MOUVEMENT DE LA JEUNESSE ORTHODOXE

 

Raymond Rizk

 

La Genèse

 

Durant l'été de l'année 1941 deux jeunes gens libanais, l'un habitant Beyrouth et l'autre Tripoli, se préparant tous deux à entrer en première année d'université, échangeaient une correspondance dans laquelle ils insistaient sur la nécessité de fonder un Mouvement de jeunesse orthodoxe pour faire sortir l'Eglise de leur pays de la léthargie dans laquelle de trop longues années d'isolement et de domination ottomane l'avaient plongée. Durant la même période, en Syrie, deux autres jeunes gens du même âge, qui ne connaissaient pas les deux premiers, échangeaient aussi une correspondance dans le même esprit et exprimant les mêmes intentions.

 Ces quatre jeunes gens, alors âgés de 17-18 ans se retrouvèrent tous dans la même classe de la faculté de droit de l’université St. Joseph de Beyrouth. Et ils découvrirent à leur grand étonnement que leurs préoccupations essentiel­les étaient les mêmes et que leur but de renouveau dans l'Eglise se rejoignait.

 C'est là la préhistoire de la fondation du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe du Patriarcat d'Antioche qui a vu officiellement le jour le 16 mars 1942. Ce jour-là 16 jeunes hommes, compagnons et amis des 4 premiers, établirent les statuts du mouvement, en exprimèrent les principes et décidèrent d’en lancer les premières activités.

A la base, ce qui unissait cette poignée de jeunes gens pourrait se résumer de la sorte : un attachement sentimental à l'Orthodoxie par le truchement de la liturgie qui par maque de prêtres éduqués, de livres adéquats et de véritable action pastorale, restait par contre une grande inconnue pour eux.

Un même refus des compromissions dans lesquelles se prélassaient les auto­rités ecclésiastiques, un même désir intense de retrouver dans cette antique chrétienté le souffle pur et frais de la vie évangélique et de la pensée patristique. Une formation religieuse solide obtenue dans les écoles de mission latine lesquels, par ailleurs, à 1’époque, manquaient le plus souvent de vision irénique, et se laissaient aller à un prosélytisme outrancier qui amenait les jeunes orthodoxes, élevés dans ces écoles, à se laisser orienter, faute de trouver une autre alternative, vers l'une des trois voies suivantes :

- la première était le passage à une autre confession chrétienne et quelques rares se laissèrent tenter par cette solution.

-la seconde, la plus courante, était de vivre comme si le problème de Dieu et de Son Eglise n'était même pas posé et d’orienter son activité vers des partis politiques.

- la troisième enfin ne gardait de l'Eglise que son facteur de communauté sociale: se réclamer toujours de l’orthodoxie, aller de temps en temps à l'église, s'intéresser de près ou de loin aux droits civiques de la communauté, critiquer la faiblesse de ses prêtres et de ses évêques et penser que le renouveau dans l'Eglise s'obtient par des reformes administratives, des contrôles finan­ciers etc... mais en tout cas ne pas rechercher dans l 'Eglise une solution aux problèmes existentiels de la vie.

 

La vision de base

 Les seize jeunes gens, réunis le 16 mars 1942, avaient compris qu'il y avait une quatrième voie, moins facile que les trois premières, mais combien plus enrichissante. Ils avaient compris qu'être chrétien n'est pas une acceptation statique des contingences historiques. Ils avaient réalisé que l'on n’est jamais chrétien, mais qu’on le devient, que l'Eglise se découvre à la sueur du front, que l'orthodoxie clans leurs pays est un miroir certes précieux, mais recouvert de poussière, et qu'il fallait se donner la peine d'essuyer cette poussière pour être admis à des contemplations uniques. Ce jour-là, et par la suite, ils furent convain­cus que l'Eglise orthodoxe, mère de toutes les autres, en ce sens qu'elle a conservé fidèlement le dépôt initial de la vérité, est cette épouse bafouée et défigurée par les égarements et les fautes de ses fils, mais aussi et en même temps que la communauté des pécheurs fait une Eglise Sainte par la toute miséricorde de Dieu. Ils prirent conscience qu'on ne quitte pas sa mère quand elle tombe malade, mais qu'on la soigne car elle reste sa mère. Ce jour-là s'entrouvrit au plus profond de leur cœur une nouvelle dimension, et une voix les appela au renouveau, disant: Viens car je t'ai choisi. Va servir tes frères.  La tentation était de répondre : Mais, Seigneur qui suis-je? Je n'ai ni la compétence, ni les moyens : je ne suis pas prêtre ni moine, ni séparé pour Ton service". Et la voix poursuivit : « C'est moi qui t’a fait responsable quand tu as été oint dans l’eau et l'Esprit. C'est moi qui t'ai choisi lors de ton baptême. Tu es toi aussi prêtre dans mon sacerdoce royal. Tu es membre de mon Corps, et ta place ne peut t'être enlevée. Tu es unique dans mon amour. De concert avec les autres, prêtres et laïcs et avec la bénédiction de ton évêque ; il te faut dire au monde et a ceux qui m'oublient que je les aime jusqu'à mourir pour eux, que mon Eglise les appelle et a besoin d'eux et que je leur offre, en elle, les moyens de devenir des dieux ».

Depuis ce jour, il fut évident pour ces jeunes, et ils essayèrent d’en convaincre le plus grand nombre, que le renouveau dans l'Eglise est un renouveau intérieur de ses membres, que l’essentiel n’est pas de construire des temples de pierre, mais des temples de chair et de sang palpitants de don et d'amour; que la gloire de l'Eglise n’est pas dans les édifices grandioses, un rang socia1 élevé, ni dans le pouvoir, mais dans la course à la sainteté, à une plus grande intimité avec le Seigneur, à un face à face toujours plus intense avec Dieu. Cette attitude n'est pas une fuite au monde, seule, au contraire, elle assure une présence sereine aux problèmes du monde et ébauche des solutions qui vont clans le sens du dessein salvifique de Dieu.

Eglise et Mouvement

 à Beyrouth en 1942, le Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe ne tarda pas à se répandre dans de nombreuses villes et villages du Liban et de la Syrie. Dans chacune de ces villes, les jeunes obtenaient la bénédiction de l'évêque du lieu et participaient intensément à la vie liturgique de l'Eglise, et se constituaient en équipes pour étudier la Parole de Dieu et les écrits des Pères, établissaient des écoles de dimanche pour l’enseignement catéchétique des enfants, organisaient des conférences publiques pour secouer les couches de la communauté, allaient prêcher dans les villages... De telle sorte qu'en deux ou trois années: le nombre des membres augmenta sensiblement, et le Mouvement devint une préoccupation majeure des hiérarques de l'Eglise dont la plupart ne voyaient pas d'un bon œil ces jeunes qui remettaient en question le statut-quo, critiquaient leur manque de pastorale et leur rappelaient à tout propos que la véritable tradition de l'Eglise d’Antioche est celle d’un Saint Ignace le Théophore, d'un Saint Jean Chrysostome et d’ un Saint Jean Damascène, plutôt que celle que ces hiérarques avaient hérité de leurs prédécesseurs immédiats, eux-mêmes le produit de centaines d'années de décadence. A ces hiérarques se liguaient aussi contre ces jeunes beaucoup de notables de la communauté qui jouissaient d'un statut priviligié et qui voyaient en ces jeunes et en leur élan novateur, un danger pour leurs intérêts et leurs privilèges. Cependant, malgré cette vague d’opposition, Sa Béatitude Alexandre 3e, le Patriarche d’Antioche, avec son Saint Synode, reconnut le 22.1.1946, dans un geste prophétique le M.J.O. « comme un grand mouvement spirituel travaillant au sein de 1'Eglise Orthodoxe et à son service… qui a la bénédiction du Saint Synode qui lui souhaite plein succès dans son travail dans le champ du Seigneur… Et dans la même lettre patriarcale, il ajoute que ce mouvement "représente par rapport à tous les orthodoxes du monde et aux non orthodoxes, le mouvement officiel de la Jeunesse Orthodoxe Antiochienne... Et que cette reconnaissance du Mouvement lui donne le droit d’aider les responsables et de  répandre 1’enseignement orthodoxe aux confins du Patriarcat d'Antioche, et pour ce faire, de convoquer des réunions privées ou publiques, de publier des revues et d’entreprendre toute autre activité menant au même but ».

Cette reconnaissance officielle, au niveau patriarcal, si elle encouragea les jeunes à aller plus avant, n’arrêta pas les campagnes de dénigrement, les calomnies, les rumeurs, et des oppositions de tout genre de la part de clercs ou de laïcs qui n'ont ja­mais cessé de s’élever contre le Mouvement. Le MJO a toujours essayé de ne pas se laisser distraire par ce tapage. Il connait les sources de ces oppositions, et il prie pour que Dieu apaise les passions et amène le plus grand nombre à répondre à l'appel du Seigneur pour que des ouvriers, toujours plus·nombreux, viennent travailler dans Sa vigne. Il ne cesse de répéter qu'il ne peut y avoir d’opposition entre l’Eglise et le Mouvement, car le Mouvement de par sa nature, ne peut vivre que greffé à 1 Eglise, en communion avec l'évêque et dans la collaboration la plus étroite avec les fidèles. Conscient de ses limites et des faiblesses de ses membres, il n'a d'autre prétention que de vouloir leur rappeler - et à tous ceux qui veulent entendre - les exigences d'un christianisme adulte, et qu'un drapeau que l'on met dans sa poche n’est plus un drapeau, mais un mouchoir, et que la bannière du Christ doit toujours planer au-dessus des têtes et des cœurs, et qu'il n’y a pas des étudiants, des commerçants ou des ouvriers chrétiens, mais avant tout des chrétiens qui étudient, pratiquent le commerce ou qui travaillent.

Cette attitude, maintenue durant ces trente années d’existence, fait que le MJO a été mêlé, directement ou indirectement, à tous les évènements d'importance de l'histoire récente du Patriarcat d'Antioche, et que beaucoup d'auteurs orthodoxes considèrent (à tort ou à raison, le seul véritable jugement revenant à Dieu) qu’i1 a été le promoteur du renouveau qui se fait jour actuel­lement dans cet ancien patriarcat.

Principes et Activites

 « Toi, suis-moi » (Jean 21:  22). La raison même de l’existence du Mouvement est de former des hommes à Christ, c'est-à-dire engager ses membres à tenter l'aventure de la sainteté. Et cet effort vers la sainteté consiste en une recherche du Christ dans les différents endroits de Sa présence. Cet effort commence par la prière. Dans un monde qui traverse une crise de l’esprit et rejette, consciemment et souvent inconsciemment, toute vie spirituelle, ce nest juste pas le moment pour les chrétiens, et donc pour le MJO, de dénigrer l'importance de cette relation personnelle de  l’homme avec Dieu dans le secret de leur rencontre. Cette prière doit être accompagnée d'une conversion personnelle à l'essentiel du Christianisme, dépassant les formes pour redécouvrir dans la liturgie, la fréquentation des saints mystères et la méditation de la Parole de Dieu, le Christ personnel et cosmique, et pour réaliser avec la communauté dans l'Eucharistie la jonction du temps et de l'éternité. Cette participation à la vie de l'Eglise, quand elle est faite dans la présence de Dieu, dans une métanie permanente de tout notre être, permet de vivre existentiellement la joie de la Résurrection, et donne plus d’amour rayonnant et plus de conviction personnelle de la Bonne Nouvelle à annoncer celle de la Seigneurie du Christ sur les hommes et le monde. Cette bonne nouvelle, il est évident qu’il y a plusieurs moyens de la faire parvenir, et pas nécessairement par la parole. Mais les intellectuels chrétiens - et le milieu du MJO en compte une bonne partie -· doivent être capables, par le truchement d’une culture religieuse poussée et par la familiarisation avec la pensée des Pères de l’Eglise, de se débarrasser des scories de la pensée religieuse actuelle, si vite qualifiée de chrétienne pour arriver à exprimer dans un langage accessible les vérités essentielles souvent déformées du christianisme sur Dieu, 1'homrne et le monde.

Pour réaliser cet objectif, la cellule de base du MJO reste une équipe d'une dizaine de personnes qui se réunissent régulièrement pour prier, méditer l'Ecriture, étudier l'enseignement de l’Eglise et discuter à leur lumière les problèmes qui se posent à elles et à leur milieu. Il y a ainsi dans chaque ville des équipes d’écoliers, d'étudiants universitaires, de fonctionnaires, d'ouvriers, de familles etc...  qui suivent ce programme, participent ensemble à la Sainte Liturgie, font des retraites spirituelles et travaillent de leur mieux dans divers services rendus par le Mouvement.

En se maintenant dans cette voie de formation, le MJO veut continuer à donner à l'Eglise des hommes à Christ. Hommes pleinement humains et s’intéressant aux problèmes qui déchirent les hommes, mais "Hommes à Christ", c'est-à-dire réalisant que tout est relatif hors Dieu, et recherchant dans un effort de tous les instants, leur conversion personnelle au Christ, et l’acquisition de Son Esprit et la participation à son dessein divin. Nous sommes convaincus que la seule vraie réponse est dans le mot de Jésus; ·'Toi, suis­ moi". Les hommes ont surtout besoin de spirituels qui sans nécessairement parler, témoignent de leur vie intérieure dans le travail de tous les jours. Le membre du MJO est appelé toujours à incarner le commandement nouveau : "Aimez-vous les uns les autres".  Ce dont 1'Eglise et le monde ont besoin aujourd’hui c’est de dire de nouveau : "Regardez comme ils s'aiment", ou plutôt en paraphrasant quelque peu la phrase antique : "Regardez comme ils aiment". Il est entendu que dans l'Eglise tout chrétien de par son baptême et sa chrismation est appelé à être un consacré quelque soit le statut (prêtre ou laïc) pour lequel il optera. Cependant dans la situation actuelle de l’Eglise d’Antioche qui souffre d’un manque terrible de prêtres et de moines, le MJO est conscient qu'il doit donner le plus grand nombre de serviteurs dans le domaine ecclésiastique.  A cet effet deux des quatre jeunes gens mentionnés au début de cet article ont opté pour le monachisme et le sacerdoce tandis que les deux autres sont demeures des laïcs très engagés dans la vie de l'Eglise. Par suite, d’autres les ont suivis. A ce jour, deux monastères, l'un pour hommes, l'autre pour femmes, ont été fondés par le Mouvement. Le Monastère de Saint Jacques près de Tripoli compte actuellement une vingtaine de moniales, tandis que celui de Saint Georges de Deir el-Harf, dans le Mont Liban, compte six moines parmi lesquels un des fondateurs du Mouvement. De plus près d’une trentaine de jeunes du Mouvement sont déjà devenus prêtres. Parmi eux un autre des fondateurs qui a été durant de longues années le Secrétaire Général du Mouvement et reste son vrai maitre spirituel et qui a été récemment élu évêque du Mont Liban. D’autres parmi ces prêtres ont été aussi élevés à 1'épiscopat. Nous y reviendrons plus loin.

Afin que l’Eglise soit toute "resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel", la deuxième dimension du service du Mouvement est l’embrigadement de ses membres à œuvrer pour le renouveau dans l’Eglise. La tentation très courante des chrétiens aujourd'hui, et surtout des jeunes, est de couper les ponts avec l'Eglise qu’ils associent et limitent à une institution réactionnaire sclérosée et figée dans un passéisme dévastateur. Souvent, pour beaucoup, l’Eglise est "eux" , c'est-à-dire les prêtres, les évêques et les nantis. Un grand effort de réalisme spirituel a été fait dès les origines pour se rendre compte que l’Eglise, ce corps que chacun de nous compose avec les prêtres et les évêques, a souvent exposé nos propres faiblesses et que l'humain dans cette Eglise a souvent failli, mais qu'elle reste quand même et malgré tout l’endroit où la relation entre Dieu et l’homme est connue et réalisée, et que l’Esprit qui y souffle et qui attend d'être accepte par nous la renouvelle en permanence. Nous sommes responsables de cette Eglise et de son renouveau, et il s’agit de convaincre par nos vies et notre expérience le plus grand nombre à se convertir pour que justement l'Eglise qui nous assemble reprenne sa voix prophétique et redevienne l’icône du monde, d’un monde où l'on s'aime et d'où jaillit l’amour. Le renouveau dans l'Eglise est l’œuvre de tous ses membres, tous prêtres dans le sacerdoce royal de service et d’enseignement. A cet effet, les membres du MJO, chacun selon ses responsabilités et ses charismes, œuvrent dans les domaines suivants: Porter la parole de Dieu aux enfants dans des écoles de dimanche qui englobent au sein du Patriarcat d'Antioche (dont le nombre de fidèles au Liban et en Syrie ne dépasse pas les 350.000 ) près de cinq mille enfants de 4 à 10 ans Grouper les adolescents en équipes, congrès, retraites, camps de travail, colonies de vacances, pour les amener à découvrir et expérimenter la vie du Christ dans la communauté. Aller dans les villages prêcher la Parole dev Dieu et porter le message du Mouvement et y fonder des groupements similaires. Diriger les groupes de lycéens, d’étudiants, d’adultes et de familles. Fonder des chorales et enseigner la musique d’église aux enfants, adoles­cents et adultes. Ouvrir des foyers dans chaque ville ou village qui veulent être pour les membres du Mouvement et ceux qui les visitent, des endroits de rencontre dans une atmosphère de fraternité et de paix. Organiser des conférences et des causeries publiques ouvertes à tous les fidèles sur des thèmes spirituels et sociaux. Organiser des séminaires et des cycles de formation pour les étudiants et les moniteurs. Fonder des dispensaires et des centres médico-sociaux qui offrent leurs services à toutes les couches de la population sans distinction de religion ou de race. Editer une revue mensuelle An-Nour (c.a.d. La Lumière) qui traite de divers sujets bibliques dogmatiques, spirituels ou d'information et qui est la seule revue orthodoxe du Patriarcat d’Antioche. Publier des livres en arabe sur des thèmes divers qui vont de l’histoire aux problèmes de mœurs et politico-sociaux, en passant par le catéchisme, la dogmatique, les écrits des Pères, les études bibliques, la spiritualité etc. Ace jour, plus de trente volumes ont déjà été publiés et forment un embryon valable pour constituer une bibliothèque orthodoxe en langue arabe. Diriger une imprimerie et une librairie qui se chargent d'éditer et de distribuer ces publications. Encourager les membres à entreprendre des études théologiques et la participation active à l'une des réalisations récentes les plus significatives de l'Eglise d’Antioche: la fondation d’une académie de théologie à Balamand. Cette académie a été demandée par le Mouvement dès le début et n'a été permise par Dieu qu’en 1970 . Il est à noter que plus de la moitié des membres de la Commission chargée de réaliser ce projet appartenaient au MJO. Lutte contre les aspects divers de la déchéance dans la vie de l’Eglise. Participation active à la vie de l’Eglise officielle et pressions soutenues pour amener à l'épiscopat des hommes selon le cœur de Dieu, des spirituels, cultivés, plein de zèle apostolique et pouvant vraiment devenir ce qu’un évêque est supposé être par définition : un père plutôt qu'une administrateur ou un diplomate. Le Seigneur a daigné couronner ces efforts car plus de la moitié des évêques actuels du Patriarcat d’Antioche ont été soit des dirigeants du Mouvement soit des membres responsables de l’une une ou l'autre de ses activités, c’est-à-dire ayant une vision du renouveau telle qu’exposée plus haut dans cet article.

Après de longues années de silence douloureux, de compromissions et de tensions diverses qui ont marqué négativement cette communauté, Dieu semble vouloir faire entrer le Patriarcat d'Antioche dans une phase nouvelle de son histoire. La présence d'une vision réellement traditionnelle et ouverte au niveau de la direction de l'Eglise est une occasion - un signe des temps - pour faire balayer par le souffle de 1'Esprit la poussière accumulée sur les institutions mêmes de l'Eglise. Cet effort pour rendre  l’Eglise d'Antioche, en commençant par ses mem­bres, plus fidèle à sa vocation s'associe dès l’origine à une ouverture vers le monde orthodoxe en général pour y resserrer, sur 1 plan de la jeunesse, les liens de la paix et de l'unité. Dès 1943 les fondateurs du MJO se mirent en rapport avec les mouvements de jeunesse orthodoxe de Grèce, d’Europe Occiden­tale et des autres pays arabes (Palestine, Egypte…). Ces contacts eurent le double résultat suivant :

d'enraciner le Mouvement davantage dans la tradition et la pensée orthodoxe, tant par les livres écrits par les russes de  l’émigration, que par les visites que certains grands spirituels orthodoxes firent au Liban et en Syrie (tel le Père Lev Gillet et d'autres), que par l'admission de quelques membres du MJO à l'Institut Saint Serge de Paris. Ces contacts menèrcnt en 1952 à la fondation d'une organisation internationale de coordination des Mouvements de Jeunesse Orthodoxe SYNDESMOS. Le MJO s’est montre toujours très actif dans cette organisation de telle sorte que son bureau central se trouve maintenant à Beyrouth et que son Président et son Secrétaire Généra1 sont depuis plus de 6 ans, des membres du MJ O. L’orientation   du travail  de Syndesmos est essentielle pour faire comprendre aux jeunes orthodoxes des quatre coins  du monde, qu'il n'y a pas d'orthodoxie russe, grecque, américaine, ou arabe mais une seule ortho­doxie, sainte, catholique, apostolique et donatrice de vie, en Russie , en Grèce, en Amérique et clans les pays arabes, et que la Jeunesse de l'Eglise doit dans l'humilité, la ferveur et le respect des ainés, se considérer  co-responsables de la  mission et de l'ouverture de leur Eglise au monde et aux autres. Durant la dernière assemblée de Syndesmos, tenue en Juillet 1971 à Boston aux Etats-Unis, qui a groupé des représentants de plus de 20 pays d’Europe, d'Amérique, d'Asie, d‘Afrique et du Moyen Orient, fut clarifiée une des taches majeures à laquelle Syndesmos va s’atteler dans les années à venir, à savoir la préparation au niveau des jeunes et des masses du Grand Concile de l'Orthodoxie dont la convocation a été annoncée il y a quelques années par S.S. le Patriarche Oecuménique Athénagoras . Dans cette somme d’efforts visant au renouveau dans l’Eglise, le MJO , continuera,  quant à  lui, au sein d’Antioche et au-delà,  à  lancer cet appel : "Préparez les voies du Seigneur ". Il ne veut pas être, au sein de l'Eglise, autre chose que cet appel, étant convaincu que plus les chrétiens et l‘Eglise, pourront affirmer avec Saint Paul que ce ne sont plus eux qui vivent mais que le Christ vit en eux,  plus les chrétiens et  1’Eglise qui les  unit, pourront être présents au monde comme le sacrement de l'unité, de la réconciliation, du service et de l’amour . "Car si le sel s’affadit", si l'exigence de la sainteté dans l’amour actif et serein et dans l'action de présence - celle du Christ en moi et par moi au monde - si tout cela s'affadit, quel christianisme serons-nous alors en train doffrir au monde et quel sera le contenu valable de notre apport ?

Afin que le monde croie 

Ceci nous amène à parler de la troisième dimension du service du MJO qui consiste en un mouvement d’ouverture de l’Eglise d’Antioche et de ses membres à toutes les autres églises chrétiennes, à tous les croyants afin de réaliser l'unité et de tacher avec eux d'être présents aux problèmes et aux souffrances des hommes. Dès sa fondation le Mouvement s’intéressa sur le plan local et international au problème des divisions entre chrétiens et fut convaincu que l'Esprit soufflant où Il veut, c’est agir dans le sens de l’Esprit que d'œuvrer à la réalisation de l’unité pour laquelle le Christ Lui-meme a prié. Sans se laisser entrainer dans le courant d’un œcuménisme sentimental de plus en plus à la mode de nos jours, le Mouvement veut aller de l’avant dans la recherche ardue de cette unité en prenant conscience des difficultés immenses qui existent et dans le respect total de la Vérité que le Seigneur lui-même a confié à Son Eglise. Assurer le primat de la charité, affirmer que "les murs de la séparation ne montent pas jusqu'au ciel", et travailler à éliminer les suspicions et les haines que l’histoire a créées entre les Eglises afin de découvrir ensemble la volonté de Dieu et collaborer à l'action de tous les hommes de bonne volonté pour l’édification d’un monde nouveau où les cro­yants remettront en valeur, par leur vie, les vertus de Justice, de Charité, et d’Amour. Notre tâche est d’aider à créer entre les chrétiens, une atmosphère de fraternité et le reste, c'est-à-dire l’unité sera donnée par surcroit, à l'heure et au jour choisis par Dieu.

Dans cet esprit, le MJO a été à l’origine de plusieurs initiatives de rapprochement sur le plan antiochien -- groupes œcuméniques, d’études et de réflexions, retraites et

 Recollections communes, bureau de coordination, services cornmuns etc... Sur le plan international, plusieurs de ses membres ont participé et continuent à le fairé, aux réunions du  Conseil Oecua1enique des Eglises, ou de la Fédération Universelle des Etudiants Chrétiens et bien d'autres. Certains de ses membres ont été élus à des postes importants dans ces organismes.

Mais comme il a été dit plus haut, la recherche de l’Unité n'est pas une fin en soi, c'est plutôt un commencement. Le Seigneur a prié pour l’Unité "afin que le monde croie". Et aux yeux du Mouvement, 1’aventure œcuméniques englobe en même temps qu'un retour commun aux sources et à la pureté de l’Evangile une action humble mais prophétique pour rendre 1'Eglise plus présente au monde. Ceci nous amène à œuvrer ensemble, selon nos possibilités dans les domaines suivants: Faire que l'Eglise sorte de son silence parfois complice face à l’injustice et à la tyrannie des nantis. L’Eglise n'a pas à bénir ou maudire tel ou tel autre système politique, mais elle a à dire non un non prophétique à toute injustice, à toute oppression, à toute limitation de la liberté et de la dignité humaine.

Amener 1'Eglise à redevenir l’Eglise des pauvres, elle-même  pauvre pour qu’elle puisse dire plus librement avec l’apôtre aux paralytiques de ce monde: "De l'argent et de l’or, je n'en ai pas, rnais ce que j’ai, je te le donne: au nom de Jésus-Christ, marche". Convaincre 1’Eglise d’abandonner son ton très souvent paternaliste pour redevenir vraiment servante sachant écouter et profiter de tout apport valable. Qu'elle abandonne les signes et les formes du pouvoir temporel dont elle s’est souvent attifée au cours de l’histoire.  Amener l’Eglise à s’intéresser à l'élan créateur dans la réévaluation de ses méthodes d'enseignement et de formation. La réforme du langage dans l’Eglise est une des nécessités de sa mission aujourd’hui, et de certains aspects de 1’initiation chrétienne et de la catéchèse devraient profiter sans honte des découvertes de la sociologie, de la psychologie des masses et des sciences de la communication. Convaincre l’Eglise deb prendre un rôle plus actif dans le problème du développement et de la paix et dans l’aide à ceux qui souffrent. A cet égard il est à noter qu'un domaine de l’action œcuméniques à Antioche réside en la responsabilité commune des chrétiens vis-à-vis de l'homme palestinien, spolié, éloigné de ses terres ancestrales et qui vit dans des camps de réfugiés. Le Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe se considère responsable de cet état de choses et essaye de faire connaitre la vérité du problème souvent ignorée à cause d’une propagande tendancieuse vis-à-vis des chrétiens du monde, afin que tous - indépendamment de leurs opinions politiques - puissent par leurs prières et leur action à l'avènement du jour où tous les habitants de la Palestine, juifs, musulmans et chrétiens, puissent vivre en paix sur leur terre sanctifiée par le sang du Seigneur, dans un Etat pluraliste, loin de toute hégémonie religieuse ou raciste. Engager l'Eglise à entamer un dialogue, dans la charité et le respect de l'autre, avec les croyants des religions non chrétiennes, afin d'approfondir ensemble, sans syncrétisme aucun, ce que Dieu a donné à chacun, car nous ne pouvons être de vrais chrétiens si nous continuons à nous définir en nous opposant aux autres, ou si nous acceptons de rester dans un monde de cloisons étanches où chaque communauté se rep1ie sur soi sur la défensive. A cet égard une des responsabilités, que les chrétiens d'Orient et le MJO réalisent de plus en plus, est que la rencontre du Christ et de l'Islam devrait être un de leur soucis majeurs. Des pas timides commencent à être fait dans cette direction. On pourrait allonger la liste des domaines d'action. Les circonstances locales de chaque pays souligneront encore plus les urgences et les nécessités. Ce qui importe c'est de comprendre qu'une des dimensions du travail œcuménique est de rendre l'Eglise plus présente au monde et plus ouverte à l’Esprit, toujours prête à se placer sous le jugement de Dieu dans un mouvement permanent de repentance et d'amour. Et pour ce faire, il faudra que les chrétiens en­semble soient présents à ce monde et savoir ne pas avoir peur ou honte d'appel­ler les choses par leur nom, dans un élan prophétique, étant convaincus que c'est d'abord de l'intérieur d'eux-mêmes -- exposés au feu de l’amour divin – qu’ils réaliseront de véritables révolutions.

Conclusion

Le Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe voudrait être tout cela. Dans quelle mesure est-il en train de vivre ses visions? Dieu est juge et souvent il cache les faiblesses de ses collaborateurs qui sont intimement convaincus qu'ils ne sont que des ouvriers indignes. Le MJO prie continuellement pour que le Seigneur continue de faire comprendre à ses membres que la vie chrétienne appelle à une consécration totale, que le baptême les a rendus responsables de toute l’Eglise, que le monde ne peut se renouveler si les hommes ne changent eux-mêmes dans un abandon complet à Celui qui avec de la boue, leur dessillera les yeux. Qu'Il leur donne de réaliser toujours davantage que leur rôle essen­tiel est de devenir des fous aux yeux du monde, mais fous dans et pour le Christ et ceux qu'Il aime. Que le Seigneur leur permette enfin d’être toujours conscients que leur service unique -- sur le triple plan personnel, ecclésial et humain -- ne peut être fructueux que dans la mesure où ils meurent à eux-mêmes et répètent à chaque instant de leur vie les paroles de Jean le Précurseur: "Il faut qu’Il croisse et que je diminue", dans l’espoir qu'il leur sera donné, dans la joie de la Résurrection, d’affirmer un jour avec l’apôtre des Nations : "Ce n’est plus moi qui vis mais Lui qui vit en moi".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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