Histoire de l’Eglise
Raymond Rizk - 2008
Préambule
1.
Il y a plusieurs façons de
regarder cette histoire : une vision en surface, celle des évènements et
des grands hommes, celle de l’épiscopat, celle de la littérature et de la
pensée, celle de l’extension géographique, etc.
2.
Mais l’Eglise étant une
réalité divino humaine, dont la tête est le Christ et le corps l’ensemble des
fidèles, les visions pré citées ne peuvent rendre compte que du sommet de
l’iceberg.
3.
La seule lecture valable
est, à mon sens, celle de l’histoire de la sainteté, à travers l’histoire des
hommes et les faux-pas de l’Eglise sociologique. En effet, il existe comme un
filon d’or de la sainteté qui court à travers des scories de l’histoire, et qui
constitue le véritable lien entre le passé et le présent et les relie à
l’avenir.
4.
Il n’y a pas d’histoire de
l’Eglise sans réaliser la tension permanente entre le « déjà »
(malgré ses vicissitudes entremêlées de lumière) et le « pas
encore », tendu vers le but final, le Royaume « qui vient ».
5.
Aussi, faut-il, avant d’aborder
l’histoire de l’Eglise, se demander à quel titre on l’aborde. En
chercheur ? Par besoin de culture ? Par curiosité ? etc. Pour
moi, cette étude est dans la recherche de l’histoire d'une famille. Seule cette
approche nous permet de prendre nos distances vis-à-vis des évènements
proprement dits, pour chercher l’eau qui jaillit des profondeurs. Si l’Eglise
est notre mère, on n’abandonne point sa mère quand elle est malade, mais on
l’aime davantage et on s’attelle à la guérir, car elle devient plus notre mère,
et elle profite de la promesse que « les portes de l’enfer ne prévaudront
pas contre elle ».
6.
Tradition. Ce n’est pas une
réalité statique, une sorte de répétition. C’est la vie de l’Esprit dans
l’Eglise qui rappelle continuellement « ce qui a été donné une fois pour
toutes aux saints », et qui est immuable, mais qui nous pousse à le
traduire toujours de façon créatrice face aux changements des
conditions extérieures. Il faut donc toujours distinguer entre cette Tradition
et les traditions humaines qui sont loin d’être immuables.
7.
Notes de l’Eglise :
Une, Sainte, Catholique et Apostolique. L’Eglise du Christ reste une, ce sont
les chrétiens qui se divisent. Malgré les péchés de ses membres, elle reste
sainte à cause de sa tête. Elle est catholique dans le sens qu’elle englobe
l’ensemble des communautés de l’univers, chaque Eglise locale étant catholique,
car elle est en communion avec l’ensemble. Elle est apostolique dans la mesure
où elle est fidèle aux enseignements des apôtres et est en relation ininterrompue
avec eux.
Subdivisions
de l’étude
Premier
période jusqu’au XIème siècle
1.
L’Eglise Apostolique (1er siècle)
2.
Les persécutions et les
martyrs (2ème - 3ème siècles). Les Pères
Apostoliques et Apologètes. L’Ecole d’Alexandrie.
3.
La paix de Constantin et
les débuts du monachisme.
4.
Les hérésies et les
premiers Conciles Oecuméniques (1er, 2ème). L’Ecole
d’Antioche et l4ecole d’Edesse. Les Pères Cappadociens. Les Pères latins.
5.
Les Conciles d’Ephèse et de
Chalcédoine et les schismes. La Pentarchie/ Primauté.
6.
Les querelles
christologiques ultérieures, le monothélisme et les cinquième et sixième
Conciles Oecuméniques. La montée de l’Islam. Les Pères grecs et latins de cette
période.
7.
L’Iconoclasme et le
septième Concile Œcuménique.
8.
L’Eglise nestorienne.
9.
Photius. L’élan
missionnaire (Cyrille et Méthode).
10.
La crise de l’Eglise en
Occident et la Réforme Grégorienne
11.
Le Filioque. L’estrangement
entre l’Orient et l’Occident.
12.
Le schisme de 1054. Rôle de
Pierre d’Antioche.
13.
Syméon le N. T. (949-1022)
14.
La Sainte Montagne et les
Laures de Kiev.
15.
La première Croisade
Deuxième
Période : Du XIIème siècle aux temps moderne
1.
Les croisades et le sac de
Constantinople (1204)
2.
Le renouveau Byzantin des
12-14 siècles (
3.
Les Conciles d’Union :
Lyon (1274) et Florence
4.
Palamas et Concile de
Constantinople
5.
Chute de Constantinople et
repliement
6.
Byzance Après Byzance
7.
La Renaissance
8.
Renouveau hésychaste
9.
La Réforme et le Schisme
occidental
10.
« L’exil de
Babylone » de l’Orthodoxie
11.
L’Uniatisme
12.
Le Concile de
Constantinople et le philétisme
13.
Les missions orthodoxes
14.
Le Concile de Moscou
15.
La grande épreuve
(1917-1988)
16.
Les bourgeons du renouveau
et les problèmes de l’Orthodoxie contemporaine
17.
Le Saint et Grand Concile
18.
L’Oecuménisme
Premier
Période
L’Eglise
Apostolique
- La Résurrection: Fait central sans lequel
rien n’est compréhensible. « Si le Christ n’est pas ressuscité, toute
notre foi serait vaine… » (Paul). Elle conditionne
tout. Mystérieusement présente, elle fait avec la Pentecôte,
des pauvres pécheurs de poissons de véritables pécheurs d’hommes.
- La liste des peuplades, montées à Jérusalem pour
Pâque, et qui comprennent les langues soudainement
parlées par les disciples lors de la Pentecôte est une
indication des peuples qui ont été déjà évangélisés quand le texte des Actes a
été écrit (Actes 2.1-13) par la mission itinérante des disciples, des
prophètes retracée dans les Actes et certaines Epîtres, rendue encore plus
agissante par la chute de Jérusalem en et l’éparpillement des juifs dans le
monde romain où ils sont venus renforcer des communautés juives déjà établies (
Bassin Méditerranéen, Chypre, Epire, Egypte, Damas, Edesse, Antioche, Turquie,
Grèce, etc.).
- Les caractéristiques de
chaque communauté établie sont les mêmes :
a)
la centralité de Jésus et la nécessité de son imitation par une vie en
Christ, par la prière, la participation aux Mystères et à la liturgie, la vie
fraternelle, le partage ; b) une vie communautaire dans le respect des
charismes de tous les membres de la communauté, toute communauté locale,
eucharistique manifestant le tout de l’Eglise (« l’Eglise de Dieu qui est
à … » ; c) la joie pascale de la Résurrection et de la victoire sur
la mort ; d) l’attente fiévreuse de la Seconde Venue du Christ
(« viens, Seigneur Jésus, viens ») et la dimension eschatologique.
Par la suite, cette relation avec Jésus a été souvent décrite par la fameuse
phrase : Dieu s’est fait homme afin que l’homme dieu.
- Juifs et Gentils : D’abord prières au
Temple et dans les Synagogues ; tensions autour de la circoncision ;
Dispute Pierre et Paul à Antioche où les disciples furent pour la première fois
nommés « chrétiens » ; Raccommodement au Concile de
Jérusalem (vers 48-49) qui établit une première fois le système de
décision collégiale (L’Esprit Saint et nous avons décidé Actes 15, 28); puis
divergences et persécutions (Etienne, Jacques, etc.): les judéo-chrétiens
autour de Jacques, frère du Seigneur lapidé en 62; d’autres communautés se
veulent une branche du Judaïsme ; d’autres s’en éloignent totalement, etc.
qui ne tardent pas à se combattre (lire les épîtres de Jean et certains
passages de son Evangile). Après la chute de Jérusalem (70), les
judéo-chrétiens s’éparpillent, disparaissent en tant que communautés au cours
des 3ème et 4ème siècles et finissent en sectes
(Ebonites, etc.) en marge de l’Eglise. C’est la fin de l’Eglise de Jérusalem,
tandis que les Eglises des gentils se développent et finissent par prédominer.
- Le Nouveau Testament. La Bonne Nouvelle est
d’abord transmise oralement. Il semble qu’il y ait eu des recueils des dires de
Jésus et plusieurs traditions orales. Les premiers textes sont les épîtres de
Paul (48 à 58). Viennent ensuite les évangiles de Marc (68-70), Matthieu
(85-90), Luc (80) et Jean (90-95) puis les Actes (v. 95), Apocalypse (96-97) et
autres textes plus tardifs.
- Le rôle des Apôtres est d’évangéliser et
de fonder des communautés dont ils laissent la charge à des épiscopes entourés
de presbytres, de diacres et du peuple des fidèles, dans le respect de leurs
charismes respectifs. Les prophètes itinérants jouent un rôle important.
- Les persécutions étaient d’abord le
fait des autorités juives. Elles avaient suscité une première dispersion vers
la Phénicie, Chypre et Antioche, accélérée après la chute de Jérusalem. A
partir de 64, commencent celles des Romains (Néron, après l’incendie de Rome,
Trajan).
- A la fin du premier
siècle, l’expansion du christianisme est indiqué sur la
planche jointe. Les communautés se forment surtout autour des grands centres
des Provinces Romaines (Rome, Alexandrie et Antioche), mais aussi Palestine,
Babylonie, Syrie intérieure, Afrique, Cilicie, Phrygie (partie de la Turquie
actuelle), et la Grèce.
Le
Deuxième siècle
- Une menace constante de
persécutions.
Les récits et le culte des martyrs commencent, comme les véritables imitateurs
du Christ. Ignace d’Antioche (+ 107 à Rome), Polycarpe
de Smyrne (+ 155 à 167), Justin (+ 166), les
Africains à Carthage en 180, Irénée de Lyon (+ 202)
et bien d’autres.
- Un début d’organisation selon un schème
monarchique (Ignace d’Antioche). Une Eucharistie, un évêque qui la préside,
donc une Eglise en un même lieu. L’évêque est assisté par un collège
presbytéral. Une place importante est toujours donnée aux prophètes et autres
charismatiques.
- Les Pères Apostoliques et leurs oeuvres: Clément
de Rome, évêque de Rome de 88 à 97 (Lettre aux Corinthiens), Ignace
d’Antioche (Sept épîtres dont six à des communautés qui l’avaient
accueilli au cours de son trajet au martyre et la septième justement aux
Romains pour qu’ils n’interviennent pas en sa faveur), Polycarpe de
Smyrne (Lettre aux Philippiens), Papias (Explications
des discours du Seigneur en 130). D’autres textes de la fin du premier siècle,
début du deuxième : La Didachè (découvert en 1873), Le
Pasteur d’Hermas (vers 140) et encore l’épître du
Pseudo-Barnabé (fin du 2ème siècle). Tous ces textes
sont une source d’information précieuse sur la vie et l’organisation des
premières communautés chrétiennes (évêque et collège presbytéral) et sont une
continuation de l’enseignement apostolique (conseils et prescriptions
canoniques reçus des apôtres), ainsi que diverses méditations spirituelles.
- les Pères
Apologètes : Un début de défense du Christianisme face aux
calomnies et devant les Empereurs, les juifs et les lettrés:, Quadratus (à Hadrien,
v. 124), Aristide (à Hadrien, v. 120 ), Justin (à
Marc-Aurèle, v. 150 ; au juif Tryphon), Tatien (+ v. 180,
syriaque) traduit le N. T. en syriaque et auteur du Diatessaron (Discours
contre les paїens), finit sectaire, Athénagore (à Marc-Aurèle,
Supplique pour les chrétiens en 177), Théophile d’Antioche (évêque
d’Antioche en 180, réfute les absurdités de la mythologie et des philosophes
grecs), Méliton de Sardes (à Marc-Aurèle, v. 190), Apollinaire (Apologie
à Marc-Aurèle, cinq livres contre les paїens, deux contre les juifs), Lettre
à Diognète, v. 200, auteur inconnu, à un paїen, critique le paganisme et le
judaїsme et décrit l’idéal des chrétiens (« Ils habitent leur propre
patrie comme des voyageurs… »).
- La Gnose : Apparaît en Palestine
hellénisée en même temps que le christianisme. Pour des raisons tactiques elle
prit des apparences chrétiennes, comme une tentative de fusion entre la
« bonne nouvelle » et les religions et les philosophies antiques. Par
la suite, chaque secte gnostique produisit son évangile ou ses épîtres,
attribués aux apôtres pour gagner les autres à leurs vues (les textes
apocryphes). Généralement, préconisent un dualisme extrême, une religion à deux
principes, le bien et le mal, etc. Principaux protagonistes : Basilide,
Valentin, Théodote, etc.
- Les hérésies
chrétiennes : Marcion (v. 140, anti judaїsme radical,
fonde sa propre église. Le courant marcioniste se maintint plusieurs siècles à
Rome et Alexandrie). Montan (prophétisme extatique, millénariste,
grand ascétisme, total renoncement, etc. v. 180).
- Les réfutations de la gnose
et des hérésies furent nombreuses. La première fut celle d’Irénée
de Lyon, père de la dogmatique chrétienne, disciple de Polycarpe
de Smyrne (Contre les hérésies, Démonstration de la prédication
apostolique). Clément d’Alexandrie (150-215) est le premier à
ouvrir un dialogue avec la philosophie antique et à la baptiser (Le
Protreptique, le Pédagogue, les Stromates). Tertullien (150-220)
auteur prolixe (l’Apologétique, De la prescription des hérétiques, Contre
Praxeas, Du baptême, etc.). De tendance donatiste, il entra en conflit avec les
autorités ecclésiastiques de Rome et prôna le pouvoir des
« spirituels ». Sérapion d’Antioche (191-212) écrit
contre Marcion. Hippolyte de Rome (+ 235) écrit la Réfutation de toutes les
hérésies et bien d’autres ouvrages, dont surtout la Tradition apostolique qui
est d’un grand intérêt liturgique et disciplinaire. Entre en conflit avec
l’évêque de Rome Calliste et finit par mourir martyr avec lui en 235.
- La date de célébration de
Pâques.
Désaccord entre Polycarpe de Smyrne et Anicet de Rome (v. 155), chacun voulant
imposer la tradition de son église. Le problème ne fut pas résolu et les
Eglises restèrent en communion.
Le
Troisième siècle
- L’Ecole d’Alexandrie, fondée en 180, par Panthène,
rendue célèbre avec Clément d’Alexandrie, brilla surtout avec le
génial Origène (185-254), mort martyr, auteur d’une œuvre exégétique abondante,
exploitant tous les sens du texte biblique : littéral (historique), moral
(anagogique), mais surtout spirituel et symbolique (mystique) qui sera la
marque de l’Ecole d’Alexandrie face à celle d’Antioche, plus proche du texte
littéral et des contingences historiques. Origène vint prêcher à Bosra en
214-215. Il mourut à Tyr en 253, où sa tombe devint un lieu de pèlerinage.
- Les persécutions et le
culte des martyrs. Après une tranquillité relative et une certaine
tolérance de 193 à 249 (période dite petite paix de l’Eglise, bien que
plusieurs martyrs furent exécutés, dont Perpétue et Félicité en Afrique, dont
la Passion est un des documents les plus émouvants de l’ancienne littérature
chrétienne), les empereurs entre 249 et 304 (Dèce à Dioclétien) déployèrent une
politique d’extermination systématique du christianisme, considéré comme
élément dissolvant des antiques mœurs romaines, interdirent les réunions,
confisquèrent les biens, emprisonnèrent les responsables, rendirent obligatoire
la participation au culte officiel. C’est la grande période des martyrs, mais
aussi des apostasies. Le martyr est considéré comme un Baptême du sang, une non
résistance au mal imitant Jésus. Le culte des martyrs s’instaure. Leurs
tombeaux ou les sanctuaires qui leur étaient dédiés devinrent le but de
pèlerinages (voir plus haut, mais aussi, pour ne citer que ceux qui vécurent
dans l’espace antiochien, Babylas d’Antioche (251), Léonce de Tripoli,
Christine de Tyr, Aquiline de Byblos, Thècle de Séleucie, Serge à Sergiopolis
(Rasafa), Mari en Perse en 277, etc.
- Le problème du baptême des
hérétiques et des apostats (les lapsi, c’est-à-dire ceux qui sont
tombés) qui voulaient être réintégrés dans leurs communautés,
secoua la première moitié du 3ème siècle, entre partisans du
pardon suite à une pénitence stricte, le second baptême n’étant pas
possible, et ceux qui refusaient carrément la réintégration sans un second
baptême. Firmilien de Césarée de Cappadoce (232-268) aida à le résoudre au
concile de 252 où il fut décrété, contre l’avis du siège de Rome, que le
baptême des hérétiques n’était pas valide.
- L’habitude de convoquer
des conciles locaux, assemblées épiscopales avec des
représentants du plérôme de l’Eglise, pour résoudre les problèmes prit racine
vers le milieu du 3ème siècle (Antioche, Césarée,
Afrique, Rome,
etc.).
- Le canon de l’Ecriture se fixe lentement. La
première ébauche se fait vers 200 (Canon de Muratori) à Rome. Il sera
finalement fixé au 4ème siècle (Athanase d’Alexandrie 367).
- Des hérésies
nouvelles, comme l’adoptianisme de Théodote et de
Paul de Samosate, devenu évêque d’Antioche avec l’appui de Zénobie et qui fut
jugé pour hérésie et conduite scandaleuse par deux conciles d’Antioche en 264
et 268, le modalisme de Sabellius (il n’y a qu’un Dieu qui
change de nom selon ce qu’il fait), le monarchianisme de Dieu
dont sont issus le Fils et l’Esprit, le manichéisme de Mani
(crucifié en 276) qui avait essayé de mélanger christianisme et mazdéisme, et
diverses tendances sur la théologie du Logos, dont celle d’Arius,
fut la plus répandue. D’autre, comme Bardesane (+ 220) nient la résurrection
des corps, etc.
- Cyprien de Carthage
(200-258). Grande figure du siècle, avec un prestige tel qu’on faisait appel à
lui (conflit entre Faustinus de Lyon et Marcien d’Arles). Entra en conflit avec
l’évêque de Rome, dont il contesta certaines prétentions, affirmant que chaque
évêque est assis sur le siège de Pierre, que l’épiscopat est partagé par tous
les évêques, que le peuple doit être consulté sur le choix de son évêque. Il
appuyait Firmilien de Césarée sur la question sur l’invalidité du baptême des
hérétiques. Il affirmait que l’unité de l’Eglise se manifeste dans le Concile
dont la décision collégiale s’impose. L’instauration des sièges métropolitains
apparaît à la fin du siècle, avec le remaniement par Dioclétien des
circonscriptions provinciales.
- L’expansion du
christianisme continue
malgré les persécutions et touche toutes les classes sociales. L’empereur
Philippe l’Arabe (+ 249) était chrétien et suivant la pénitence qui lui avait
été imposé par Babylas d’Antioche, après avoir commis un crime, était redevenu
pénitent. Vers la moitié du siècle est établi un catholicossat à Ctésiphon, en
Mésopotamie, la première église de la région ayant été vraisemblablement fondée
par Mari, disciple d’Addai (v. 180, premier évêque d’Edesse) au début du 2ème siècle.
Vers 190, le christianisme est attesté à Edesse. Vers 220, l’école de Bardesane
produit une œuvre philosophique d’obédience chrétienne écrite dans la langue
d’Edesse. L’Arménie est évangélisée par Grégoire l’Illuminateur (+ 213), élève
d’Origène. Le roi Tiridate (261-317) est chrétien Les ibères deviennent
chrétiens à la fin du 3ème siècle. Voir la planche jointe pour réaliser cette
expansion.
- Le début de l’art
chrétien. Les Catacombes dont l’iconographie est principalement
baptismale et funéraire. La maison église de Doura-Europos (232-256).
- L’initiation chrétienne se
structure. Les
catéchumènes. La remise du Notre Père et des versions primitives du symbole de
foi (Le symbole des apôtres) par l’évêque. Le jeûne avant le baptême
avant Pâques une semaine entière et les mercredi et vendredi.
- L’institution
pénitentielle. Les pénitents soumis à un régime de repentance très
sévère. Confession publique, tout péché étant commis contre l’ensemble du
corps.
- Le peuple chrétien se compose du clergé, des
catéchumènes, des pénitents, des confesseurs, des continents (les vierges) et
les autres fidèles.
- Plusieurs schismes qui durent plus ou moins
longtemps : Novatien à Rome (milieu du siècle) à cause de divergences sur
le retour des apostats, Mélétios en Egypte en 303 pour les mêmes raisons, Donat
en Afrique à cause de la livraison des livres et vases sacrés aux autorités en
304 qui se prolongea jusqu’au 5ème siècle.
- Débuts de la division du peuple de Dieu en
clercs et laïcs et retour à la conception du sacerdoce de l'AT.
Le
Quatrième siècle
- L’Edit de Milan et la paix
de l’Eglise en
313. Constantin unique empereur en 324, décide de transférer la capitale de
l’Empire de Rome à ce qui deviendra Constantinople. Il fut baptisé au moment de
sa mort en 337, par un évêque arien. Cinquante ans plus tard, le christianisme
devient religion de l’état, avec Théodose. Ce fut le tour du paganisme d’être
interdit et persécuté.
- Les débuts du
monachisme. Une partie des chrétiens qui avaient autrefois
expérimenté la suite et l’imitation du Christ au sein des communautés
fraternelles de l’Eglise primitive, et qui avaient par la suite fait du martyre
une façon de perpétuer cette expérience, se trouvèrent désemparés par
l’irruption intempestive du monde dans l’Eglise et les baptêmes à la va vite,
firent contrepoids à cette chrétienté établie dans le monde, comme les martyrs
des temps de paix, pour rappeler incessamment que les chrétiens ne sont pas de
ce monde. Dons fuite au désert pour y retrouver le Christ, combattre les
passions et fonder de nouvelles fratries. Antoine (251-356),
père de l’érémitisme. Pachôme (286-346), père du monachisme
communautaire, puis Ammon et Macaire (330), Evagre
(+ 399), Arsène dans les déserts de Nitrie et de Scété, tous
en Egypte. Leur règle sera reprise en Occident par Benoît de Nursie. Puis, vers
la première moitié du siècle, un monachisme plus sévère (Les Fils de
l’Alliance), apparaît en Syrie au milieu des communautés, préfigurant les
monastères dans les villes. En Syrie aussi, Syméon le Stylite (+
459), Maron (+410), Aphraate le Sage persan
(270-345) et Ephrem le Syrien (206-313) dans les régions
d’Edesse et de Nisibe. Vers la fin du 4ème, début du 5ème,
le monachisme s’installe en Palestine. Dans le désert de Judée avec Euthyme le
Grand (377-473) et la vallée du Cedron avec Saba (439-532). A
Gaza avec Hilarion (+ 371), Barnasuphe, Jean le
Prophète et Dorothée. Monachisme latin aussi à Jérusalem,
sur le Mont des Oliviers avec Mélanie et Rufus, et à
Bethléem avec Jérôme (+ 420). Enfin, au Sinaï, dès
la fin du 4ème siècle, autour du couvent de Sainte Catherine
établi en 527. De même, le monachisme s’étendit en Gaule, en Italie, en Espagne
et en Afrique du Nord avec Martin de Tour (316-397), Augustin en
354 près Milan, puis à Hypone vers 391, Cassien (+ 435), Benoît
de Nursie (480-547), les deux derniers ayant vécu, comme Jérôme,
longtemps dans des couvents en Orient. Le premier monastère urbain fut établi à
Constantinople en 382. En 430, celui des Acémètes (ceux qui ne dorment pas).
- Les Récits de pèlerins. Entre le milieu du 4ème et
le 6ème siècles, nous sont parvenus plusieurs récits de
pèlerins ayant visité les lieux saints qui donnent des informations précieuses
sur la vie des communautés d’alors. Mentionnons plus particulièrement le
Pèlerin de Bordeaux (333), Egérie (381-384), le Pèlerin de Plaisance (560-570),
à côté de beaucoup d’autres.
- La crise arienne et le 1er Concile
Œcuménique. Arius, prêtre d’Alexandrie en 323, adopte une thèse
adoptianiste. Le Logos est la première créature de Dieu et lui-même auteur de
toutes les autres créatures, dont le Saint-Esprit est la première. Il est
adopté comme fils par Dieu, mais n’a aucune participation à la divinité. Le
Logos remplit dans le Christ la fonction de l’âme. Doctrine condamnée au
Concile de Nicée, convoqué par l’Empereur en 325 et présidé par lui, comprenant
jusqu’à 318 évêques d’Orient avec des légats de l’Eglise de Rome. Le grand champion
de l’Orthodoxie est Athanase d’Alexandrie (295-373). La formule adoptée :
Le fils est consubstantiel au Père ‘omoousios’.
- Le Credo et le dogme. Ce Concile promulgua
le Symbole de la foi, appelé Symbole de Nicée- Constantinople, parce qu’achevé
au 2ème Concile Œcuménique de Constantinople. Un des Pères de
l’Eglise écrit que c’est la faute des hérétiques qui nous pousse à commettre de
plus grandes fautes, à savoir circonscrire dans des paroles humaines, les
mystères ineffables de Dieu. Le dogme est donc une tentative humaine pour
définir au mieux l’indéfinissable.
- Les Canons disciplinaires
et d’organisation de Nicée : Les règles d’une vraie collégialité
épiscopale; le synode provincial ; Les sièges
métropolitains : Rome, Alexandrie, Antioche dans cet ordre de
préséance ; diverses mesures disciplinaires pour les clercs et les
fidèles, etc.
- Les séquelles de
l’arianisme, schismes antiochiens et 2ème Concile Œcuménique de
Constantinople. Les controverses ariennes ne sont pas épuisées par
le Concile. En 341, 100 évêques réunis à Antioche, professent une foi semi
arienne, rejetant le ‘omoousios’ et semant la division parmi les évêques
antiochiens. Entre 341 et 361, 4 évêques semi ariens se succèdent sur le trône
antiochien, soutenus par l’Empereur Constance. Entre 361 et 415, schisme, où
trois évêques se réclament du siège d’Antioche, un arien, un orthodoxe, Mélèce
d’Antioche qui voulait condamner tous les évêques semi ariens et un
autre orthodoxe, Paulin, soutenu par Rome et Alexandrie, qui voulait les
garder. Mélèce, avec l’aide des Cappadociens (les deux Grégoire et Basile (voir
infra) et Cyrille de Jérusalem (315-386), prépara le 2ème Concile
Œcuménique en 381 et le présida. Il y mourut et fut remplacé à la présidence
par Grégoire de Nazianze. Ce Concile affirme l’unité de l’essence
divine et la divinité des hypostases, ainsi que la divinité du Saint-Esprit. Il
compléta les articles du Credo de Nicée, à partir du Saint-Esprit et promulgua
des canons disciplinaires. Sur le plan de l’organisation ecclésiale son canon 3
élève Constantinople au deuxième siège après Rome.
- L’Ecole d’Antioche. L’école exégétique se
distinguait par l’exégèse littérale, refusant allégories et symbolisme, ayant
une perception de la consistance propre de l’histoire humaine plus forte qu’à
Alexandrie et une plus grande estime de la création, et se voulant
d’incarner la foi dans la vie et les comportements et le souci du frère, dont
le ‘sacrement’ doit continuer et compléter celui de l’autel. Fondée par Diodore
de Tarse, elle compta parmi ses membres les plus éminents Théodore de
Mopsueste et Jean Chrysostome (+ 407). Diacre et
prêtre à Antioche jusqu’en 397, il s’y révéla comme grand prédicateur. Maître
de la morale pratique et de la perfection chrétienne, il fait grande attention
aux problèmes de la vie de tous les jours, s’attaque aux fléaux sociaux. Il fut
enlevé par ruse pour accéder au siège de Constantinople où il porta la liturgie
d’Antioche. Il s’avéra être un évêque réformateur, un grand liturge, libre par
rapport aux puissants, prêt des pauvres, constructeur d’hôpitaux, sévère envers
ceux qui manquaient d’attention aux démunis, etc. Les mécontents se liguèrent
contre lui avec Théophile d’Alexandrie et finirent, après maintes péripéties, à
le faire bannir plus d’une fois et le faire déposer par un synode de ses
adversaires. Il fit appel aux évêques de Rome, Milan et Aquilée, les trois
grands sièges de l’Occident qui le soutinrent mais ne purent changer les
choses. Il mourut en exil, au pied du Caucase en 407, en prononçant ces
paroles : Gloire à Dieu en toutes choses. Il fut un écrivain prolixe et
ses œuvres continuent d’être, sinon les longueurs, très actuelles.
- L’école d’Edesse, fondée probablement par le
gnostique Bardesane (154-222), a reçu sa gloire d’Ephrem le Syrien (306-373),
grand docteur de l’Orient et exégète, surnommé la « cithare du
Saint-Esprit », né à Nisibe, puis expatrié à Edesse. Après la prise de
Nisibe, transférée à Edesse où elle a pris le nom d’école des Perses elle fut
marquée au 5ème siècle par le nestorianisme avant d’être fermée
en 489, pour être bientôt réouverte au milieu du 5ème siècle
par Narsai (+503), le grand théologien syro-oriental. L’école de Nisibe a
fondé, par la suite, des écoles nestoriennes à Séleucie-Ctésiphon et Baghdad.
Parmi les Pères syriaques, il faut mentionner le premier théologien, le
moine Aphraate (v.270-345), appelé le « sage
persan ».
- Les Constitutions
Apostoliques (380) est un ouvrage canonico-liturgique, une
compilation de canons dits des Apôtres, d’une partie de la
Didascalie et de la Tradition Apostolique, une amplification de la Didachè et
plusieurs collections des canons des conciles.
- Les Pères Cappadociens.
Basile le Grand (v. 330-379), son frère Grégoire de Nysse (v.
330- v.394) et son ami Grégoire de Nazianze dit le Théologien
(v. 330-v.390), tous les trois très instruits et sans complexe envers la
philosophie antique, contribuèrent par leurs actes et leurs écrits à combattre
les relents de l’arianisme et à préparer les définitions dogmatiques des
Conciles ultérieurs. Basile fut un grand pasteur et liturgiste. Lui-même moine,
il promulgua la Règle d’un monachisme social et encouragea la fondation
d’hôpitaux et de projets sociaux (la Basiliade). Grégoire de Nazianze était de
surcroît un grand poète mystique, chantre de la Trinité, dont une bonne partie
de l’œuvre est utilisées dans la liturgie byzantine. Elu patriarche de
Constantinople, il n’y resta pas longtemps et s’enfuit de nouveau vers sa retraite
monastique. Grégoire de Nysse est un des plus grands maîtres de la mystique.
Son approche apophatique (la montée de Moise au Sinaї). Elève d’Origène qu’il
corrige, il développe une des premières élaborations doctrinales sur la
création de l’homme, sa nature propre et sa fin surnaturelle.
- Un historien de l’Eglise,
Eusèbe de Césarée (+ 339)
- Les Pères latins. Hilaire (315-368 ?),
marié et père de famille, évêque de Poitiers, lutta contre l’arianisme et
travailla à regagner la Gaule à la foi orthodoxe. Ambroise (334 ?-
397), fut élu évêque de Milan alors qu’il n’était encore que catéchumène et
consacré huit jours après le baptême. Il lutta contre le paganisme, l’arianisme
et pour la liberté de l’Eglise face à l’Etat (Il alla jusqu’à excommunier
Théodose après le massacre de Thessalonique et lui imposa la pénitence
canonique). Il baptisa Augustin en 395. Ecrivain fécond et grand pasteur. En
exégèse, élève d’Origène. Jérôme (347 ?-420). Il vécut
longtemps (près de 50 ans) en Orient. Etudia avec Grégoire le Théologien à
Constantinople. Moine à Bethléem. Admirateur d’Origène, il révisa les versions
latines du Nouveau Testament (Vetus latina) ainsi que de l’Ancien Testament
d’après le grec de la Septante. Il travailla aussi à une traduction en latin de
l’Ancien Testament de l’hébreu (la Vulgate). Augustin (354-430),
baptisé à 33 ans, il vécut une vie claustrale jusqu’en 391. Lors d’un séjour à
Hippone en Afrique du Nord, il fut malgré lui ordonné prêtre et se consacra à
l’étude de la Bible, puis devint évêque en 395. Grand pasteur, il s’imposa par
ses écrits, d’une extrême fécondité. Il lutta contre le manichéisme, le
donatisme, le pélagianisme avec grande fougue, ce qui lui valut le titre de
docteur de la grâce. Il faut plus particulièrement mentionner les treize livres
des Confessions, où il fait part de son évolution spirituelle jusqu’en 387 et
ne cache rien de ses faiblesses. C’est une confession de foi lucide, un chant
de louange enthousiaste qui a marqué, avec d’autres œuvres d’Augustin, l’Occident
chrétien. Il fut un des plus grands esprits de tous les temps, doué de la
puissance créatrice de Tertullien, de la largeur d’esprit d’Origène, du sens
ecclésial de Cyprien, avec une maîtrise de la philosophie grecque. Pessimiste
sur l’homme, il considérait que le péché originel était lié à la
« concupiscence de la chair » et influença grandement la théologie
occidentale ultérieure. La synthèse augustinienne y fut unanimement acceptée
jusqu’à la fin du 8ème siècle et le début du 9ème et
nourrit bien des discussions théologiques par la suite.
Le
Cinquième Siècle
- Autonomie de l’Eglise de
Chypre en 416 et celle de la Géorgie en 455, les deux églises dépendant
à l’origine du siège d’Antioche.
- Le Concile Œcuménique
d’Ephèse (431) et le premier schisme d’importance. Nestorius, patriarche
de Constantinople, relance la querelle christologique en voulant éradiquer de
la piété populaire l’expression traditionnelle de ‘Theotokos’ (Mère de Dieu).
La pensée, sous tendant cette position était que le Logos avait simplement
habité Jésus et donc que Marie était seulement la mère de Jésus. Le Concile
d’Ephèse, dont le champion fut Cyrille d’Alexandrie (+ 387)
dont les Catéchèses restent un monument de la préparation des catéchumènes et
dont la fameuse formule :’une seule nature du Logos incarné’ à laquelle
souscrivent finalement Jean d’Antioche et les orientaux malgré leur
terminologie de ‘une seule personne en deux natures’, finit par convaincre le
Concile de considérer l’expression Theotokos comme orthodoxe et en justifier
l’usage. A la suite de ce Concile, l’Eglise de Perse et de Syrie orientale,
l’Eglise de l’Orient, dont le synode fondateur comme l’Eglise des Perses,
indépendante du Patriarcat d’Antioche, se tint en 424 à Séleucie-Ctésiphon, se
détacha du tronc commun et en 486, elle se rattache au Nestorianisme (sous
l’impulsion de Barsauma) et fait partie de ce qu’on appelle les Eglises des
deux Conciles. Ce fut le premier grand schisme de la chrétienté. Cette
Eglise continuera à se développer jusqu’aux 13ème-14ème siècles
et établira des évêchés dans tout l’Orient, en Asie Centrale, en Inde et
jusqu’en Chine. Elle joua, durant le Califat des abbassides, un rôle de premier
plan. Le chef de cette Eglise, appelé Patriarche-Catholicos de Babylone,
devient héréditaire à partir de 1454. Elle a connu plusieurs schismes au cours de son histoire et aujourd'hui
plusieurs Églises, appartenant à des communions différentes, en sont les
héritières directes : l'Église apostolique assyrienne
de l'Orient qui a renoncé à toute référence au nestorianisme en 1975;
l'Ancienne Église de l'Orient, née d’un
schisme avec la première en 1968 et l'Église catholique chaldéenne (catholique orientale), unie à Rome
en 1553 (une partie rompant cette union en 1692) et qui regroupe aujourd’hui la
majorité des fidèles d’origine nestorienne. Les différentes Églises orientales
des chrétiens de saint Thomas dans le
Sud de l'Inde, qui sont nées de l'importante activité missionnaire de l'Église de Perse en Inde, en sont également
héritières, même si les affiliations se sont diversifiées et complexifiées.
- Le 4ème Concile
Œcuménique de Chalcédoine (451) et le Grand Schisme d’Orient. Les terminologies des
antiochiens et des alexandrins concernant la Personne du Fils se confrontent
dans une atmosphère passionnelle (Brigandage d’Ephèse en 449). Rome propose une
formulation, équilibrée, malheureusement mal comprise et perçue par les
alexandrins et la grande majorité des antiochiens comme contraire à celle de
Cyrille d’Alexandrie. Le Concile ira de l’avant et l’adoptera, ce qui entraîne
un des plus grands schismes de l’histoire de l’Eglise en Orient. Les coptes et
les éthiopiens, beaucoup d’antiochiens et par la suite, les arméniens, toutes
peuplades limitrophes de l’Empire et parlant une autre langue que le grec ne
l’acceptent pas. Quelques années plus tard, il y a un patriarche dit
« monophysite » dans tous les sièges dissidents (à Antioche en 475,
Pierre le Foulon, puis Sévère (512-528). A partir de 543, et grâce à l’œuvre de
Jacques Baradai (+ 578), sacré évêque à Alexandrie et évêque d’Edesse,
sollicité en 542 par le roi des Arabes Ghassanides, Harith bin Djabala
d’envoyer des évêques dans les régions qu’il gouvernait, et qui voyagea déguisé
en mendiant pour éviter les forces impériales, consacrant plusieurs centaines
de prêtres et d’évêques, il y eut duplication de presque tous les sièges
épiscopaux, d’où l’appellation des syriaques monophysites de
« Jacobites ». Les empereurs byzantins, au gré de leurs intérêts politiques,
tantôt les jouant les uns contre les autres, avec des persécutions qui les
touchent tous, tour à tour, tantôt veulent imposer la réconciliation et
l’union.
- Dispositions canoniques de
Chalcédoine. Le canon 28 réaffirme le canon 3 de Constantinople de la
primauté de Constantinople, après Rome, « car la ville honorée de la
présence de l’Empereur » doit être honorée. Donc la question de la
primauté est d’honneur et pas un droit divin. L’Orient a toujours maintenu
cette attitude face aux prétentions romaines. Ils ont toujours accordé la
primauté à Rome parce que cette ville était à l’origine la capitale de
l’Empire, que Pierre et Paul y ont été martyrisés et à cause de l’orthodoxie de
la foi du siège de Rome (qui n’avait pas failli jusqu’au 8ème siècle).
Un autre canon affranchit Jérusalem de l’autorité de Césarée et lui donne le
cinquième rang, après Rome, Constantinople, Alexandrie et Antioche. Les évêques
de ces villes sont appelés Patriarche. Depuis lors, se propagea la théorie de
la Pentarchie selon laquelle l’Eglise est gouvernée par les cinq patriarches.
- Retour sur les
écoles d’Antioche et d’Alexandrie. Comme on le
voit, les définitions dogmatiques se sont faites au prix de l’unité du siège
d’Antioche. En fait, les antiochiens, de par leurs recherches et à cause
d’elles, avaient jeté le trouble, mais ont finalement aussi aidé à le lever.
Ils étaient, en général, ouverts à la discussion beaucoup plus que les
alexandrins qui ne manquaient pas (surtout après Origène et Athanase) d’arrogance
et parfois d’obscurantisme et de fanatisme. C’est pour cela que,
durant cette période de conciles, il était généralement admis qu’il fallait
attendre l’arrivée des orientaux pour mettre la paix, l’attitude plus charnelle
des antiochiens corrigeant le genre plus symbolique d’Alexandrie. Il y a en
fait une connexion entre l’école d’Antioche et les hérésies anciennes les plus
rationalistes qui cherchaient à écarter le plus possible l’élément mystérieux
de la doctrine, tandis qu’Alexandrie a versé dans les hérésies venues plus tard
et d’allure plus mystique.
Les
Sixième et Septième siècles
- Le Cinquième Concile
Oecuménique de Constantinople (553) corrobore les décisions de Chalcédoine
et promulgue beaucoup de canons disciplinaires et organisationnels. Justinien
qui avait été parmi les empereurs les plus vindicatifs contre les non
chalcédoniens encouragea le Concile à prendre des positions extrêmes. Ainsi le
Concile condamna des personnes déjà mortes (Théodore de Mopsueste, Théodoret de
Cyr, Ibbas d’Edesse). Il proclama que la chair du Christ est déifiée et
déifiante, englobant toute l’humanité.
- L’invasion perse commence
en 538 occupe
et détruit Antioche en 610. Elle favorise
les monophysites et chasse les orthodoxes. Les patriarches se replient alors
sur Constantinople où ils seront élus, sans recours à leur patriarcat jusqu’en
742. Bientôt, les monophysites supplantent les nestoriens dans l’empire perse
et polémiquent avec eux.
- Quelques grands noms de
cette période. Romanos le Mélode (+ 560), né à Homs,
diacre à Beyrouth, composa à Constantinople un grand nombre de Kontakia une
place de choix dans la liturgie byzantine. Jean Climaque (v.
579-v. 649). Pseudo-Denys l’Aéropagite (fin 5ème début
6ème). Diadoque de Photicée (5ème), un
des plus grands popagateurs de la spiritualité du désert, ayant fait la
synthèse de Macaire et d’Evagre. Jean l’Aumônier (+
619), patriarche d’Alexandrie. André de Crète (660-740). Maxime
le Confesseur (+662).
- L’avancée de l’Islam : conquête de la
Mésopotamie en 637, de Jérusalem en 638, de la Perse et de l’Arménie en 642.
Bien qu’au début, ils collaborent avec les chrétiens, ils favoriseront les non
chalcédoniens sur les orthodoxes qu’ils considèrent alliés à l’empire byzantin.
Vers la fin du 6ème siècle, les monophysites sont nettement
majoritaires dans les sièges d’Antioche et d’Alexandrie. Ceux qui restent
fidèles à Chalcédoine sont taxés, par dérision, de « melkites »,
c’est-à-dire « ceux qui suivent le melek », l’empereur de Byzance.
Les monophysites en général acceptent le nouvel empire où ils sont sous le
régime de la dhimmitude avec un certain degré de tolérance.
- Le monothélisme et le
sixième Concile Oecuménique. Héraclius (639) veut rapprocher les non
chalcédoniens. Il publie son Enotikon, selon une formule proposée par le
patriarche Serge de Constantinople, qu’il n’y a qu’une volonté dans le Christ
qui a deux natures. Les papes Honorius de Rome et Cyrrus d’Alexandrie y
souscrivent, ainsi que le monastère de saint Maron, jusqu’alors farouche
défenseur de Chalcédoine. Le grand défenseur de l’Orthodoxie est Maxime
le Confesseur (+662) né dans le Golan, qui, seul contre
tous, défend la foi orthodoxe, jusqu’au martyre. Le 6ème Concile,
réuni à Constantinople en 681, anathématise tous ceux qui soutenaient la thèse
d’Héraclius, y compris le pape Honorius. La deuxième séance du Concile en 692
proclame l’indépendance de la Géorgie.
- Vers 630, l’Eglise
nestorienne compte près de 100 évêchés. En 635, le nestorianisme
arrive en Chine. En 638, la dynastie Tang reconnaît officiellement le
Christianisme. Il est appelé la « religion radieuse ». En 676,
dernier évêque nestorien à Oman. Des fouilles récentes au Qatar et dans les
îles du Golfe persique ont découvert des traces de nombreuses églises et
monastères.
- Isaac de Ninive, dit le Syrien (7ème),
né au Qatar, est nestorien. Pourtant ses œuvres ont été acceptées dans le monde
chalcédonien et monophysite, comme quoi il n’y a pas de frontières pour la
sainteté.
Du
Huitième au Onzième siècle.
- Les maronites, restés attachés au
monothélisme, profitent d’une vacance du siège d’Antioche vers 750 pour élire
leur propre patriarche. Cette communauté se repliera au Liban et finira, avec
les croisades, par abjurer cette foi, lors de l’union avec Rome au début du 13ème siècle.
- La crise iconoclaste et le
7ème Concile Oecuménique. En deux périodes, de 726 à
780, avec Léon l’Isaurien, avec des persécutions finalement arrêtées par
Irène. Jean de Damas (+753) défendra l’usage des icônes. Après
Origène, le Pseudo-Denys et Maxime le Confesseur, qui avaient, en dépassant les
cadres de la polémique avec les hérésies, produit des systèmes de pensée
théologique, Jean écrira la « Somme de connaissance » qui est un
résumé et une synthèse de la théologie patristique avant lui, qui fera date et
influencera les générations suivantes. Le 7ème Concile se
réunira en 787 à Nicée et, s’appuyant
lancée
de 815 à 843, qui sera arrêtée par Théodora. Cela donna lieu au Triomphe
de l’Orthodoxie.
- La période abbasside
(750-960) fut l’âge d’or à Baghdad de la rencontre islamo-
chrétienne (un peu comme mais en mieux que celle de la période omayyade à
Damas). A part les califats de Al Mehdi (719) et Al Rashid (807), où il y eut
des persécutions, les chrétiens se sentaient chez eux au sein de l’empire
musulman et contribuèrent (surtout les nestoriens et les monophysites) à
l’ouvrir à la civilisation antique et chrétienne. La tolérance de certains
califes allait jusqu’à promouvoir des joutes théologiques en leur présence (Al
Hadi en 800 avec le Catholicos Thimotée le Grand, mort en 825). Un grand érudit
nestorien Ishaq bin Honein (+873), appelé « l’Erasme de la Renaissance
Islamique », ouvre l’Islam et l’Occident à la philosophie grecque. A
partir de Al Mu’tassim (833-842) et la prédominance turcomane, les musulmans
devinrent plus agressifs.
- L’Eglise nestorienne continue son expansion. Une
stèle datée de 781, maintenant à Xian, en chinois et syriaque, découverte en
1625, atteste sa présence en Chine. En 800, un évêque au Yémen. En 845,
première expulsion des chrétiens de Chine, mais ils reviendront bientôt et y
demeureront jusqu’au 14ème siècle (en 1275, archevêché à
Pékin). En 1006, un grand monastère à Xian. Vers 1009, conversion d’une grande
tribu mongole. Une tente église accompagne les invasions mongoles pour un
temps. Entre le 13ème et le 14ème siècles, plusieurs stèles en
syriaque attestent la présence nestorienne en Mongolie, au Khighistan, au
Kazakhstan, en Chine Centrale et à Canton.
- Eloignement de l’Orient et
de l’Occident. Dès la fin du 6ème siècle et
la moitié du 7ème, ils sont isolés du fait des invasions des Avars
et des Slaves en Occident et la progression de l’Islam en Orient.
L’iconoclasme, appuyé par certains patriarches d’Orient et rejeté par
l4occident avait créé des suspicions sur la foi réciproque. Surtout,
l’intronisation en 800 par le pape Léon III de Charlemagne comme empereur, fut
considéré comme un acte schismatique en Orient qui respectait le parallèle
entre l’unité de l’Empire et celle de l’Eglise. Enfin, une question de langue.
Après 600, les byzantins ne parlaient guère le latin, face à un occident qui
comprenait très peu le grec, après 450. Tout cela créa un certain
« estrangement » sur lequel est venu se greffer l’affaire du
« filioque » et les prétentions primatiales romaines.
- Le Filioque (et du
Fils). Introduit
en Espagne en 589 (concile de Tolède) comme défense contre l’arianisme,
l’adjonction passe en France et en Germanie (794) et finit par être chantée à
Rome, en 808. Devant les objections byzantines, le pape Léon III trouva que
c’était une erreur d’altérer la rédaction du Symbole et fit graver sur des
plaques en argent le texte original et les afficha sur saint
Pierre. L’adoption de l’adjonction se fit finalement à Rome en 1014.
Le comble fur que la cour de Charlemagne, pour vexer les byzantins, refusa
d’accepter le 7ème Concile et attaqua Byzance parce qu’elle
n’acceptait pas le Filioque.
- Les missions
byzantines. Cyrille (826-869) et Méthode (815-885), deux frères de
Thessalonique furent chargés par Photios, patriarche de Constantinople, de
porter la foi chez les slaves. Ce qu’ils firent, allant jusqu’à inventer un
nouvel alphabet (le cyrillique) et une langue liturgique (le slavon) pour
faciliter la tâche. Cet élan missionnaire aboutira à l’évangélisation des
Moraves, les Bulgares, les Serbes au 9ème siècle et les russes
en 988. Cependant, en Bulgarie, les missionnaires grecs frayèrent avec des
latins et découvrirent les différences qui s’étaient introduites entre les deux
parties du fait de l’éloignement, des différences rituelles ou disciplinaires,
mais aussi le Filioque.
- Le pape de Rome profita
d’un conflit qui opposait les patriarches Ignace et Photius le Grand (+892),
le plus grand érudit byzantin du 9ème siècle, pour tenter
d’intervenir, d’autant plus que Photios avait en 867 dénoncé le filioque dans
une fameuse encyclique. Le problème du Filioque fut au centre des débats et
considéré hérétique par les byzantins, Photios allant jusqu’à affirmer que le
Saint Esprit procède du Père seul. Dans sa mystagogie du Saint Esprit, il ouvre
l’ère de la réflexion sur le Saint Esprit, le cycle christologique ayant été
pratiquement clos avec le 7ème Concile et le Triomphe de l’Orthodoxie.
La nouvelle période qui analyse les mêmes certitudes de la rédemption en vue de
la théosis et de l’union vont être considérés sous l’angle de leur
intériorisation dans le Saint Esprit. Cette période se caractérisera par une
méditation sur la personne et le rôle du Saint Esprit, une expérience de ce
même Esprit et un éloignement de la scolastique latine. Le conflit avec Rome
fut finalement résolu et la communion rétablie. Mais le feu couvait sous les
cendres. En 1009, toujours à cause du Filioque, le nom des papes fut enlevé des
diptyques à Constantinople, ce qui équivalait à une rupture de communion.
- La crise de l’Eglise en
Occident au 10ème – 11ème siècle et la Réforme
Grégorienne à Rome : Avec le déclin du pouvoir carolingien
et les invasions scandinaves, l’Eglise souffre de divers maux et désordres,
dont les principaux consistent dans la féodalisation du clergé et son contrôle
par les princes ; le nicolaїsme et la dissolution des mœurs
cléricales ; la simonie ; diverses hérésies ; etc. Le début de
la réforme vient du monachisme (la réforme clunisienne dès 1022). La papauté se
mit de la partie avec Léon IX (1002-1054) qui combattit la simonie et le
nicolaїsme (compris alors comme mariage et concubinage des prêtres, l’idéal du
célibat des prêtres de plus en plus encouragé en Occident grâce à l’impulsion
monastique) et encouragea le retour aux valeurs chrétiennes. Cette lutte
continua avec son successeur, Nicolas II, mais sera déterminante avec Grégoire
VII (v. 1025-1085) qui donna son nom à cette réforme. Les dominantes
de la réforme dite Grégorienne sont l’affirmation de l’indépendance du clergé
par rapport au pouvoir politique; la réforme de ce clergé (un surplus
d’instruction, célibat obligatoire, lutte contre la simonie, etc.) ; l’affirmation
de rôle du pape, le papo-césarisme, la primauté de droit divin, parfois
confortée par des faux (les Décrétales), la centralisation du pouvoir
ecclésiastique par la curie romaine, etc.
- L’essai de réconciliation
de 1053-1054,
tourna, grâce à l’incompréhension réciproque et l’attitude ignorante et
arrogante du cardinal Humbert, légat du pape et imbu de la réforme grégorienne
qui voulait faire du pape un potentat de l’Eglise, qui accusait pêle-mêle les
grecs d’avoir retiré le filioque du Credo, de ne pas se raser, d’accepter des
prêtres mariés, donc d’être des nicolaїtes, etc. et qui finit par déposer sur
l’autel de sainte Sophie une bulle d’excommunication du Patriarche de
Constantinople Cérulaire. Cérulaire en fit de même et avisa les autres
Patriarches d’Orient qui se rangèrent de son côté. C’était en 1054, date
symbolique du grand schisme entre l’Orient et l’Occident. Dans sa
lettre réponse à Cérulaire, le Patriarche Pierre III d’Antioche,
l’invite à distinguer l’essentiel du secondaire, ajoutant : « si la
foi n’est pas en danger, il nous faut choisir la voie de la paix et de la
charité, car les occidentaux sont nos frères, même s’ils pêchent beaucoup à
cause de leur barbarie et de leur ignorance.. Si tu insistes sur le symbole de
la foi et le mariage des prêtres, tu auras raison. Ce qui reste, tu peux le
négliger… Je me jette à tes pieds et t’implore d’agir plus doucement que tu ne
l’a fait afin que voulant aider celui qui est tombé, tu ne collabores pas à
rendre sa chute plus profonde… S’ils reviennent sur leur insertion du filioque,
nous n’aurons plus rien à leur demander… Laissons les barbes aux barbiers… Je
t’implore de ne pas exiger le tout afin que nous ne perdrions pas le
tout ».
- Syméon le Nouveau
Théologien (949-1022),
moine du Stoudion appartient à la grande lignée des mystiques. Il parle de son
expérience intime du Saint Esprit comme personne ne l’avait fait. Il décrit ses
visions et ne craint pas d’opposer l’évènement spirituel aux aspects
institutionnels dans l’Eglise. Il rappelle la dignité apostolique de chaque
chrétien et appelle à l’expérience de la foi. Il redonne aux charismes et au
prophétisme droit de cité.
- La Sainte Montagne. Bien qu’une présence
monastique y est attestée dès le 6ème siècle, la république
monastique fit ses premiers pas avec Athanase l’Athonite (+1003)
qui s’installa en 963 dans la presqu’île de l’Athos. La Sainte Montagne a joué
un rôle essentiel dans la préservation et la transmission de la tradition
hésychaste, centré sur la Prière de Jésus. Nil de Calabre (910-1005),
nourri de cette même tradition, établira en Italie du Sud « une nouvelle
thébaïde » et finira par transmettre cette tradition à
Grottaferrata, en Occident. Le souffle pneumatologique venu d’Orient se mêlera
au vaste mouvement de paupérisme évangélique, aux hérésies du Saint esprit,
préparant certains aspects de la Réforme et du monde moderne.
- Un autre centre monastique,
les Laures de Kiev. Antoine (+1073) de tradition érémitique au Sinaï et à
l’Athos et Théodose (+1074) plutôt de la tendance du cénobitisme social
fondèrent la fameuse laure des grottes de Kiev.
- Le début des
Croisades. Au concile de Plaisance de juin 1095, les ambassadeurs de l'empereur byzantin Alexis Comnène réclament aux Occidentaux une
assistance militaire pour lutter contre les Turcs. Parallèlement, l'Église
romaine tente de sortir de la crise qu'elle a connue au début du Xe siècle. Le clergé a perdu de son prestige : il se prête
aux simonies et au nicolaïsme et sape ainsi l'autorité morale de
l'Église. Les premiers objectifs du concile de Clermont (1095) sont donc de
tenter de poursuivre l'œuvre entamée par Grégoire VII afin de restaurer une certaine
rigueur : Urbain II est issu du mouvement clunisien et réaffirme les grands principes
édictés par ses prédécesseurs : la « trêve de Dieu » et la « paix de Dieu ». Les dernières années du XIe siècle sont une succession
de mauvaises récoltes et le peuple, encouragé par certains prédicateurs, y voit
une punition divine et un appel à la pénitence. L'appel à la croisade est
l'occasion de souder la chrétienté dans une quête sacrée et d'offrir aux
seigneurs l'occasion de « purifier leur âme ». En effet, une
indulgence plénière (absolution de tous les péchés) est accordée à ceux qui
entreprennent le voyage. Elle permet en outre de restaurer une certaine paix en
offrant un exutoire aux pulsions belliqueuses des nobles européens qui peuvent
ainsi assouvir leur soif de conquête et de richesse tout en assurant le salut
de leur âme. Les croisés marchèrent vers Jérusalem, à l’appel du pape Urbain II
et du moine Pierre l’Ermite ; plusieurs villes chrétiennes sur leur route
furent mises à sac. En 1099, ils s'emparèrent de Jérusalem, et tous les habitants
encore dans la ville furent massacrés. À la suite de la première croisade,
plusieurs petits États furent créés, notamment le Royaume de Jérusalem, qui subsista pendant un
siècle. Antioche et Édesse furent aussi reprises aux turcs en 1098. Un
patriarche latin fut institué à Jérusalem. De même, après une courte période
d’accord avec les autorités orthodoxes locales, une hiérarchie latine parallèle
s’installe, ce qui amena les patriarches orthodoxes à se replier de nouveau sur
Constantinople à partir de 1106 et d’y rester jusqu’à la chute des royaumes
francs (1260).
Deuxième
Période
Douzième
au Quatorzième siècle
- L’école scolastique en
Occident. Surtout avec Anselme (1033-1109), plus
tard Archevêque de Canterbury, débute la scolastique pour qui la raison
prime, éclaire et approfondit la compréhension des vérités de la foi. Elle
introduisit en Occident une véritable coupure avec l’approche théologique
commune de l’Orient et de l’Occident durant le premier millénaire. Il y eut
certes des oppositions, mais elles n’eurent pas de suites. Bernard de
Clairvaux (1091-1153) eut beau dire qu’on « comprenait Dieu dans
la mesure où on l’aime », rien ne parvint à arrêter la nouvelle méthode.
Par son dénigrement de la tradition patristique, par son refus de faire appel à
la Tradition et même à l’autorité biblique (Anselme disait qu’il fallait
essayer de comprendre en mettant « le Christ de côté »), elle
contribua à rendre extrêmement difficile aux deux Eglises de se comprendre.
Avec la traduction d’Aristote en latin, il devint courant de dire que la
doctrine doit être défendue par la logique et uniquement par des arguments
intellectuels. Thomas d’Aquin (+1274) fut le premier à
produire un système théologique selon ces nouvelles méthodes et influença tout
le parcours théologique occidental ultérieur. Les bases de la théologie
n’étaient plus liturgiques, contemplatives et patristiques, mais la pensée
rationnelle. Cette nouvelle méthode théologique (la théologie devenant une affaire
d’école, les écoles cathédrales sont remplacées par des universités vers 1200
qui prirent le relais des monastères qui étaient jusqu’alors les défenseurs de
la foi) s’accompagnait d’une nouvelle idéologie de la place de l’Eglise
de Rome et du Pape. L’Eglise romaine en vertu de son autorité était
seule à même de juger tous les hommes, mais il n’est permis à personne de
prononcer un jugement la concernant (Decretium de Gratien). Les canons
anciens furent expliqués de telle façon à confirmer ces thèses nouvelles. Cela
fit de Rome une autorité centrale et centralisée teintée de juridisme. Le pape
qui était d’habitude appelé vicaire de saint Pierre devint le Vicaire du
Christ. Entre 1100 et 1300, la plupart des papes étaient des juristes, ce qui
amena Bernard de Clairvaux à dire qu’à Rome on entendait plus parler de la loi
de Justinien que de la loi du Christ. En 1231 fut instituée l’Inquisition,
tribunal d’exception pour combattre les hérésies, avec autorisation d’utiliser
la torture. De plus, l’Occident chrétien devint acquis à une évangélisation
par la force. De nouveaux ordres monastiques de moines-chevaliers,
ordres en fait militaires, virent le jour, les Templiers (1139), les
Hospitaliers (1113). Pour eux, « un chrétien est glorifié dans la mort
d’un paїen, parce que le Christ est glorifié », comme l’écrit Bernard. Un
autre ordre monastique vit le jour au 13ème siècle, celui
des frères mendiants, mouvement de pauvreté évangélique, et
totalement acquis à l’étude et à la scolastique. Les grands saints latins de
l’époque, Dominique (1170-1221) et François d’Assise (1182-1226)
en sont juges. Durant cette période apparut aussi le phénomène des femmes
visionnaire de Dieu (Hildegarde +1179 : les béguines au 13ème siècle).
Aussi au 13ème siècle, regain de l’activité missionnaire vers
le Nord de l’Europe par les ordres mendiants et vers la Mongolie et la Chine.
Plus tard, au 14ème siècle, apparut la mystique Rhénane (Maître
Ekkhart +1327, Thomas à Kempis, auteur de l’Imitation de J-C en
1418).
- Les Croisades (1096-1268)
continuèrent, créant de plus en plus de problèmes. On assista lors de la
quatrième à la prise et au sac de Constantinople en 1204 qui peut être
considéré comme la véritable date de la séparation entre Rome et les Eglises
d’Orient. Innocent III interprète cette prise comme « un juste jugement de
Dieu » pour punir les byzantins et une occasion d’une soumission
inconditionnelle des orthodoxes. Union par la force des armes. Le concile de
Latran en 1215 présumait que l’unification était achevée et que toute l’Eglise
devait être dirigée par Rome. Le pape, après avoir regretté les atrocités, se
hâte de reconnaître un patriarche latin à Constantinople, qui y demeura jusqu’à
la reconquête de la ville par les byzantins en 1261. Malgré cela, la prise de
Constantinople avait grandement fragilisée l’empire byzantin. Les
conséquences des Croisades furent multiples : créer un fossé entre les
chrétiens qui ne se reconnaissaient plus comme frères ; le concept de
guerre sainte ; creuser une méfiance qui demeure vivace entre l’Islam et
l’Occident et par voie de conséquence entre les musulmans et leurs concitoyens
chrétiens ; encourager les pressions (impôts, persécutions, etc.) contre
les chrétiens amenant des abjurations nombreuses (jusqu’aux Croisades les
chrétiens étaient majoritaires presque partout en Orient, au début du 14ème siècle,
ils étaient devenus minoritaires partout, le seul pays ayant préservé une
majorité chrétienne étant l’Ethiopie où seulement 1 sur 3 devinrent musulmans).
- Byzance après
Byzance. Le renouveau se fait jour en Bulgarie, Serbie surtout
(Saba +1236) et la Roumanie. Ces pays avec la Russie prendront la relève de
Constantinople après sa chute.
- Tentatives d’union. Rome tenta de réaliser
l’union avec les syriaques, qui n’avaient pas eu leur hiérarchie
remplacée par des latins, en 1166 avec Michel le Syrien. Le Patriarche Ignace
VI envoya même sa profession de foi à Rome en 1236, mais ayant exigé
l’indépendance de son Eglise, le projet n’eut plus de suite. Les Maronites s’unirent
à Rome en 1181, après une abjuration du monothélisme, et de nombreux remous
(deux patriarches rivaux en 1282, l’un refusant l’union). L’union avec les
Arméniens en 1198 au concile de Tarse fut aussi abjurée. L’union signée au
Concile de Lyon en 1274, demandé par l’Empereur de Byzance qui avait besoin de
l’aide militaire de l’Occident, et où Rome exigeait une entière soumission de
l’Eglise orthodoxe concernant le filioque, la suprématie papale, etc. sans
aucun débat, fut rejetée par le Concile des Blachernes en 1285. Ce concile fut
aussi important par son apport théologique concernant la procession du saint
esprit « par le fils ». Au 12ème siècle, eurent lieu
aussi des pourparlers pour l’union entre les byzantins et les monophysites qui firent
long feu, les parties ne parlant plus une langue commune.
- Les invasions mongoles. En deux vagues, 1162 avec
Genghis Khan et fin 14ème avec Tamerlan (1336-1405), elles
dévastent la Mésopotamie et l’Iraq et affaiblissent d’une façon définitive
l’Eglise nestorienne qui était au sommet de son expansion au 12ème siècle,
avec plus de 100 évêchés en Syrie et Mésopotamie et les missions extrême
orientales. Antioche est détruite en 1268. Comme après la destruction
d’Antioche par les Mamelouks, la ville était devenue une petite bourgade, les
patriarches la quittent pour Damas en 1366. Durant le long séjour de ces
patriarches à Constantinople, ils perdent tout contact avec le peuple, et quand
ils reviennent, ils ramènent la liturgie byzantine et le typicon de
Constantinople, se distanciant de la sorte des traditions antiochiennes
syriaques.
- Les Eglises syriaques connurent de grands
bouleversements aux 13-14 siècles, dues aux invasions diverses. Transfert des
sièges patriarcaux au gré de ces invasions, à Deir el Zaafarane (Mardin), à Tur
Abdin pour les monophysites. Nouveau catholicossat pour les arméniens à Sis en
Cilicie. Les nestoriens seront pratiquement décimés par les mongols et ne s’en
remettront jamais. Un grand nom monophysite de cette période, Bar
Hebraeus (Abu Farraj 1225-1286).
- Hérésies, remous et
schismes en Occident. De 1208 à 1218, croisade contre les
Albigeois. La controverse entre les tenants du conciliarisme et ceux du
papisme. La papauté divisée et le grand schisme d’Occident (1378-1417). Les
papes à Avignon de 1305 à 1377. Guerre de cent ans (1337-1453). Invasions
arabes et bataille de Poitiers en 1356.
- La controverse hésychaste. Une importante joute
théologique entre l’Orient et l’Occident, par personnes interposées, se fit en 1340
entre Grégoire Palamas (1296-1359) et Baarlaam le Calabrais
qui était acquis à la nouvelle critique rationnelle occidentale et qui se
moquait du mysticisme hésychaste (centré autour de la prière de Jésus, de la
garde du cœur, de l’hésychia et de la possibilité de la vision de la Lumière du
Thabor). Baarlaam affirmait que Dieu ne peut être connu qu’indirectement, que
sa connaissance en tant qu’expérience réelle et personnelle, comme
l’affirmaient les hésychastes et toute la tradition spirituelle de l’Orient,
était impossible. Le grand défenseur de la Tradition fur Grégoire Palamas (Les
Triades entre 1338 et 1341), qui exposa avec maîtrise les caractéristiques de
l’humanisme byzantin et d’un véritable existentialisme chrétien avec ses
implications sociales qui rejoignent le meilleur d’un Jean Chrysostome (les
pauvres sont les frères de Dieu) et dont la doctrine (distinction en Dieu de
l’Essence incommunicable et les Energies) fut reconnue orthodoxe par les
conciles de 1341 et 1351. Cette tradition hésychaste avait été réintroduite à
l’Athos par Grégoire le Sinaїte (1255-1346) et Nicéphore
l’Hésychaste (+1280), ce dernier ayant publié une anthologie de textes
spirituels, le « Traité de la sobriété (hésychia) et de la garde du
cœur ».
- Le triomphe de l’Hésychasme
et renouveau.
Une série de patriarches réformateurs, à l’origine moines hésychastes,
tel Athanase I (1289-1293, puis 1303-1319), s’attaquent aux
problèmes sociaux et appliquent la dite spiritualité à toute la vie de l’Eglise,
notamment la réforme liturgique et sacramentelle. Un grand théologien
laїc, Nicolas Cabasilas (1320 ?-1371) se fait le champion
d’une spiritualité pour les laїcs, par une insertion liturgique dans les
mystères et un style de vie et d’attention permanente qui rend conscient de
l’existence dans le Christ (La vie en Christ). Renouveau aussi dans l’art comme
à l’Eglise de Chora (Kaarieh Djamie) à Constantinople,
chef-d’œuvre de la Renaissance transfigurée.
- Fin de
« l’estrangement » avec la pensée latine à Constantinople. Traduction en grec des
principaux textes scolastiques. Début d’un dialogue qui tournera court. Jean
Cantacuzène (+1354). Nil Cabasilas.
Les
Quinzième et Seizième siècles
- Une dernière tentative
d’union, le Concile de Ferrare-Florence (1438-1439). L’empereur de Byzance,
ayant un besoin pressant pour l’aide militaire de l’Occident, entama des
négociations diplomatiques qui aboutirent à la convocation du concile. Ce
concile venait juste après la victoire du conciliarisme au Concile de Constance
en 1417 qui avait déclaré que le concile « tient son pouvoir directement
du Christ et tous, y compris le pape, sont tenus de lui obéir ». Il y eut
donc débat à Florence. Sous la pression de l’empereur et leur manque de
préparation face à la science théologique catholique, les délégués orthodoxes,
sauf Marc d’Ephèse et Isaac de Straviopolis, signèrent les
Actes du concile, approuvant les positions latines sur le filioque, le
purgatoire, la primauté papale, etc. Une fois rentrés chez eux, ils répudièrent
leur accords devant l’opposition du peuple qui affirmait « plutôt le
turban des turcs que la tiare latine ». Plusieurs conciles (Jérusalem en
1433, Constantinople en 1450 et 1484) rejetèrent Florence.
- La chute de Constantinople. Le 29 mai 1453,
Constantinople fut conquise par les Ottomans. Les turcs respectèrent les
prérogatives de l’Eglise. Le patriarche œcuménique devint le « bash
millet » des roum (ethnarque) dans l’ensemble du monde ottoman,
établissant ainsi le système des millets qui changea le statut des dhimmi en
une sorte de citoyenneté mitigée liée à l’appartenance confessionnelle et qui
contribua grandement à faire des églises des confessions, encourageant entre
autres le rôle politique des évêques et leur alliance avec les riches et les
puissants, ce qui généralisa une certaine déchéance et des pratiques de
simonie, au détriment de leur action pastorale. L’orthodoxie byzantine entra
dans une période de défensive. En Russie, à partir de 1589, apparurent les
thèses messianiques de la « troisième Rome » et du
« Troisième et dernier Empire chrétien ».
- La Réforme protestante et
la Contre Réforme. Les thèses réformistes d’un Luther (1483-1546), Calvin (1509-1564), Zwingli (1484)
qui appelaient à un retour à une vie évangélique et une pensée patristique et
qui s’opposaient à des dérives de l’Eglise romaine (les indulgences, etc.)
finirent, face à l’intransigeance des papes, par aboutir à un schisme qui se
répandit dans de nombreux pays européens. L’Angleterre avec Henry VIII, choisit
une via média et se sépara aussi de Rome en 1533. La Contre Réforme de Rome se
matérialisa surtout dans le Concile de Trente (1545-1563), par
la création de nouveaux ordres religieux réformateurs dont les Jésuites
fondés par Ignace de Loyola (+1556), par l’apparition d’un
grand nombre de vies consacrées à l’apostolat, la mission et la sainteté, dont
plus particulièrement François de Sales (1567-1622), Charles
Borromée (1538-1584), Philippe Neri (1515-1595) fondateur
de la congrégation de l’Oratoire, Thérèse d’Avila (+1582), Jean
de la Croix (1542-1594) fondateur des Carmes Déchaussés, François-Xavier (1506-1552)
dont l’action d’évangélisation atteint les Indes, le Japon et la Chine. Un
courant de spiritualité prônant le « pur amour de Dieu » et l’abandon
de la volonté propre (Fénelon) tenta de mettre un diapason à la priorité donnée
à la raison, mais très combattu, finit par être condamné.
- Nouvelle politique romaine
en vue de l’union : l’uniatisme. A partir de 1553, le pape
Urbain VIII demande aux Jésuites d’ouvrir des écoles à Jérusalem,
Constantinople et Chypre, en vue de ramener les « schismatiques » au
giron de l’Eglise romaine. Mais c’est surtout durant le pontificat de
Grégoire XIII que le mouvement vers l’Orient s’accélère par l’ouverture d’un
collège grec à Rome en 1576, l’envoi des jésuites en masse en Orient, etc. tout
cela avec l’appui des puissances « catholiques », dont la France, qui
avait inclus dans sa politique orientale « la défense de la religion
catholique » et le « retour des schismatiques à l’obéissance ».
Sous l’impulsion des jésuites, deux conciles maronites (1580 et 1596), décident
d’accélérer la latinisation et interdisent le mariage des filles maronites avec
les « schismatiques ». En 1606, les maronites adoptent le calendrier
grégorien. En 1553, les nestoriens se divisent, une grande partie, appelée
désormais Eglise chaldéenne, rejoint Rome. En 1599, le mouvement atteint la
communauté syro-malabare en Inde. La partie restée nestorienne s’unira en 1665
à l’Eglise syriaque monophysite. En 1596, une partie des ukrainiens se rallia à
Rome (Union de Brets-Litovsk). Le mouvement « uniate » se continuera
jusqu’au 19ème siècle et atteindra toutes les Eglises
orientales.
- La relève russe. Alexis de Moscou,
Serge de Radonège (1314 ?-1392), Nil Sorski (1433-1508), Etienne
de Perm, André Roublev (1360-1430), les « fols en
Christ » dont Basile le Bienheureux, à qui est dédiée
la cathédrale en pleine Place Rouge à Moscou, Maxime le grec, etc….
sont parmi les grandes figures qui one laissé leur marque sur la spiritualité
russe ultérieure.
- Les néo-martyrs en
Orient. Tous
ceux qui refusent la conversion forcée à l’Islam et le payent de leur vie, et
ils sont nombreux.
- Début d’effritement du
protestantisme. Les sectes. Les Disciples des Prophètes (1512). Les
Anabaptistes et les Mennonites en 1534. Les Quakers en 1650.
Du
dix-septième au dix-neuvième siècle
- « La captivité de
Babylone » de la théologie orthodoxe. Ballottée entre Rome
et le Protestantisme, coupée de ses sources vives par l’éparpillement des
moines, livrée en Orient aux ambitions des clercs et l’ingérence des autorités
(48 patriarches à Constantinople en 73 ans), soumises aux vexations de
l’occupant turc, affaiblie en Russie par les réformes de Nikon et le schisme
des « vieux-croyants », leur condamnation par les conciles de
1667-1668 et la mainmise de Pierre le Grand sur l’Eglise et
l’abolition du Patriarcat en 1721, l’Orthodoxie survit par la Liturgie, la
grâce de Dieu et la prière des saints anonymes. Confession de foi
latinisante de Pierre de Moghila de Kiev au milieu du 17ème. Confession
calviniste de Cyrille Loukaris, patriarche de Constantinople
(+1638). Confession orthodoxe de Dosithée et conciles de Iassy
(1642) et Jérusalem (1672) qui reconfirment la foi des Pères.
- La Renaissance et
l’explosion colonisatrice et missionnaire de l’Occident. Pendant que l’Orthodoxie se
débat dans ses problèmes, tentant de survivre, l’Eglise de
Rome est en pleine expansion, suivant les puissances européennes dans leur
colonisation de nouveaux territoires. Prédominance du « christianisme
raisonnable », où le chrétien renonce à tenter l’expérience du divin
pour se tourner, dans un monde désacralisé, vers l’intériorité humaine afin
d’assurer le triomphe de la raison et de l’appliquer à la résolution des
problèmes de la cité.
- L’uniatisme se poursuit. En 1656, eut lieu le
premier schisme au sein de l’Eglise syriaque et formation d’une église
syriaque-catholique. En 1724, schisme antiochien et formation de l’église
grec-catholique. L’uniatisme atteindra les arméniens en 1831 et les coptes en
1899. Le prosélytisme protestant commence : formation de communautés
d’origine coptes en 1815, et grec-orthodoxes en Palestine en 1819 et à Beyrouth
en 1827.
- Réveil de l’Orthodoxie à
partir du 18ème siècle et débuts de la relève. En Grèce, Cosmas
l’Etolien (1714-1779), apôtre de l’Evangile et de
l’instruction, mort martyr par les turcs. A l’Athos, Macaire,
évêque de Corinthe (1731-1809), encourage la communion fréquente. Chef
des « collyvales », chassés de l’Athos par les « zélotes »
(conservateurs et ritualistes), et dispersés dans divers monastères, ils y
assurèrent un renouveau liturgique et spirituel. Nicodème l’Hagiorite (1748-1809)
publia la « Philocalie des saints Pères Neptiques» qui joua un rôle
éminent dans le réveil de la tradition hésychaste dans le monde orthodoxe et
dont la traduction dans les langues européennes au 20ème siècle
aura un grand retentissement. En Russie, Tikhon de Zadonsk, né en
1724, se fit le protagoniste de la formation du clergé, de la cathéchèse, du
sacrement du frère et de la lutte contre le servage. En Roumanie, Paissy
Velickovsky (1722-1794), grand restaurateur dans les pays roumains et
en Russie des traditions hésychastes, après avoir vécu à l’Athos. Il traduisit
la Philocalie, en y ajoutant Grégoire Palamas. Cette traduction eut une grande
diffusion dans les pays slaves, tant dans les monastères que parmi le peuple
(le pèlerin russe). Séraphim de Sarov (1759-1833). Son
dialogue avec Motovilov récapitule toute la mystique de la Lumière telle que
Syméon le Nouveau Théologien et les Pères Hésychastes l’avaient connue et
pratiquée. Les Statets d’Optino (Ambroise, Léonide, Macaire), à
partir de 1821, font réapparaître le ministère prophétique dans l’Eglise et
exercent une influence certaine sur les grands écrivains de leur temps
(Tolstoï, Dostoïevski etc). Théophane le Reclus (1815-1894)
publia entre 1876 et 1890 une édition rénovée de la Philocalie russe qui reste
jusqu’aujourd’hui la nourriture unifiée des moines russes. Jean de
Cronstadt (1829-1908), curé de paroisse, thaumaturge, se rattache à la
tradition hésychaste, écrit « ma vie en Christ ». Ignace
Briantchaninoff (1807-1861). Le métropolite Philarète de
Moscou (1821-1867). Regain des activités missionnaires. De grands
saints, tels Germain de l’Alaska (1757-1837), Innocent (1797-1879), Nicolas
du Japon (1836-1912) et d’autres initièrent et développèrent ce
travail missionnaire.
- L’effritement de l’empire
ottoman et libération progressive des pays « orthodoxes ». Rome prend position
en faveur des turcs contre une reprise de Constantinople par les Russes (et les
grecs). Dans une note des Affaires Etrangères françaises à leur Ambassadeur à
Saint Peters Bourg en 1853, il est dit que « Rome… est plus proche des
musulmans que des russes, car un gouvernement chrétien fort à Istanbul est un
danger pour le trône pontifical ».
- Le patriarcat d’Antioche, suite à une crise entre
grecs et arabes entre 1891 et 1899, finit par élire en 1899 le patriarche
arabe, Mélétios. Les troubles interconfessionnels de 1860 au Liban et en Syrie
occasionnent le massacre de milliers d’orthodoxes à Damas et dans la montagne
libanaise dont certains sont d’authentiques néo-martyrs (Youssef al Dimashki).
Ecoles « moscovites ». Ecoles locales (Zahrat el Ihsan en 1882
et les trois Docteurs en 1825 à Beyrouth). De nombreuses revues
voient le jour (Al Haddiya en 1883, Al Manar en 1898, Al Niimat en
1909). Formation des « majaless al milliyat ». Ce réveil
sera couronné par l’élection de Grégoire IV (Haddad) comme
patriarche en 1906 qui donna un coup de fouet à la vie spirituelle,
intellectuelle et pastorale. Il fut aussi le patriarche des pauvres par son
action sociale.
- Le regain du dogmatisme à
Rome, mais aussi floraison de sainteté et d’apostolat. En 1854, dogme de l’Immaculée
Conception. Perte des Etats pontificaux en 1870. Refus du
pape qui se considère prisonnier au Vatican jusqu’à la signature des accords du
Latran en 1926. En réponse à une lettre encyclique de Pie IX adressée en 1848
aux « chrétiens d’Orient, parut l’encyclique des Patriarches
orientaux durant la même année, qui liste les différences avec Rome et
qui supplie le pape de ne pas introduire le dogme de l’infaillibilité et qui
précise que le gardien ultime de la foi dans l’orthodoxie est le peuple de Dieu
dans son ensemble. Lors du Concile de Vatican I en 1870, dogme de l’infaillibilité
du Pape et schisme des Vieux-Catholiques. En1894, Léon XII
appelle les orientaux à l’union, avec une fin de non recevoir. Naissance
des mouvements apostoliques de Jeunesse en 1886, plus tard en
1930 devenus spécialisés (JOC, JIC, JUC, etc.). Grande expansion
missionnaire par les Ordres religieux. Naissance du Catholicisme
social. Parmi les saints, Thérèse de Lisieux (1873-1897).
- Le Concile de
Constantinople en 1872 contre la condamnation du philétisme, c’est-à-dire les rivalités
nationales et les querelles entre peuples à l’intérieur de l’Eglise du Christ.
- Effritement et renouveau au
sein des communautés protestantes. Adventistes du 7ème jour
en 1830. Témoins de Jéhovah en 1874. Pentecôtistes en 1900. Et bien d’autres
(christian science, baptistes, etc.). Certaines de ces sectes ne sont pas sans
rappeler les sectes dualistes des premiers siècles de l’Eglise (messaliens,
montanistes, etc.). Une grande figure du protestantisme traditionnel :
Albert Schweitzer (1875-1965). Fondation de l’Alliance Evangélique
Universelle en 1846. Fondation de mouvements de jeunesse :
La YMCA et la YWCM en 1855, la FUACE en 1885, le scoutisme en 1907-1908.
Le
vingtième siècle
- Le Renouveau
liturgique et patristique en Occident, suscita un grand retour aux
sources dans l’Eglise Catholique qui remit pour la première fois en cause
certains « acquis » de l’école scolastique. Ce renouveau donna
l’occasion aux orthodoxes de redécouvrir leurs propres Pères et contribua à un grand
renouveau de la pensée orthodoxe. Ce renouveau rendit possible Vatican II.
- Le Concile de Moscou
(1917-1918). Préparé dès 1905, ce concile dont les travaux ne purent
aboutir à cause de la Révolution Bolchevique, entendait faire l’aggiornamento
de l’Eglise russe et a défini de nombreux éléments réformateurs dans son
gouvernement et les différents aspects de sa vie.
- Débuts de l’œcuménisme.
Encyclique du Patriarche œcuménique de 1902 invitant
les Eglises chrétiennes à mieux se connaître et à collaborer, suivi par un
autre appel en 1920 qui jouera un rôle déterminant aux
origines du mouvement oecuménique. Début des conférences
multiconfessionnelles : La Conférence Internationale des
Missions en 1910, « Life & Works » en 1925,
« Faith & Order » en 1927 qui regroupent des théologiens
des églises orthodoxes et réformées. Le pape condamne l’oecuménisme en 1928.
Le Conseil œcuménique des Eglises est formée en 1937-1938 et
sa première Assemblée se tient à Amsterdam en 1948.
- Grandes figures du Protestantisme
de l’époque : Karl Barth (1886-1968), Dietrich
Bonhoeffer (1906-1945), mort martyr du nazisme, Marc Boegner (1881-1970).
- La fin de l’empire
ottoman s’accompagne en
1915 d’un génocide arménien et de leur exode avec des
nestoriens et des monophysites vers la Syrie et le Liban. Un tiers des
syriaques de Tur Abdin fut massacré. En 1924, suite à l’occupation par l’armée
turque de la région de Deir el Zaafarane, le patriarcat syriaque se déplace à
Homs et en 1959 s’établit à Damas.
- Dogme de l’Assomption de la
Vierge Marie à Rome en 1958.
- Le concile de Vatican II et
l’aggiornamento de l’Eglise romaine. L’idée en fut lancée en
1959 par un pape charismatique, Jean XXIII. Continué par la suite sous le
pontificat de Paul VI, il termina ses travaux en 1965 et ouvrit réellement
l’Eglise romaine aux vents du renouveau, à tous les niveaux de la vie de
l’Eglise. Le pape actuel Benoît XVI semble vouloir faire un retour en arrière.
- Les rencontres entre
Athénagoras et Paul VI, d’abord à Jérusalem en 1964, puis à Istanbul
et à Rome aboutissent à lever en 1965 les excommunications réciproques de 1054
et ouvrent un dialogue dans la charité entre les deux Eglises.
- Les années de détresse
(1917-1988). Le communisme, établi en Russie et l’Est de
l’Europe, lança plusieurs vagues de persécutions contre les chrétiens qui
dépassèrent et de loin toute autre persécution encourue au cours des siècles.
En Russie seule, plus de 600 évêques (90% du total), plus de 40000 prêtres (85%
du total), des dizaines de milliers de moines et des centaines de milliers de
fidèles laïcs furent massacrés, et l’Eglise fut bâillonnée et souvent obligée à
suivre les directives de l’Etat dans divers domaines, surtout dans les
relations avec le monde extérieur.
- Le Renouveau de la pensée
et de l’action orthodoxes. La préparation du Grand et Saint
Concile débute en 1961 à Rhodes, et se continue en 1963 et 1964,
suscitant de grands espoirs d’un aggiornamento dans l’Eglise Orthodoxe. Depuis,
vu les divergences entre les Eglises, le processus est pratiquement stoppé.
Le millénaire de l’Athos en 1963 fut aussi une occasion pour les
chefs de l’Eglise de se rencontrer dans une atmosphère de joie qui fut
considérée comme « le miracle de l’unité ». Création de mouvements
de jeunesse en Grèce, Finlande, Antioche et les pays de la
Diaspora. De grands théologiens : dans la tradition russe,
Paul Florensky, mort en martyr dans les camps en 1937, Georges Florovsky, Serge
Boulgakov, Vladimir Lossky, Paul Evdokimov, Nicolas Afanassiev, Alexandre
Schmemman, Jean Meyendorff, Anthony Bloom, Sophrony
Sakharov, Alexander Men, mort martyr à Moscou en 1990; chez les serbes,
Justin Popovitch, Nicolas de Jitcha ; chez les roumains, Dimitru
Staniloea, Andre Scrima ; chez les antiochiens, G. Khodre ; dans la
diaspora française, O. Clément, L. Gillet, Placide Deseillem E. Behr-Sigel;
chez les grecs, Jean Zizioulas, Christos Yannaras et beaucoup d’autres. Aussi
des martyrs en abondance et des saints. Contentons-nous de mentionner Mère
Marie de Paris (1891-1945), qui pratiqua une vie monastique dans le
monde au service des plus démunis et qui mourut gazée dans un camp de
concentration. Silouane de l’Athos (1866-1938), Joseph
l’Hésychaste (1898-1059), Nectaire d’Egine (1846-1920), Arsène (1854-1075),
etc.
- Problèmes de l’orthodoxie
contemporaine : la montée du nationalisme. Les luttes d’influence entre
Moscou et Constantinople. La peur de la modernité et la montée des intégrismes.
Les hiérarchies parallèles dans la Diaspora. Excès de cléricalisme.
- Renouement du dialogue
entre chalcédoniens et non chalcédoniens. Plusieurs
rencontres eurent lieu à partir de 1962 qui ont abouti à une déclaration de
l’unité de la foi en 1990, ce qui laisse présager de la possibilité d’un retour
à la pleine communion, une fois les autres difficultés résolues.
- Les problèmes de l’exégèse
ultra rationnelle.
- Une perte de sens. Le
retour du merveilleux. Le New Age. Le spiritisme. Les drogues.
- Nouveaux Défis : Les
tensions Nord-Sud. La violence et le terrorisme.
- La Rencontre des religions. Les dialogues. Les
réunions de prière (Assise, etc.).
- Quelques chiffres. Chrétiens:
près de 2.1 milliards, soit près de 33% de la population mondiale,
subdivisés en près de 1.05 milliard de catholiques romains, près de
0.8 milliard de protestants, toutes obédiences confondues, près de deux
cent cinquante millions d’orthodoxes et de non chalcédoniens. Les
autres religions comprennent :
musulmans: 1.5 milliard,
dont plus d’un milliard sont sunnites.
Non
Religieux et Athées: 1.1 milliard.
Hindouistes:
0.9 milliard.
Bouddhistes:
376 millions.
Religions primitives tribales : 300 million
Religions traditionnelles africaines : 100 million
Sikhs : 23 millions
Juche : 19 millions
Spiritisme : 15 millions
Juifs : 14 millions
Baha’i : 7 millions
Jainistes : 4.2 millions
Shintoisme : 4 millions
Cao Dai : 4 millions
Zoroastres : 2.6 millions
Tenrikyo : 2 millions
Neo paganisme : 1 millions
Unitariens-universalistes : 0.8 million
Rastafarianistes : 0.6 million
Scientologistes : 0.5 million
Autres : quelques
millions, car n’oublions pas qu’il y a près de 43 religions dans le Monde.
Il
est donc bien évident que le christianisme, après plus de deux milles ans
d’existence, ne fait que commencer, comme l’a dit Alexander
Men.