Impressions d’une petite paroisse parisienne

 

Raymond Rizk- Février 2006

 

J’ai participé il y a quelques jours à la liturgie dominicale dans une petite église de Paris où se retrouvent chaque Dimanche des orthodoxes venant de divers horizons ethniques. D’origine grecque, russe, roumaine, serbe, arabe, ougandaise et j’en passe, les fidèles se retrouvent pour célébrer la mort et la Résurrection du Christ dans une langue qui leur est commune, à savoir le français. C’est une des rares paroisses en France (il y en a probablement moins d’une dizaine) où la Sainte Liturgie se fait dans la langue du peuple, tandis que dans la plupart des autres églises orthodoxes, on continue de prier en slavon, en grec ancien ou en arabe langues que les jeunes générations de chacune des communautés ethniques ne comprennent plus du tout, ou très difficilement.

 

C’est là la première caractéristique de cette paroisse. Une deuxième qui n’en est pas moins importante, c’est que la plupart des fidèles une fois entrés dans l’église et souvent avant d’allumer les cierges devant le Seigneur, sa Mère ou tout autre saint de leur prédilection, se donnent entre eux une chaude accolade. Il est évident que la plupart de ceux qui viennent ici  se connaissent bien. Ils sont conscients qu’ils forment une communauté de vie, une large famille. Ils sont heureux de se retrouver pour louer leur Seigneur. Ils réalisent qu’ils sont appelés en participant à l’Eucharistie à former l’Eglise. Et en toute humilité, ils en sont fiers. Durant le déroulement de l’office et après son achèvement, chacun a sa part de responsabilités. Le prêtre est pour chacun un père qu’il a appris à bien connaître et à aimer. Un certain nombre d’entre les laics, hommes et femmes sont élus par l’assemblée des paroissiens pour  représenter la communauté au conseil paroissial où ils partagent réellement avec le prêtre les responsabilités de la paroisse et sa mission.  Il m’a été donné, il y a quelques années, d’assister à une de ces assemblées paroissiales où sont conviés tous les membres inscrits dans la paroisse et qui participent à sa vie ecclésiale. J’ai été édifié par le sérieux des débats, par une volonté évidente de se renouveler, de s’accepter l’un l’autre et de porter témoignage. Les intervenants échangeaient leurs arguments en toute franchise et respect réciproque. Le prêtre dirigeait les débats sans s’imposer d’aucune façon. Il intervenait quand  il lui semblait bon de le faire en tant que membre de la communauté, en tant que ‘primus inter paris’, toujours prêt à laisser les autres parler pour exposer en toute liberté leurs opinions, sachant rappeler en toutes circonstances les exigences de l’Evangile et les appels du Seigneur à une réelle remise en question par la repentance.

 

Une troisième caractéristique consiste en ce que chaque fidèle, juste à l’entrée de l’Eglise, établit une liste des vivants et une autre des morts qu’il voudrait commémorer et une prosphore lui est allouée à cet effet qui est transmise au prêtre célébrant pour faire mémoire. Ainsi, chacun réalise qu’il vient à l’église pour aussi y rencontrer des aimés absents ou malades et d’autres qui font  déjà partie de l’Eglise invisible. Entourés des icônes qui rendent présents le Seigneur et ses saints, les fidèles commémorent donc, entourés aussi de leurs défunts et des anges la mort et la Résurrection du Christ qui nous assume tous, vivants et défunts, nous conviant tous à être les membres de l’unique famille du Père.

 

Durant les ecténies, le prêtre ne se contente pas de mentionner les malades et les défunts comme cela se fait partout. Il mentionne aussi les opprimés de tel ou tel autre pays qui vivent une situation de violence, de cataclysme ou d’injustice et encore nommément toutes celles qui attendent un enfant. De même, aussi nommément, tous les catéchumènes ‘qui se préparent à entrer dans l’Eglise orthodoxe’ et diverses autres intentions de prière communiqués par les fidèles. On a l’impression qu’une telle paroisse porte le monde avec ses joies et ses tristesses à la rencontre de Celui qui vient. Elle n’est pas figée dans une répétition parfois stérile de stéréotypes qui n’interpellent plus les fidèles. Je me rappelle que durant la guerre du Liban où je fréquentais souvent cette paroisse, il était fait mention à chaque liturgie ‘du Liban et de ceux qui l’habitent qui souffrent de violence et de guerre civile’.

 

Prier pour les catéchumènes est une autre preuve tangible que la paroisse est consciente qu’elle se doit d’être missionnaire, sinon elle ne peut rester fidèle. D’ailleurs, les prières pour les catéchumènes, à la fin de la liturgie des catéchumènes, prières dites à haute voix trouvent tout leur sens et sont loin d’être considérées comme des vestiges ‘hors contexte’ comme elles semblent l’être dans beaucoup d’églises.

 

Durant la prière de l’Epiclèse, c'est-à-dire durant l’invocation au Saint Esprit pour qu’il repose ‘sur nous et sur les saints dons et les transforme en Corps et en Sang du Christ’, paroles qui sont dites par le prêtre à haute et intelligible voix, dans un silence total de la chorale, tous les fidèles à genoux et  d’un même élan confirment par leur ‘Amen’ trois fois répété, qu’ils participent réellement au ‘Sacrifice de louange’ et sont en train d’exercer ainsi leur sacerdoce royal.

 

Bénie soit de telles paroisses. Que Dieu nous donne d’avoir toujours de plus en plus de pareilles dans notre Eglise d’Antioche.

 



المشاركات الشائعة