseignement que nous pouvons tirer du mystère de cette mort. Nagib a été et restera pour nous un témoin, le témoin étant celui qui accepte de donner sa vie pour Celui qu’il aime. Tout en luttant avec toute son énergie contre la maladie qui l’a accompagné depuis son adolescence, il se remettait toujours entre les mains de Dieu. Par sa mort terrestre, il nous rappelle avec force, que l’Amour est plus fort que la mort, et ‘qu’il n’y a plus de mort après que le Seigneur l’a subie, que seule la  vie règne, et qu’il n’est plus de mort au tombeau’ (Jean Chrysostome). Ne cherchons donc plus Nagib parmi les morts. Il est vivant. Il nous a simplement précédés à la maison du Père.

 

L’autre grand enseignement que Dieu nous donne par la mort de Nagib, est dans l’attitude de ses parents. A l’annonce de sa mort, la première réaction du père fut de remercier le Seigneur qui avait écourté les souffrances de son fils. Il dit avoir, au sein même de sa grande douleur, ressenti une mystérieuse joie, son fils l’ayant quitté pour Celui, ‘Notre Père qui es aux cieux’, qui seul incarne la vraie paternité. Certains le taxeront de folie. Mais n’est-ce pas de folie qu’ont toujours été taxés les vrais croyants ? Cette joie, n’est-elle pas celle que nous ressentons la nuit de la Résurrection et qui, lors d’un décès nous fait dire ‘Christ est ressuscité’, en lieu et place de plates condoléances. La mort est directement liée à la Résurrection. Elle est un passage de la vie à un surplus de vie et elle-même une espérance de résurrection.

 

Même s’ils ne l’ont pas dit nommément, toute l’attitude de ce père, ainsi que de la mère, exprimaient les paroles de Job :’Le Seigneur a donné. Le Seigneur a repris. Que béni soit le Nom du Seigneur’. Ils sont conscients que leur fils leur avait été en quelque sorte ‘prêté’, et qu’au milieu des ténèbres de ce monde, il leur avait apporté un rayon de lumière, pour lequel, ils rendent grâces.

 

Tous les deux, le jour même du décès de leur fils, consolaient les amis qui venaient partager leur douleur. Ils étaient la parfaite incarnation de ceux qui refusent de se désoler, tant ils vivent d’espérance. Dieu aurait-il permis la mort de Nagib, pour que ses parents portent un tel témoignage, ô combien plus probant, que nombre de sermons et de discours ? Le monde a surtout besoin de témoins, de personnes qui essaient, dans leur vie de tous les jours, de devenir vraiment chrétiens, car ils savent qu’ils sont aimés d’amour fou, et ils essaient de répondre à cet amour. Agir de la sorte, parce que l’on se sait aimé, n’est-ce pas là ce que notre monde a surtout besoin de redécouvrir, pour trouver le sens perdu ? Heureusement que des personnes, comme les parents de Nagib et tous ceux qui leur ressemblent, sont là pour le lui rappeler. Il nous faut remercier Dieu parce que de telles personnes continuent de nous éclairer le chemin.

 

Dieu ne veut certes pas de la souffrance de ceux qui l’aiment. Il permet cependant qu’ils passent par des épreuves. Pourquoi ? Nous ne pouvons le savoir. Ce que nous savons cependant, c’est quand nous acceptons les épreuves, en pleurs mais à genoux devant le Seigneur, Il nous comble de Ses grâces et nous fait entrevoir la beauté de Son Royaume.

 

Il nous faut prier intensément pour que les parents de Nagib et tous ses amis puissent continuer à vivre dans l’espérance et qu’ils se rendent compte que la séparation n’est pas infranchissable, Nagib étant devenu maintenant pour eux un intercesseur, prêt à les rencontrer dans la prière et la communion des saints. Cette communion des saints, il nous faut continuer à la vivre avec eux, ici bas, en les entourant de notre affection et en les soutenant, dans les moments où il leur arrivera de ressentir avec acuité l’absence de l’aimé.

 


المشاركات الشائعة