LE ‘NOTRE PERE’
Raymond Rizk - Avril 2008
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Exégètes : Les exégètes tendent à considérer le texte de
Luc comme le plus ancien. Commençant par Abba (père chéri), il dénote la façon
qu’avait Jésus de s’adresser à Son Père. Par ailleurs, il est plus concis, donc
plus facile à mémoriser.
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Didachè : La recension de Mathieu est celle qui a prévalu dans l’Eglise,
probablement parce qu’elle a été inséré dans la Didachè (Doctrine des Apôtres),
texte catéchétique et liturgique début du 2ème siècle. Il y est
écrit : ‘Priez de la manière que le Seigneur a ordonné dans son
Evangile : Notre Père … puis suit la doxologie : ‘car à toi la
puissance et la gloire…’ qui provient des prières de la Synagogue. Puis vient
la recommandation : ‘Priez ainsi trois fois par jour’.
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La seule prière nommément référée à Jésus : Le Notre Père est dans les
Evangiles la seule prière où il est nommément dit qu’elle vient de Jésus, bien
qu’il y ait plein de prières et d’hymnes.
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Influences juives : Elle est truffée de textes rabbiniques ou
autres très probablement utilisés par Jésus et les juifs de son époque, mais Jésus
leur donne une toute autre perspective et il les ‘accomplit’. Par exemple, la
formule ‘Notre Père qui es dans les cieux’ est très fréquente dans les écrits
rabbiniques. Dans les 18 Bénédictions juives, répétées quotidiennement dans la
Synagogue, on trouve ‘pardonne-nous, délivre nous par Ton Nom’. Dans le
Qaddish, on lit : ‘Que soit magnifié et sanctifié son grand nom, dans le
monde qu’il a créé selon sa volonté’.
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Attitude de l’Eglise primitive : L’Eglise primitive avait un tel
respect pour cette prière qu’elle ne l’enseignait qu' après le baptême. Elle
considérait qu’il fallait une audace inouïe pour s’adresser à Dieu comme notre
père. Cette réticence apparaît toujours dans le préambule à la récitation du
Notre Père dans la sainte Liturgie : ‘Rends nous dignes sans encourir de
condamnation à t’appeler Père et dire’. ‘Il est dangereux avant d’amender sa
vie de faire cette prière et d’appeler Dieu : Père’ dit Grégoire de Nysse
dans ses Homélies aux catéchumènes.
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Les catéchumènes. Le Notre Père était ‘remis’ aux catéchumènes ‘entre
le baptême et l’Eucharistie’, après la récitation du Credo, lors d’une cérémonie
solennelle présidée par l’évêque qui leur en expliquait le sens leur
recommandant : ‘répétez-le sans cesse pour ne plus jamais l’oublier’.
Théodore de Mopsuète commente cette progression du Credo au Notre Père,
disant : ‘A la rectitude de la foi, il faut joindre la rectitude des
mœurs’ (Cat.11, 19).
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Charte de l’éthique chrétienne. L’Eglise d’Antioche trouve dans le Notre
Père ‘la charte de l’éthique chrétienne’. Elle ne restreint pas cette charte à
la dernière partie de la prière, mais interprète l’intégralité des demandes
comme normes de l’existence et du comportement chrétiens, comme nous essayerons
de le voir plus loin. Conjuguer prière et action : ‘Si vous êtes zélés
pour une vie de vertu, vous serez en prière toute votre vie’ (Théodore). La
qualité de notre prière envers Dieu. dépend en grande partie de la qualité de
nos rapports avec les autres. ‘Tu as vu ton frère, tu as vu ton Seigneur’ dit
un ‘logion’ (parole non écrite du Seigneur) citée par Clément d’Alexandrie,
Tertullien et d’autres. Le Notre Père, à qui la méditera en profondeur,
révélera en abrégé toute l’histoire du salut et la réponse qui éclaire notre
marche, notre épreuve, notre espérance et découvre la plénitude de la
révélation chrétienne.
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‘Ne rabâchez pas…’ : Mais pour que cette prière soit réellement
cette charte, il faut nous rappeler les paroles du Seigneur sur la prière en
général : ‘Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens. Ils
s’imaginent être exaucés à force de paroles’ (Mt 6, 7) et nous demander si
vraiment nous ne faisons pas de même quand nous récitons le Notre Père.
Théodore de Mopsueste insiste dans une
de ses Homélies (11 sur le Pater) ‘que ce n’est pas en paroles que consiste la
prière mais dans une bonne conduite, dans l’amour et dans l’application au
devoir’.
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Jésus révèle le Père. Israël garde pleine conscience que Dieu est père
de son peuple et de chacun de ses fidèles parmi les juifs. Jésus accomplit le
meilleur de la réflexion juive sur la paternité de Dieu. Il l’ouvre à tous les
hommes. Il y a une paternité unique (Mat 23, 9). Il songe à une communauté qui
ne serait pas liée par l’appartenance à un peuple, mais qui serait faite ‘des
tout petits’ (Mat 11, 25), dont les membres vivraient ‘en enfants qui prient
leur Père’ (Mat 7, 7-11), qui lui font confiance (Mat 6, 25-34), se soumettent
à lui en imitant son amour universel (Mat 5, 44), sa miséricorde (Luc 6, 36),
son penchant à pardonner ( Mat 5, 48), sa perfection même (Mat 5,
48). Il nous enseigne que Dieu n’est
jamais tant notre Père qu’en aimant et pardonnant et que nous ne sommes jamais
tant ses fils qu’en agissant de même envers tous nos frères. Nul ne connaîtra
le Père si ce n’est par le Fils et dans le Fils et dans l’inspiration du Saint
esprit. ‘Et la preuve que vous êtes bien des fils, c’est que Dieu a envoyé dans
nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba, Père’ (Gal 4, 6). Ou
encore : ‘Car vous n’avez pas reçu l’Esprit pour retrouver l’esclavage et
la peur, mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption filiale qui vous a donné la liberté
d’appeler Dieu Père’ (Rom 8, 15).
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Prière de famille. C’est une prière au pluriel (Notre). Ce n’est
donc pas seulement mon père à moi. Il a d’autres enfants qui sont, que je le
veuille ou non, mes frères. Dieu est notre Père commun, le Père d’une seule
famille. La paternité divine appelle la fraternité humaine. Le Père Lev
dit : ‘Nous ne pouvons prononcer cette parole sacrée (Père) que si tout
vestige de haine, d’orgueil, de violence a disparu de notre âme. Est pharisien
et stupide celui qui se croit être un fils du Père tout en excluant de cette
paternité divine et de la fraternité humaine ceux qui ne sont pas de son avis,
sa race, sa religion, etc. Aimer Dieu c’est aimer son prochain comme soi-même.
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Les deux parties : Comme nous l’avons évoqué plus haut, la prière
se compose de deux parties, la première ayant Dieu pour objet et la seconde les
hommes. Les trois demandes de la première partie correspondent aux trois
révélations majeures et progressives de l’Ancien Testament qui rythment les
trois étapes d’une unique histoire sacrée : prophétique (que ton Nom soit
sanctifié), royale (que ton Règne vienne) et sacerdotale (que ta volonté soit
faite). Elles confessent la transcendance, la souveraineté et la volonté de
Dieu. La seconde partie, centrée sur l’homme, éclaire à la fois sa condition et
ses relations qui découlent de la paternité divine. Les trois demandes (le
pain, le pardon et le soutien de la grâce) répondent à la nouveauté de
l’évangile. Le Père A. Hamman met en relief le parallélisme entre les deux
parties. Il écrit : ‘Dieu prend soin de son peuple auquel il se révèle. Le
péché est une dette à l’endroit de sa seigneurie qui seule a puissance de le
remettre. Enfin la tentation met à nu l’opposition entre la volonté de l’homme
et celle de Dieu’ (voir Le Pater dans l’Eglise Primitive).
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Qui es aux cieux : ‘Dire que Dieu est aux cieux, c’est donner à
toute notre vie une direction qui dépasse la terre. C’est nous détacher de ce
qui est purement humain et matériel et placer notre but, notre espoir, dans
l’au-delà …. dans le Dieu vivant, dans la perfection suprême qui est au-delà de
tout ce que l’homme peut imaginer’ (voir Lev Gillet, Notre Père). Les ‘cieux’
sont donc notre véritable patrie car nous ne sommes que des ‘étrangers’ dans ce
monde. ‘Lorsque vous avez obtenu d’être adoptés comme fils, vous êtes devenus
habitants du ciel qui ‘est en effet la demeure qui convient à des fils de Dieu’
(Théodore, op. cité).
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Que Ton Nom soit sanctifié : La sanctification consiste à croire en la
parole de Dieu, à avoir confiance en ses promesses, à avoir une attitude
respectueuse devant sa majesté, à le louer, à observer ses préceptes. Dieu se
sanctifie en manifestant sa puissance, sa gloire et sa sainteté. Dieu seul peut
correctement et pleinement se manifester dans toute sa puissance et sa gloire.
Dieu seul peut sanctifier son nom. Nous lui demandons ici dans l’espérance
qu’il le fera bientôt et que la fin des temps arrivera. Il y a là une dimension
eschatologique évidente qui rappelle le ‘Viens Seigneur Jésus’ de la fin de
l’Apocalypse. Dieu va venir au dernier jour pour sauver et restaurer son
peuple. Quant à nous, notre tâche est d’aider à la manifestation de la sainteté
divine par notre vie en tant que ses fils et nos relations avec ses autres
fils, nos frères. Dieu manifeste alors sa sainteté en et par nous, malgré notre
indignité. Mais aussi en Le mettant à part, en lui donnant la première place
dans notre vie, en mettant en Lui toute notre confiance et notre espérance car
Il est notre Rocher. Et encore en essayant par une vie de repentance et la
participation aux Mystères (les sacrements) de nous rapprocher de Dieu et
devenir des ‘saints’ en et par lui. Nous sanctifions le Nom de Dieu dans
la prière incessante, dans la conscience permanente de Sa présence, en le
mettant au centre des détails de notre vie quotidienne. Dieu doit être partie
prenante en tout ce qui nous touche, dans tout ce que nous faisons, de telle
sorte qu’aucun de nos actes n’insulte le Nom que nous invoquons. ‘Malheur aux
hommes à cause de qui mon nom est blasphémé parmi les nations’ (Isaïe 52, 5). Les
païens étaient ébahis par l’amour réciproque des chrétiens : c’était et
c’est toujours le meilleur témoignage de la sainteté de Dieu : ‘Que les
hommes voient les bonnes œuvres et en rendent gloire au Père qui es dans les
cieux’ (Mt 5, 16). Grégoire de Nysse (Homélie 3) dit : ‘Que soit sanctifié
ton nom en moi veut dire : que ton aide me rende irréprochable, juste,
pieux, à l’abri de tout acte coupable ; que ma parole soit vérité, mon
action justice, ma route droiture. Que brille la tempérance, que
l’incorruptibilité soit ma beauté, la sagesse et la prudence mon
ornement ; que j’aspire ‘vers les choses d’en haut’ (Col 3, 2), que je
méprise l’en bas, que ma vie brille comme celle des anges’.
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Que Ton Règne vienne : Le Royaume de Dieu est une manière
abstraite de parler de Dieu comme Roi. En fait, elle veut dire : ‘viens ô
Père pour exercer ta souveraineté royale sur ton peuple’. La prédication de
Jésus était centrée sur la venue du Royaume. En fait, avec Jésus, le Royaume de
Dieu est déjà venu. Cependant il est toujours une réalité à venir, il est
toujours en voie de se faire. La plénitude du Royaume, quand Dieu sera tout en
tous, sera atteinte à la fin des temps. Nous vivons tendus entre le ‘déjà’ et
le ‘pas encore’, dans une attitude d’espérance et d’attente. Il s’agit de se
repentir pour en préparer les chemins. Il s’agit d’accepter de faire de Dieu en
Christ Seigneur le maître de notre vie. C’est là la perle de grand prix qui
vaut qu’on renonce pour elle à tout le reste.
Vouloir suivre Jésus, c’est le chercher dans tous les endroits de Sa
présence (Ecritures, Eucharistie, prière, l’assemblée des frères, le service
des hommes…), c’est L’imiter en toutes
nos actions et nos relations. En vivant de telle sorte, nous tendrons à
étendre le Royaume de Dieu autour de nous et dans le monde entier. Grégoire de
Nysse parle d’une autre variante de ce texte :’Que vienne to Esprit en
nous et nous purifie’. Il en profite pour affirmer la divinité de l’Esprit
Saint qui était contestée par des hérésiarques. Cependant, cette variante ne
figure pas dans la plupart des manuscrits et la plupart des commentateurs ne la
considèrent pas originelle.
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Que Ta Volonté soit faite. En nous et à travers nous, qu’elle puisse
s’accomplir sur toute la terre, comme elle l’est au ciel. Faire Sa volonté,
c’est mettre Ses préceptes en pratique, c’est encore une fois imiter le Christ
dans sa vie et ses comportements, dans le travail, la famille, dans tous les
rapports avec les hommes, dans l’Eglise qui est avant tout censée être sur
terre un instrument de la volonté de Dieu, mais encore dans le domaine de
l’action publique dans la cité. Que ferait Jésus maintenant à ma place? C’est là
une méthode avérée pour scruter la volonté de Dieu. C’est aussi être attentifs
à ce que Dieu peux nous dire dans le silence de la prière. C’est s’habituer à
déchiffrer Sa volonté ‘par les événements, par les situations où nous ne nous
sommes pas placés nous-mêmes, mais où nous nous trouvons placés’ (Lev Gillet, op.
cité). C’est accepter Sa volonté dans l’espérance du salut. Il s’agit de vivre
un abandon filial entre les mains du Père. Jésus nous en a donné l’exemple au
jardin de Gethsémani : ‘Non pas ma volonté, mais que ta volonté soit
faite’. Saint Paul nous rappelle: ‘Ne vous modelez pas sur ce monde ci mais que
le renouvellement de vos consciences vous transforme et vous fasse discerner
qu’elle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît et ce qui est
parfait’ (Rom 12, 2).
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Sur la terre comme au ciel : Beaucoup de Pères considèrent que cette
phrase s’applique aux trois demandes et non seulement à la dernière.
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Donne nous aujourd’hui notre pain substantiel
(quotidien). Dieu se soucie de notre vie sur terre. Nous
devons avoir confiance, comme les oiseaux et les lys des champs que Dieu
pourvoira à nos besoins légitimes. Le mot pain peut avoir plusieurs
significations ; Il s’agit tout d’abord de la nourriture car le
droit à la vie est sacré. Nous rappeler la position des grands Pères à cet
égard: celui qui a faim peut voler pour se nourrir: il n’y a pas d’alternative
au partage. Recherchons d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le
reste nous sera donné par surcroît: ‘Ne vous souciez pas…’. Il faut certes
travailler pour subvenir à ses besoins, mais il faut refuser l’anxiété qui
serait un manque de confiance en Dieu. Il faudra aussi ne pas céder à la
surconsommation, mal de notre siècle. Frugalité et tempérance nous mettent à
l’abri des convoitises. Pain veut aussi dire la Parole de Dieu :
‘l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la
bouche de Dieu'. Nous prions pour qu’il nous donne son Esprit pour comprendre
les Ecritures. ‘Donne nous Ta Parole, fais-nous vivre de ta Parole’. Pain
veut aussi dire le Pain vivant, dans l’Eucharistie. Nous prions pour être
dignes de le recevoir ‘sans condamnation’. Nous demandons que Dieu nous donne
‘ces’ pains ‘aujourd’hui’ et ‘chaque jour’. ‘L’existence humaine est
passagère. Seul le présent nous appartient, l’avenir que l’on espère demeure
inconnu… En te faisant dire ‘aujourd’hui’, le Seigneur t’interdit de songer au
lendemain’ (Grégoire de Nysse, Homélie 4). Cet avenir appartient à Dieu.
Pourquoi donc nous en soucier. ‘A chaque jour suffit sa peine’ (Mat 6, 34).
Avec les disciples, nous répéteront : ‘Seigneur, donne-nous toujours de ce
pain’.
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Remets nous nos dettes, comme nous les avons remis
à ceux qui nous doivent.
Grégoire de Nysse (Homélie 5) se lance dans une belle diatribe qui éclaire
pleinement cette demande : ‘ Ton débiteur est en prison, et toi en
prière ? Tu te plains de ses dettes et tu oses demander que l’on remette
les tiennes. Ta prière ne s’entend pas, couverte par ses gémissements. Si tu
concèdes, on te concédera. Tu es ton propre juge. Ton sort est entre tes mains.
Ton attitude envers ton débiteur dictera la sentence d’en haut à ton endroit’.
Donc, ‘médecin, guéris-toi toi-même’ (Luc 4, 23). Il faut apprendre à jauger à
l’aune de Dieu, à reconnaître la poutre qui est dans nos yeux avant la paille
qui est chez l’autre. Alors les dettes de nos frères ne représenteront rien
envers nous face à nos propres péchés. Le pardon est la règle. Nous sommes des
pécheurs pardonnés, en cas de repentance. Dieu nous donne d’en faire de même
avec nos frères, bien que 'personne ne peut remettre les péchés que Dieu’ (Luc
5, 2). De nombreux textes évangéliques affirment la même chose: ‘Remettez et on
vous remettra ‘ (Luc 6, 31); ‘pardonnez soixante dix sept fois’ (Mt 18,
22), etc. C’est la perspective inversée de la morale évangélique. Nous oeuvrons
à acquérir les mœurs de Dieu. En fait, le ‘comme’ dans cette péricope pose
problème. Il est évident que nous ne demandons pas à Dieu de nous pardonner
‘parce que’ nous aussi nous pardonnons, ni de nous pardonner ‘dans la mesure’
où nous pardonnons. Il n’y a aucune commune mesure entre la générosité divine
et nos propres pardons, toujours limités et imparfaits. En fait, en pardonnant,
nous enlevons l’obstacle qui empêcherait l’action rédemptrice du Sauveur d’être
efficace en nous. Notre pardon n’est ni la cause ni le modèle du pardon divin,
mais il en est une condition et une conséquence nécessaire. Nous devons donc
pardonner à ceux qui nous offensent, mais aussi demander pardon pour nos
propres offenses envers Dieu et envers nos frères. ‘Notre attitude sera-t-elle
celle de Pierre, prêt à se servir de son glaive, ou celle de Jésus ?’
conclue le P. Lev Gillet son commentaire de cette phrase.
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Et ne nous induis pas en tentation, mais délivre
nous du Malin. Ce texte est assez étrange. Comment le Père, Saint
et Miséricordieux, peut-il induire ses enfants en tentation ? En fait la
traduction exacte du grec devrait parler d’épreuve à la place de tentation.
Certains ont suggéré une autre forme comme ‘ Ne permets que nous soyons induits
en tentation’. Il pourrait s’agir d’un faux débat. Il arrive que Dieu mette à
l’épreuve ses serviteurs pour leur
propre bien, s’ils acceptent l’épreuve en confiance. Généralement, on sort
aguerri de telles épreuves. ‘Considérez comme une joie totale, mes frères, dit
l’apôtre Jacques, de tomber sur toutes sortes d’épreuves, car l’épreuve de
votre foi suscite la patience, et la patience suscite l’expérience. Que
l’expérience porte en elle une œuvre parfaite’ (Jacques 1,2-3). Nous demandons
quand même à Dieu de ne pas soumettre notre faiblesse à de telles épreuves,
tout en étant prêts à les accepter humblement. D’autres épreuves sont celles
du Malin. Dieu les permet à cause de notre liberté. Il nous exhorte à
‘veiller et prier’ pour ne pas entrer dans de telles tentations (Mat 26,11). Maxime
le Confesseur distingue deux types de tentations, la tentation volontaire et la
tentation involontaire. ‘En ensemençant et en excitant l’âme par les plaisirs
du corps, le Malin trame la première tentation pour écarter de l’amour divin
notre désir. Et voulant altérer la nature par la douleur, il sollicite
fallacieusement la seconde, afin d’obliger l’âme abattue, affaiblie par
les peines, à émettre les pensées qui vont la séparer du Créateur’. D’ailleurs,
Dieu ne nous laisse pas seuls sans
secours dans la tentation. Il ne permet pas qu’un homme soit tenté au-delà de
sa force. En même temps que nous prions pour ne pas être tentés, nous demandons
à Dieu d’écarter de nous ce qui est la source de nos tentation: le Malin.
- Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire aux siècles des siècles Amen. C’est un ajout d’origine liturgique, introduit dans l’évangile. Dans notre Liturgie, on a développé davantage, en ajoutant : ‘au Père, au Fils et au Saint-Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen’. Cette dernière formule relie le Notre Père aux Trois Personnes divines. Comme le dit le P. Lev dans une prière en conclusion de son commentaire du Notre Père : ‘Elle signifie :
Nous te demandons toutes ces choses, parce que déjà elles t’appartiennent et parce que toi seul peux les donner.
Nous demandons ton Règne, parce que toi-même, ô Père, tu es le Roi de toute la création et que tu as confié à ton Fils ton Royaume sur la terre. Sois donc le seul Roi de nos cœurs. Consacre-nous parfaitement.
Nous demandons ta gloire, Seigneur Jésus-Christ, parce que tu as été la révélation glorieuse, l’image et la splendeur du Père, la lumière du monde. Que nous puissions donc voir la gloire du Père briller sur ta croix, sur ton visage, et que ta lumière illumine nos ténèbres.
Nous demandons ta Puissance, ô Saint-Esprit, parce que c’est toi qui as été la force de l’Evangile et qui transforme le monde. Donne-nous d’avancer dans la puissance de la Résurrection et de la Pentecôte.
Et nous disons Amen, non comme un acquiescement rituel et routinier, mais
en engageant dans cet appel, dans ce ‘oui, qu’il en soit ainsi’, notre cœur et
notre destinée. Nous disons ‘oui’ au Père, avec la Bienheureuse Vierge Marie,
avec les anges, avec les saints, avec toute l’Eglise – ses membres connus et
ses membres inconnus – Amen’.