Histoire de l’Eglise

Raymond Rizk - 2008

 

Préambule 

1.     Il y a plusieurs façons de regarder cette histoire : une vision en surface, celle des évènements et des grands hommes, celle de l’épiscopat, celle de la littérature et de la pensée, celle de l’extension géographique, etc.

2.     Mais l’Eglise étant une réalité divino humaine, dont la tête est le Christ et le corps l’ensemble des fidèles, les visions pré citées ne peuvent rendre compte que du sommet de l’iceberg.

3.     La seule lecture valable est, à mon sens, celle de l’histoire de la sainteté, à travers l’histoire des hommes et les faux-pas de l’Eglise sociologique. En effet, il existe comme un filon d’or de la sainteté qui court à travers des scories de l’histoire, et qui constitue le véritable lien entre le passé et le présent et les relie à l’avenir.

4.     Il n’y a pas d’histoire de l’Eglise sans réaliser la tension permanente entre le « déjà » (malgré ses vicissitudes entremêlées de lumière) et le « pas encore », tendu vers le but final, le Royaume « qui vient ».

5.     Aussi, faut-il, avant d’aborder l’histoire de l’Eglise, se demander à quel titre on l’aborde. En chercheur ? Par besoin de culture ? Par curiosité ? etc. Pour moi, cette étude est dans la recherche de l’histoire d'une famille. Seule cette approche nous permet de prendre nos distances vis-à-vis des évènements proprement dits, pour chercher l’eau qui jaillit des profondeurs. Si l’Eglise est notre mère, on n’abandonne point sa mère quand elle est malade, mais on l’aime davantage et on s’attelle à la guérir, car elle devient plus notre mère, et elle profite de la promesse que « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ».

6.     Tradition. Ce n’est pas une réalité statique, une sorte de répétition. C’est la vie de l’Esprit dans l’Eglise qui rappelle continuellement « ce qui a été donné une fois pour toutes aux saints », et qui est immuable, mais qui nous pousse à le traduire toujours de façon créatrice face  aux changements des conditions extérieures. Il faut donc toujours distinguer entre cette Tradition et les traditions humaines qui sont loin d’être immuables.

7.     Notes de l’Eglise : Une, Sainte, Catholique et Apostolique. L’Eglise du Christ reste une, ce sont les chrétiens qui se divisent. Malgré les péchés de ses membres, elle reste sainte à cause de sa tête. Elle est catholique dans le sens qu’elle englobe l’ensemble des communautés de l’univers, chaque Eglise locale étant catholique, car elle est en communion avec l’ensemble. Elle est apostolique dans la mesure où elle est fidèle aux enseignements des apôtres et est en relation ininterrompue avec eux.

 

Subdivisions de l’étude

Premier période jusqu’au XIème siècle

 

1.     L’Eglise Apostolique (1er siècle)

2.     Les persécutions et les martyrs (2ème  - 3ème siècles). Les Pères Apostoliques et Apologètes. L’Ecole d’Alexandrie.

3.     La paix de Constantin et les débuts du monachisme.

4.     Les hérésies et les premiers Conciles Oecuméniques (1er, 2ème). L’Ecole d’Antioche et l4ecole d’Edesse. Les Pères Cappadociens. Les Pères latins.

5.     Les Conciles d’Ephèse et de Chalcédoine et les schismes. La Pentarchie/ Primauté.

6.     Les querelles christologiques ultérieures, le monothélisme et les cinquième et sixième Conciles Oecuméniques. La montée de l’Islam. Les Pères grecs et latins de cette période.

7.     L’Iconoclasme et le septième Concile Œcuménique.

8.     L’Eglise nestorienne.

9.     Photius. L’élan missionnaire (Cyrille et Méthode).

10. La crise de l’Eglise en Occident et la Réforme Grégorienne

11. Le Filioque. L’estrangement entre l’Orient et l’Occident.

12. Le schisme de 1054. Rôle de Pierre d’Antioche.

13. Syméon le N. T. (949-1022)

14. La Sainte Montagne et les Laures de Kiev.

15. La première Croisade

Deuxième Période : Du XIIème siècle aux temps moderne

1.     Les croisades et le sac de Constantinople (1204)

2.     Le renouveau Byzantin des 12-14 siècles (

3.     Les Conciles d’Union : Lyon (1274) et Florence

4.     Palamas et Concile de Constantinople

5.     Chute de Constantinople et repliement

6.     Byzance Après Byzance

7.     La Renaissance

8.     Renouveau hésychaste

9.     La Réforme et le Schisme occidental

10. « L’exil de Babylone » de l’Orthodoxie

11. L’Uniatisme

12. Le Concile de Constantinople et le philétisme

13. Les missions orthodoxes

14. Le Concile de Moscou

15. La grande épreuve (1917-1988)

16. Les bourgeons du renouveau et les problèmes de l’Orthodoxie contemporaine

17. Le Saint et Grand Concile

18. L’Oecuménisme

 Premier Période

L’Eglise Apostolique

-          La Résurrection: Fait central sans lequel rien n’est compréhensible. « Si le Christ n’est pas ressuscité, toute notre foi serait vaine… » (Paul). Elle conditionne tout. Mystérieusement présente, elle fait avec la Pentecôte, des pauvres pécheurs de poissons de véritables pécheurs d’hommes.

-          La liste des peuplades, montées à Jérusalem pour Pâque, et qui comprennent les langues soudainement parlées par les disciples lors de la Pentecôte est une indication des peuples qui ont été déjà évangélisés quand le texte des Actes a été écrit (Actes 2.1-13) par la mission itinérante des disciples, des prophètes retracée dans les Actes et certaines Epîtres, rendue encore plus agissante par la chute de Jérusalem en et l’éparpillement des juifs dans le monde romain où ils sont venus renforcer des communautés juives déjà établies ( Bassin Méditerranéen, Chypre, Epire, Egypte, Damas, Edesse, Antioche, Turquie, Grèce, etc.).

-          Les caractéristiques de chaque communauté établie sont les mêmes :

a) la centralité de Jésus et la nécessité de son imitation par une vie en Christ, par la prière, la participation aux Mystères et à la liturgie, la vie fraternelle, le partage ; b) une vie communautaire dans le respect des charismes de tous les membres de la communauté, toute communauté locale, eucharistique manifestant le tout de l’Eglise (« l’Eglise de Dieu qui est à … » ; c) la joie pascale de la Résurrection et de la victoire sur la mort ; d) l’attente fiévreuse de la Seconde Venue du Christ (« viens, Seigneur Jésus, viens ») et la dimension eschatologique. Par la suite, cette relation avec Jésus a été souvent décrite par la fameuse phrase : Dieu s’est fait homme afin que l’homme dieu.

-          Juifs et Gentils : D’abord prières au Temple et dans les Synagogues ; tensions autour de la circoncision ; Dispute Pierre et Paul à Antioche où les disciples furent pour la première fois nommés « chrétiens » ; Raccommodement au Concile de Jérusalem (vers 48-49) qui établit une première fois le système de décision collégiale (L’Esprit Saint et nous avons décidé Actes 15, 28); puis divergences et persécutions (Etienne, Jacques, etc.): les judéo-chrétiens autour de Jacques, frère du Seigneur lapidé en 62; d’autres communautés se veulent une branche du Judaïsme ; d’autres s’en éloignent totalement, etc. qui ne tardent pas à se combattre (lire les épîtres de Jean et certains passages de son Evangile). Après la chute de Jérusalem (70), les judéo-chrétiens s’éparpillent, disparaissent en tant que communautés au cours des 3ème et 4ème siècles et finissent en sectes (Ebonites, etc.) en marge de l’Eglise. C’est la fin de l’Eglise de Jérusalem, tandis que les Eglises des gentils se développent et finissent par prédominer.

-          Le Nouveau Testament. La Bonne Nouvelle est d’abord transmise oralement. Il semble qu’il y ait eu des recueils des dires de Jésus et plusieurs traditions orales. Les premiers textes sont les épîtres de Paul (48 à 58). Viennent ensuite les évangiles de Marc (68-70), Matthieu (85-90), Luc (80) et Jean (90-95) puis les Actes (v. 95), Apocalypse (96-97) et autres textes plus tardifs.

-          Le rôle des Apôtres est d’évangéliser et de fonder des communautés dont ils laissent la charge à des épiscopes entourés de presbytres, de diacres et du peuple des fidèles, dans le respect de leurs charismes respectifs. Les prophètes itinérants jouent un rôle important.

-          Les persécutions étaient d’abord le fait des autorités juives. Elles avaient suscité une première dispersion vers la Phénicie, Chypre et Antioche, accélérée après la chute de Jérusalem. A partir de 64, commencent celles des Romains (Néron, après l’incendie de Rome, Trajan).

-          A la fin du premier siècle, l’expansion du christianisme est indiqué sur la planche jointe. Les communautés se forment surtout autour des grands centres des Provinces Romaines (Rome, Alexandrie et Antioche), mais aussi Palestine, Babylonie, Syrie intérieure, Afrique, Cilicie, Phrygie (partie de la Turquie actuelle), et la Grèce.

Le Deuxième siècle

-          Une menace constante de persécutions. Les récits et le culte des martyrs commencent, comme les véritables imitateurs du Christ. Ignace d’Antioche (+ 107 à Rome), Polycarpe de Smyrne (+ 155 à 167), Justin (+ 166), les Africains à Carthage en 180, Irénée de Lyon (+ 202) et bien d’autres.

-          Un début d’organisation selon un schème monarchique (Ignace d’Antioche). Une Eucharistie, un évêque qui la préside, donc une Eglise en un même lieu. L’évêque est assisté par un collège presbytéral. Une place importante est toujours donnée aux prophètes et autres charismatiques.

-          Les Pères Apostoliques et leurs oeuvres: Clément de Rome, évêque de Rome de 88 à 97 (Lettre aux Corinthiens), Ignace d’Antioche (Sept épîtres dont six à des communautés qui l’avaient accueilli au cours de son trajet au martyre et la septième justement aux Romains pour qu’ils n’interviennent pas en sa faveur), Polycarpe de Smyrne (Lettre aux Philippiens), Papias (Explications des discours du Seigneur en 130). D’autres textes de la fin du premier siècle, début du deuxième : La Didachè (découvert en 1873), Le Pasteur d’Hermas (vers 140) et encore l’épître du Pseudo-Barnabé (fin du 2ème siècle). Tous ces textes sont une source d’information précieuse sur la vie et l’organisation des premières communautés chrétiennes (évêque et collège presbytéral) et sont une continuation de l’enseignement apostolique (conseils et prescriptions canoniques reçus des apôtres), ainsi que diverses méditations spirituelles.

-          les Pères Apologètes : Un début de défense du Christianisme face aux calomnies et devant les Empereurs, les juifs et les lettrés:, Quadratus (à  Hadrien, v. 124), Aristide (à Hadrien, v. 120 ), Justin (à Marc-Aurèle, v. 150 ; au juif Tryphon), Tatien (+ v. 180, syriaque) traduit le N. T. en syriaque et auteur du Diatessaron (Discours contre les paїens), finit sectaire, Athénagore (à Marc-Aurèle, Supplique pour les chrétiens en 177), Théophile d’Antioche (évêque d’Antioche en 180, réfute les absurdités de la mythologie et des philosophes grecs), Méliton de Sardes (à Marc-Aurèle, v. 190), Apollinaire (Apologie à Marc-Aurèle, cinq livres contre les paїens, deux contre les juifs), Lettre à Diognète, v. 200, auteur inconnu, à un paїen, critique le paganisme et le judaїsme et décrit l’idéal des chrétiens (« Ils habitent leur propre patrie comme des voyageurs… »).

-          La Gnose : Apparaît en Palestine hellénisée en même temps que le christianisme. Pour des raisons tactiques elle prit des apparences chrétiennes, comme une tentative de fusion entre la « bonne nouvelle » et les religions et les philosophies antiques. Par la suite, chaque secte gnostique produisit son évangile ou ses épîtres, attribués aux apôtres pour gagner les autres à leurs vues (les textes apocryphes). Généralement, préconisent un dualisme extrême, une religion à deux principes, le bien et le mal, etc. Principaux protagonistes : Basilide, Valentin, Théodote, etc.

-          Les hérésies chrétiennes Marcion (v. 140, anti judaїsme radical, fonde sa propre église. Le courant marcioniste se maintint plusieurs siècles à Rome et Alexandrie). Montan (prophétisme extatique, millénariste, grand ascétisme, total renoncement, etc. v. 180).

-          Les réfutations de la gnose et des hérésies furent nombreuses. La première fut celle d’Irénée de Lyon,  père de la dogmatique chrétienne, disciple de Polycarpe de Smyrne (Contre les hérésies, Démonstration de la prédication apostolique). Clément d’Alexandrie (150-215) est le premier à ouvrir un dialogue avec la philosophie antique et à la baptiser (Le Protreptique, le Pédagogue, les Stromates). Tertullien (150-220) auteur prolixe (l’Apologétique, De la prescription des hérétiques, Contre Praxeas, Du baptême, etc.). De tendance donatiste, il entra en conflit avec les autorités ecclésiastiques de Rome et prôna le pouvoir des « spirituels ». Sérapion d’Antioche (191-212)  écrit contre Marcion. Hippolyte de Rome (+ 235) écrit la Réfutation de toutes les hérésies et bien d’autres ouvrages, dont surtout la Tradition apostolique qui est d’un grand intérêt liturgique et disciplinaire. Entre en conflit avec l’évêque de Rome Calliste et finit par mourir martyr avec lui en 235.

-          La date de célébration de Pâques. Désaccord entre Polycarpe de Smyrne et Anicet de Rome (v. 155), chacun voulant imposer la tradition de son église. Le problème ne fut pas résolu et les Eglises restèrent en communion.

Le Troisième siècle

-          L’Ecole d’Alexandrie, fondée en 180, par Panthène, rendue célèbre avec Clément d’Alexandrie, brilla surtout avec le génial Origène (185-254), mort martyr, auteur d’une œuvre exégétique abondante, exploitant tous les sens du texte biblique : littéral (historique), moral (anagogique), mais surtout spirituel et symbolique (mystique) qui sera la marque de l’Ecole d’Alexandrie face à celle d’Antioche, plus proche du texte littéral et des contingences historiques. Origène vint prêcher à Bosra en 214-215. Il mourut à Tyr en 253, où sa tombe devint un lieu de pèlerinage.

-          Les persécutions et le culte des martyrs. Après une tranquillité relative et une certaine tolérance de 193 à 249 (période dite petite paix de l’Eglise, bien que plusieurs martyrs furent exécutés, dont Perpétue et Félicité en Afrique, dont la Passion est un des documents les plus émouvants de l’ancienne littérature chrétienne), les empereurs entre 249 et 304 (Dèce à Dioclétien) déployèrent une politique d’extermination systématique du christianisme, considéré comme élément dissolvant des antiques mœurs romaines, interdirent les réunions, confisquèrent les biens, emprisonnèrent les responsables, rendirent obligatoire la participation au culte officiel. C’est la grande période des martyrs, mais aussi des apostasies. Le martyr est considéré comme un Baptême du sang, une non résistance au mal imitant Jésus. Le culte des martyrs s’instaure. Leurs tombeaux ou les sanctuaires qui leur étaient dédiés devinrent le but de pèlerinages (voir plus haut, mais aussi, pour ne citer que ceux qui vécurent dans l’espace antiochien, Babylas d’Antioche (251), Léonce de Tripoli, Christine de Tyr, Aquiline de Byblos, Thècle de Séleucie, Serge à Sergiopolis (Rasafa), Mari en Perse en 277, etc.

-          Le problème du baptême des hérétiques et des apostats (les lapsi, c’est-à-dire ceux qui sont tombés) qui voulaient être réintégrés dans leurs communautés, secoua la première moitié du 3ème siècle, entre partisans du pardon  suite à une pénitence stricte, le second baptême n’étant pas possible, et ceux qui refusaient carrément la réintégration sans un second baptême. Firmilien de Césarée de Cappadoce (232-268) aida à le résoudre au concile de 252 où il fut décrété, contre l’avis du siège de Rome, que le baptême des hérétiques n’était pas valide.

-          L’habitude de convoquer des conciles locaux, assemblées épiscopales avec des représentants du plérôme de l’Eglise, pour résoudre les problèmes prit racine vers le milieu du 3ème siècle  (Antioche, Césarée, Afrique, Rome, etc.).                              

-          Le canon de l’Ecriture se fixe lentement. La première ébauche se fait vers 200 (Canon de Muratori) à Rome. Il sera finalement fixé au 4ème siècle (Athanase d’Alexandrie 367).

-          Des hérésies nouvelles, comme l’adoptianisme de Théodote et de Paul de Samosate, devenu évêque d’Antioche avec l’appui de Zénobie et qui fut jugé pour hérésie et conduite scandaleuse par deux conciles d’Antioche en 264 et 268, le modalisme de Sabellius (il n’y a qu’un Dieu qui change de nom selon ce qu’il fait), le monarchianisme de Dieu dont sont issus le Fils et l’Esprit, le manichéisme de Mani (crucifié en 276) qui avait essayé de mélanger christianisme et mazdéisme, et diverses tendances sur la théologie du Logos, dont celle d’Arius, fut la plus répandue. D’autre, comme Bardesane (+ 220) nient la résurrection des corps, etc.

-          Cyprien de Carthage (200-258). Grande figure du siècle, avec un prestige tel qu’on faisait appel à lui (conflit entre Faustinus de Lyon et Marcien d’Arles). Entra en conflit avec l’évêque de Rome, dont il contesta certaines prétentions, affirmant que chaque évêque est assis sur le siège de Pierre, que l’épiscopat est partagé par tous les évêques, que le peuple doit être consulté sur le choix de son évêque. Il appuyait Firmilien de Césarée sur la question sur l’invalidité du baptême des hérétiques. Il affirmait que l’unité de l’Eglise se manifeste dans le Concile dont la décision collégiale s’impose. L’instauration des sièges métropolitains apparaît à la fin du siècle, avec le remaniement par Dioclétien des circonscriptions provinciales.

-          L’expansion du christianisme continue malgré les persécutions et touche toutes les classes sociales. L’empereur Philippe l’Arabe (+ 249) était chrétien et suivant la pénitence qui lui avait été imposé par Babylas d’Antioche, après avoir commis un crime, était redevenu pénitent. Vers la moitié du siècle est établi un catholicossat à Ctésiphon, en Mésopotamie, la première église de la région ayant été vraisemblablement fondée par Mari, disciple d’Addai (v. 180, premier évêque d’Edesse) au début du 2ème siècle. Vers 190, le christianisme est attesté à Edesse. Vers 220, l’école de Bardesane produit une œuvre philosophique d’obédience chrétienne écrite dans la langue d’Edesse. L’Arménie est évangélisée par Grégoire l’Illuminateur (+ 213), élève d’Origène. Le roi Tiridate (261-317) est chrétien Les ibères deviennent chrétiens à la fin du 3ème siècle. Voir la planche jointe pour réaliser cette expansion.

-          Le début de l’art chrétien. Les Catacombes dont l’iconographie est principalement baptismale et funéraire. La maison église de Doura-Europos (232-256).

-          L’initiation chrétienne se structure. Les catéchumènes. La remise du Notre Père et des versions primitives du symbole de foi  (Le symbole des apôtres) par l’évêque. Le jeûne avant le baptême avant Pâques une semaine entière et les mercredi et vendredi.

-          L’institution pénitentielle. Les pénitents soumis à un régime de repentance très sévère. Confession publique, tout péché étant commis contre l’ensemble du corps.

-          Le peuple chrétien se compose du clergé, des catéchumènes, des pénitents, des confesseurs, des continents (les vierges) et les autres fidèles.

-          Plusieurs schismes qui durent plus ou moins longtemps : Novatien à Rome (milieu du siècle) à cause de divergences sur le retour des apostats, Mélétios en Egypte en 303 pour les mêmes raisons, Donat en Afrique à cause de la livraison des livres et vases sacrés aux autorités en 304 qui se prolongea jusqu’au 5ème siècle.

-          Débuts de la division du peuple de Dieu en clercs et laïcs et retour à la conception du sacerdoce de l'AT.

Le Quatrième siècle

-          L’Edit de Milan et la paix de l’Eglise en 313. Constantin unique empereur en 324, décide de transférer la capitale de l’Empire de Rome à ce qui deviendra Constantinople. Il fut baptisé au moment de sa mort en 337, par un évêque arien. Cinquante ans plus tard, le christianisme devient religion de l’état, avec Théodose. Ce fut le tour du paganisme d’être interdit et persécuté.

-          Les débuts du monachisme. Une partie des chrétiens qui avaient autrefois expérimenté la suite et l’imitation du Christ au sein des communautés fraternelles de l’Eglise primitive, et qui avaient par la suite fait du martyre une façon de perpétuer cette expérience, se trouvèrent désemparés par l’irruption intempestive du monde dans l’Eglise et les baptêmes à la va vite, firent contrepoids à cette chrétienté établie dans le monde, comme les martyrs des temps de paix, pour rappeler incessamment que les chrétiens ne sont pas de ce monde. Dons fuite au désert pour y retrouver le Christ, combattre les passions et fonder de nouvelles fratries. Antoine (251-356), père de l’érémitisme. Pachôme (286-346), père du monachisme communautaire, puis Ammon et Macaire (330), Evagre (+ 399), Arsène dans les déserts de Nitrie et de Scété, tous en Egypte. Leur règle sera reprise en Occident par Benoît de Nursie. Puis, vers la première moitié du siècle, un monachisme plus sévère (Les Fils de l’Alliance), apparaît en Syrie au milieu des communautés, préfigurant les monastères dans les villes. En Syrie aussi, Syméon le Stylite (+ 459), Maron (+410), Aphraate le Sage persan (270-345) et Ephrem le Syrien (206-313) dans les régions d’Edesse et de Nisibe. Vers la fin du 4ème, début du 5ème, le monachisme s’installe en Palestine. Dans le désert de Judée avec Euthyme le Grand (377-473) et la vallée du Cedron avec Saba (439-532). A Gaza avec Hilarion (+ 371), Barnasuphe, Jean le Prophète et Dorothée. Monachisme latin aussi à Jérusalem, sur le Mont des Oliviers avec Mélanie et Rufus, et à Bethléem avec Jérôme (+ 420). Enfin, au Sinaï, dès la fin du 4ème siècle, autour du couvent de Sainte Catherine établi en 527. De même, le monachisme s’étendit en Gaule, en Italie, en Espagne et en Afrique du Nord avec Martin de Tour (316-397), Augustin en 354 près Milan, puis à Hypone vers 391, Cassien (+ 435), Benoît de Nursie (480-547), les deux derniers ayant vécu, comme Jérôme, longtemps dans des couvents en Orient. Le premier monastère urbain fut établi à Constantinople en 382. En 430, celui des Acémètes (ceux qui ne dorment pas).

-          Les Récits de pèlerins. Entre le milieu du 4ème et le 6ème siècles, nous sont parvenus plusieurs récits de pèlerins ayant visité les lieux saints qui donnent des informations précieuses sur la vie des communautés d’alors. Mentionnons plus particulièrement le Pèlerin de Bordeaux (333), Egérie (381-384), le Pèlerin de Plaisance (560-570), à côté de beaucoup d’autres.

-          La crise arienne et le 1er Concile Œcuménique. Arius, prêtre d’Alexandrie en 323, adopte une thèse adoptianiste. Le Logos est la première créature de Dieu et lui-même auteur de toutes les autres créatures, dont le Saint-Esprit est la première. Il est adopté comme fils par Dieu, mais n’a aucune participation à la divinité. Le Logos remplit dans le Christ la fonction de l’âme. Doctrine condamnée au Concile de Nicée, convoqué par l’Empereur en 325 et présidé par lui, comprenant jusqu’à 318 évêques d’Orient avec des légats de l’Eglise de Rome. Le grand champion de l’Orthodoxie est Athanase d’Alexandrie (295-373). La formule adoptée : Le fils est consubstantiel au Père ‘omoousios’.

-          Le Credo et le dogme. Ce Concile promulgua le Symbole de la foi, appelé Symbole de Nicée- Constantinople, parce qu’achevé au 2ème Concile Œcuménique de Constantinople. Un des Pères de l’Eglise écrit que c’est la faute des hérétiques qui nous pousse à commettre de plus grandes fautes, à savoir circonscrire dans des paroles humaines, les mystères ineffables de Dieu. Le dogme est donc une tentative humaine pour définir au mieux l’indéfinissable.

-          Les Canons disciplinaires et d’organisation de Nicée : Les règles d’une vraie collégialité épiscopale; le synode provincial ; Les sièges métropolitains : Rome, Alexandrie, Antioche dans cet ordre de préséance ; diverses mesures disciplinaires pour les clercs et les fidèles, etc.

-          Les séquelles de l’arianisme, schismes antiochiens et 2ème Concile Œcuménique de Constantinople. Les controverses ariennes ne sont pas épuisées par le Concile. En 341, 100 évêques réunis à Antioche, professent une foi semi arienne, rejetant le ‘omoousios’ et semant la division parmi les évêques antiochiens. Entre 341 et 361, 4 évêques semi ariens se succèdent sur le trône antiochien, soutenus par l’Empereur Constance. Entre 361 et 415, schisme, où trois évêques se réclament du siège d’Antioche, un arien, un orthodoxe, Mélèce d’Antioche qui voulait condamner tous les évêques semi ariens et un autre orthodoxe, Paulin, soutenu par Rome et Alexandrie, qui voulait les garder. Mélèce, avec l’aide des Cappadociens (les deux Grégoire et Basile (voir infra) et Cyrille de Jérusalem (315-386), prépara le 2ème Concile Œcuménique en 381 et le présida. Il y mourut et fut remplacé à la présidence par Grégoire de Nazianze. Ce Concile affirme l’unité de l’essence divine et la divinité des hypostases, ainsi que la divinité du Saint-Esprit. Il compléta les articles du Credo de Nicée, à partir du Saint-Esprit et promulgua des canons disciplinaires. Sur le plan de l’organisation ecclésiale son canon 3 élève Constantinople au deuxième siège après Rome.

-          L’Ecole d’Antioche. L’école exégétique se distinguait par l’exégèse littérale, refusant allégories et symbolisme, ayant une perception de la consistance propre de l’histoire humaine plus forte qu’à Alexandrie et une plus grande estime de la création,  et se voulant d’incarner la foi dans la vie et les comportements et le souci du frère, dont le ‘sacrement’ doit continuer et compléter celui de l’autel. Fondée par Diodore de Tarse, elle compta parmi ses membres les plus éminents Théodore de Mopsueste et Jean Chrysostome (+ 407). Diacre et prêtre à Antioche jusqu’en 397, il s’y révéla comme grand prédicateur. Maître de la morale pratique et de la perfection chrétienne, il fait grande attention aux problèmes de la vie de tous les jours, s’attaque aux fléaux sociaux. Il fut enlevé par ruse pour accéder au siège de Constantinople où il porta la liturgie d’Antioche. Il s’avéra être un évêque réformateur, un grand liturge, libre par rapport aux puissants, prêt des pauvres, constructeur d’hôpitaux, sévère envers ceux qui manquaient d’attention aux démunis, etc. Les mécontents se liguèrent contre lui avec Théophile d’Alexandrie et finirent, après maintes péripéties, à le faire bannir plus d’une fois et le faire déposer par un synode de ses adversaires. Il fit appel aux évêques de Rome, Milan et Aquilée, les trois grands sièges de l’Occident qui le soutinrent mais ne purent changer les choses. Il mourut en exil, au pied du Caucase en 407, en prononçant ces paroles : Gloire à Dieu en toutes choses. Il fut un écrivain prolixe et ses œuvres continuent d’êtresinon les longueurs, très actuelles.

-          L’école d’Edesse, fondée probablement par le gnostique Bardesane (154-222), a reçu sa gloire d’Ephrem le Syrien (306-373), grand docteur de l’Orient et exégète, surnommé la « cithare du Saint-Esprit », né à Nisibe, puis expatrié à Edesse. Après la prise de Nisibe, transférée à Edesse où elle a pris le nom d’école des Perses elle fut marquée au 5ème siècle par le nestorianisme avant d’être fermée en 489, pour être bientôt réouverte au milieu du 5ème siècle par Narsai (+503), le grand théologien syro-oriental. L’école de Nisibe a fondé, par la suite, des écoles nestoriennes à Séleucie-Ctésiphon et Baghdad. Parmi les Pères syriaques, il faut mentionner le premier théologien, le moine  Aphraate (v.270-345), appelé le « sage persan ».

-          Les Constitutions Apostoliques (380) est un ouvrage canonico-liturgique, une compilation de canons  dits des Apôtres, d’une partie de la Didascalie et de la Tradition Apostolique, une amplification de la Didachè et plusieurs collections des canons des conciles.

-          Les Pères Cappadociens. Basile le Grand (v. 330-379), son frère Grégoire de Nysse (v. 330- v.394) et son ami Grégoire de Nazianze dit le Théologien (v. 330-v.390), tous les trois très instruits et sans complexe envers la philosophie antique, contribuèrent par leurs actes et leurs écrits à combattre les relents de l’arianisme et à préparer les définitions dogmatiques des Conciles ultérieurs. Basile fut un grand pasteur et liturgiste. Lui-même moine, il promulgua la Règle d’un monachisme social et encouragea la fondation d’hôpitaux et de projets sociaux (la Basiliade). Grégoire de Nazianze était de surcroît un grand poète mystique, chantre de la Trinité, dont une bonne partie de l’œuvre est utilisées dans la liturgie byzantine. Elu patriarche de Constantinople, il n’y resta pas longtemps et s’enfuit de nouveau vers sa retraite monastique. Grégoire de Nysse est un des plus grands maîtres de la mystique. Son approche apophatique (la montée de Moise au Sinaї). Elève d’Origène qu’il corrige, il développe une des premières élaborations doctrinales sur la création de l’homme, sa nature propre et sa fin surnaturelle.

-          Un historien de l’Eglise, Eusèbe de Césarée (+ 339)

-          Les Pères latins. Hilaire (315-368 ?), marié et père de famille, évêque de Poitiers, lutta contre l’arianisme et travailla à regagner la Gaule à la foi orthodoxe. Ambroise (334 ?- 397), fut élu évêque de Milan alors qu’il n’était encore que catéchumène et consacré huit jours après le baptême. Il lutta contre le paganisme, l’arianisme et pour la liberté de l’Eglise face à l’Etat (Il alla jusqu’à excommunier Théodose après le massacre de Thessalonique et lui imposa la pénitence canonique). Il baptisa Augustin en 395. Ecrivain fécond et grand pasteur. En exégèse, élève d’Origène. Jérôme (347 ?-420). Il vécut longtemps (près de 50 ans) en Orient. Etudia avec Grégoire le Théologien à Constantinople. Moine à Bethléem. Admirateur d’Origène, il révisa les versions latines du Nouveau Testament (Vetus latina) ainsi que de l’Ancien Testament d’après le grec de la Septante. Il travailla aussi à une traduction en latin de l’Ancien Testament de l’hébreu (la Vulgate). Augustin (354-430), baptisé à 33 ans, il vécut une vie claustrale jusqu’en 391. Lors d’un séjour à Hippone en Afrique du Nord, il fut malgré lui ordonné prêtre et se consacra à l’étude de la Bible, puis devint évêque en 395. Grand pasteur, il s’imposa par ses écrits, d’une extrême fécondité. Il lutta contre le manichéisme, le donatisme, le pélagianisme avec grande fougue, ce qui lui valut le titre de docteur de la grâce. Il faut plus particulièrement mentionner les treize livres des Confessions, où il fait part de son évolution spirituelle jusqu’en 387 et ne cache rien de ses faiblesses. C’est une confession de foi lucide, un chant de louange enthousiaste qui a marqué, avec d’autres œuvres d’Augustin,  l’Occident chrétien. Il fut un des plus grands esprits de tous les temps, doué de la puissance créatrice de Tertullien, de la largeur d’esprit d’Origène, du sens ecclésial de Cyprien, avec une maîtrise de la philosophie grecque. Pessimiste sur l’homme, il considérait que le péché originel était lié à la « concupiscence de la chair » et influença grandement la théologie occidentale ultérieure. La synthèse augustinienne y fut unanimement acceptée jusqu’à la fin du 8ème siècle et le début du 9ème et nourrit bien des discussions théologiques par la suite.

Le Cinquième Siècle

-          Autonomie de l’Eglise de Chypre en 416 et celle de la Géorgie en 455, les deux églises dépendant à l’origine du siège d’Antioche.

-          Le Concile Œcuménique d’Ephèse (431) et le premier schisme d’importance. Nestorius, patriarche de Constantinople, relance la querelle christologique en voulant éradiquer de la piété populaire l’expression traditionnelle de ‘Theotokos’ (Mère de Dieu). La pensée, sous tendant cette position était que le Logos avait simplement habité Jésus et donc que Marie était seulement la mère de Jésus. Le Concile d’Ephèse, dont le champion fut Cyrille d’Alexandrie (+ 387) dont les Catéchèses restent un monument de la préparation des catéchumènes et dont la fameuse formule :’une seule nature du Logos incarné’ à laquelle souscrivent finalement Jean d’Antioche et les orientaux malgré leur terminologie de ‘une seule personne en deux natures’, finit par convaincre le Concile de considérer l’expression Theotokos comme orthodoxe et en justifier l’usage. A la suite de ce Concile, l’Eglise de Perse et de Syrie orientale, l’Eglise de l’Orient, dont le synode fondateur comme l’Eglise des Perses, indépendante du Patriarcat d’Antioche, se tint en 424 à Séleucie-Ctésiphon, se détacha du tronc commun et en 486, elle se rattache au Nestorianisme (sous l’impulsion de Barsauma) et fait partie de ce qu’on appelle les Eglises des deux Conciles. Ce fut le premier grand schisme de la chrétienté. Cette Eglise continuera à se développer  jusqu’aux 13ème-14ème siècles et établira des évêchés dans tout l’Orient, en Asie Centrale, en Inde et jusqu’en Chine. Elle joua, durant le Califat des abbassides, un rôle de premier plan. Le chef de cette Eglise, appelé Patriarche-Catholicos de Babylone, devient héréditaire à partir de 1454. Elle a connu plusieurs schismes au cours de son histoire et aujourd'hui plusieurs Églises, appartenant à des communions différentes, en sont les héritières directes : l'Église apostolique assyrienne de l'Orient qui a renoncé à toute référence au nestorianisme en 1975; l'Ancienne Église de l'Orient, née d’un schisme avec la première en 1968 et l'Église catholique chaldéenne (catholique orientale), unie à Rome en 1553 (une partie rompant cette union en 1692) et qui regroupe aujourd’hui la majorité des fidèles d’origine nestorienne. Les différentes Églises orientales des chrétiens de saint Thomas dans le Sud de l'Inde, qui sont nées de l'importante activité missionnaire de l'Église de Perse en Inde, en sont également héritières, même si les affiliations se sont diversifiées et complexifiées.

-          Le 4ème Concile Œcuménique de Chalcédoine (451) et le Grand Schisme d’Orient. Les terminologies des antiochiens et des alexandrins concernant la Personne du Fils se confrontent dans une atmosphère passionnelle (Brigandage d’Ephèse en 449). Rome propose une formulation, équilibrée, malheureusement mal comprise et perçue par les alexandrins et la grande majorité des antiochiens comme contraire à celle de Cyrille d’Alexandrie. Le Concile ira de l’avant et l’adoptera, ce qui entraîne un des plus grands schismes de l’histoire de l’Eglise en Orient. Les coptes et les éthiopiens, beaucoup d’antiochiens et par la suite, les arméniens, toutes peuplades limitrophes de l’Empire et parlant une autre langue que le grec ne l’acceptent pas. Quelques années plus tard, il y a un patriarche dit « monophysite » dans tous les sièges dissidents (à Antioche en 475, Pierre le Foulon, puis Sévère (512-528). A partir de 543, et grâce à l’œuvre de Jacques Baradai (+ 578), sacré évêque à Alexandrie et évêque d’Edesse, sollicité en 542 par le roi des Arabes Ghassanides, Harith bin Djabala d’envoyer des évêques dans les régions qu’il gouvernait, et qui voyagea déguisé en mendiant pour éviter les forces impériales, consacrant plusieurs centaines de prêtres et d’évêques, il y eut duplication de presque tous les sièges épiscopaux,  d’où l’appellation des syriaques monophysites de « Jacobites ». Les empereurs byzantins, au gré de leurs intérêts politiques, tantôt les jouant les uns contre les autres, avec des persécutions qui les touchent tous, tour à tour, tantôt veulent imposer la réconciliation et l’union.

-          Dispositions canoniques de Chalcédoine. Le canon 28 réaffirme le canon 3 de Constantinople de la primauté de Constantinople, après Rome, « car la ville honorée de la présence de l’Empereur » doit être honorée. Donc la question de la primauté est d’honneur et pas un droit divin. L’Orient a toujours maintenu cette attitude face aux prétentions romaines. Ils ont toujours accordé la primauté à Rome parce que cette ville était à l’origine la capitale de l’Empire, que Pierre et Paul y ont été martyrisés et à cause de l’orthodoxie de la foi du siège de Rome (qui n’avait pas failli jusqu’au 8ème siècle). Un autre canon affranchit Jérusalem de l’autorité de Césarée et lui donne le cinquième rang, après Rome, Constantinople, Alexandrie et Antioche. Les évêques de ces villes sont appelés Patriarche. Depuis lors, se propagea la théorie de la Pentarchie selon laquelle l’Eglise est gouvernée par les cinq patriarches.

-          Retour sur les écoles  d’Antioche et d’Alexandrie. Comme on le voit, les définitions dogmatiques se sont faites au prix de l’unité du siège d’Antioche. En fait, les antiochiens, de par leurs recherches et à cause d’elles, avaient jeté le trouble, mais ont finalement aussi aidé à le lever. Ils étaient, en général, ouverts à la discussion beaucoup plus que les alexandrins qui ne manquaient pas (surtout après Origène et Athanase) d’arrogance et parfois d’obscurantisme et de fanatisme.  C’est pour cela que, durant cette période de conciles, il était généralement admis qu’il fallait attendre l’arrivée des orientaux pour mettre la paix, l’attitude plus charnelle des antiochiens corrigeant le genre plus symbolique d’Alexandrie. Il y a en fait une connexion entre l’école d’Antioche et les hérésies anciennes les plus rationalistes qui cherchaient à écarter le plus possible l’élément mystérieux de la doctrine, tandis qu’Alexandrie a versé dans les hérésies venues plus tard et d’allure plus mystique.

Les Sixième et Septième siècles

-          Le Cinquième Concile Oecuménique de Constantinople (553) corrobore les décisions de Chalcédoine et promulgue beaucoup de canons disciplinaires et organisationnels. Justinien qui avait été parmi les empereurs les plus vindicatifs contre les non chalcédoniens encouragea le Concile à prendre des positions extrêmes. Ainsi le Concile condamna des personnes déjà mortes (Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr, Ibbas d’Edesse). Il proclama que la chair du Christ est déifiée et déifiante, englobant toute l’humanité.

-          L’invasion perse commence en 538 occupe et détruit Antioche en 610Elle  favorise les monophysites et chasse les orthodoxes. Les patriarches se replient alors sur Constantinople où ils seront élus, sans recours à leur patriarcat jusqu’en 742. Bientôt, les monophysites supplantent les nestoriens dans l’empire perse et polémiquent avec eux.

-          Quelques grands noms de cette période. Romanos le Mélode (+ 560), né à Homs, diacre à Beyrouth, composa à Constantinople un grand nombre de Kontakia une place de choix dans la liturgie byzantine. Jean Climaque (v. 579-v. 649). Pseudo-Denys l’Aéropagite (fin 5ème début 6ème). Diadoque de Photicée (5ème), un des plus grands popagateurs de la spiritualité du désert, ayant fait la synthèse de Macaire et d’Evagre.  Jean l’Aumônier (+ 619), patriarche d’Alexandrie. André de Crète (660-740). Maxime le Confesseur (+662).

-          L’avancée de l’Islam : conquête de la Mésopotamie en 637, de Jérusalem en 638, de la Perse et de l’Arménie en 642. Bien qu’au début, ils collaborent avec les chrétiens, ils favoriseront les non chalcédoniens sur les orthodoxes qu’ils considèrent alliés à l’empire byzantin. Vers la fin du 6ème siècle, les monophysites sont nettement majoritaires dans les sièges d’Antioche et d’Alexandrie. Ceux qui restent fidèles à Chalcédoine sont taxés, par dérision, de « melkites », c’est-à-dire « ceux qui suivent le melek », l’empereur de Byzance. Les monophysites en général acceptent le nouvel empire où ils sont sous le régime de la dhimmitude avec un certain degré de tolérance.

-          Le monothélisme et le sixième Concile Oecuménique. Héraclius (639) veut rapprocher les non chalcédoniens. Il publie son Enotikon, selon une formule proposée par le patriarche Serge de Constantinople, qu’il n’y a qu’une volonté dans le Christ qui a deux natures. Les papes Honorius de Rome et Cyrrus d’Alexandrie y souscrivent, ainsi que le monastère de saint Maron, jusqu’alors farouche défenseur de Chalcédoine. Le grand défenseur de l’Orthodoxie est Maxime le Confesseur (+662) né dans le Golan, qui, seul contre tous, défend la foi orthodoxe, jusqu’au martyre. Le 6ème Concile, réuni à Constantinople en 681, anathématise tous ceux qui soutenaient la thèse d’Héraclius, y compris le pape Honorius. La deuxième séance du Concile en 692 proclame l’indépendance de la Géorgie.

-          Vers 630, l’Eglise nestorienne compte près de 100 évêchés. En 635, le nestorianisme arrive en Chine. En 638, la dynastie Tang reconnaît officiellement le Christianisme. Il est appelé la « religion radieuse ». En 676, dernier évêque nestorien à Oman. Des fouilles récentes au Qatar et dans les îles du Golfe persique ont découvert des traces de nombreuses églises et monastères.

-          Isaac de Ninive, dit le Syrien (7ème), né au Qatar, est nestorien. Pourtant ses œuvres ont été acceptées dans le monde chalcédonien et monophysite, comme quoi il n’y a pas de frontières pour la sainteté.

Du Huitième au Onzième siècle.

-          Les maronites, restés attachés au monothélisme, profitent d’une vacance du siège d’Antioche vers 750 pour élire leur propre patriarche. Cette communauté se repliera au Liban et finira, avec les croisades, par abjurer cette foi, lors de l’union avec Rome au début du 13ème siècle.

-          La crise iconoclaste et le 7ème Concile Oecuménique. En deux périodes, de 726 à 780, avec Léon l’Isaurien, avec des persécutions finalement arrêtées par Irène. Jean de Damas (+753) défendra l’usage des icônes. Après Origène, le Pseudo-Denys et Maxime le Confesseur, qui avaient, en dépassant les cadres de la polémique avec les hérésies, produit des systèmes de pensée théologique, Jean écrira la « Somme de connaissance » qui est un résumé et une synthèse de la théologie patristique avant lui, qui fera date et influencera les générations suivantes. Le 7ème Concile se réunira en 787 à Nicée et, s’appuyant

lancée de 815 à 843, qui sera arrêtée par Théodora. Cela donna lieu au Triomphe de l’Orthodoxie.

-          La période abbasside (750-960) fut l’âge d’or à Baghdad de la rencontre islamo- chrétienne (un peu comme mais en mieux que celle de la période omayyade à Damas). A part les califats de Al Mehdi (719) et Al Rashid (807), où il y eut des persécutions, les chrétiens se sentaient chez eux au sein de l’empire musulman et contribuèrent (surtout les nestoriens et les monophysites) à l’ouvrir à la civilisation antique et chrétienne. La tolérance de certains califes allait jusqu’à promouvoir des joutes théologiques en leur présence (Al Hadi en 800 avec le Catholicos Thimotée le Grand, mort en 825). Un grand érudit nestorien Ishaq bin Honein (+873), appelé « l’Erasme de la Renaissance Islamique », ouvre l’Islam et l’Occident à la philosophie grecque. A partir de Al Mu’tassim (833-842) et la prédominance turcomane, les musulmans devinrent plus agressifs.

-          L’Eglise nestorienne continue son expansion. Une stèle datée de 781, maintenant à Xian, en chinois et syriaque, découverte en 1625, atteste sa présence en Chine. En 800, un évêque au Yémen. En 845, première expulsion des chrétiens de Chine, mais ils reviendront bientôt et y demeureront jusqu’au 14ème siècle (en 1275, archevêché à Pékin). En 1006, un grand monastère à Xian. Vers 1009, conversion d’une grande tribu mongole. Une tente église accompagne les invasions mongoles pour un temps. Entre le 13ème et le 14ème siècles, plusieurs stèles en syriaque attestent la présence nestorienne en Mongolie, au Khighistan, au Kazakhstan, en Chine Centrale et à Canton.

-          Eloignement de l’Orient et de l’Occident. Dès la fin du 6ème siècle et la moitié du 7ème, ils sont isolés du fait des invasions des Avars et des Slaves en Occident et la progression de l’Islam en Orient. L’iconoclasme, appuyé par certains patriarches d’Orient et rejeté par l4occident avait créé des suspicions sur la foi réciproque. Surtout, l’intronisation en 800 par le pape Léon III de Charlemagne comme empereur, fut considéré comme un acte schismatique en Orient qui respectait le parallèle entre l’unité de l’Empire et celle de l’Eglise. Enfin, une question de langue. Après 600, les byzantins ne parlaient guère le latin, face à un occident qui comprenait très peu le grec, après 450. Tout cela créa un certain « estrangement » sur lequel est venu se greffer l’affaire du « filioque » et les prétentions primatiales romaines.

-          Le Filioque (et du Fils). Introduit en Espagne en 589 (concile de Tolède) comme défense contre l’arianisme, l’adjonction passe en France et en Germanie (794) et finit par être chantée à Rome, en 808. Devant les objections byzantines, le pape Léon III trouva que c’était une erreur d’altérer la rédaction du Symbole et fit graver sur des plaques en argent le texte original et les afficha sur saint Pierre.  L’adoption de l’adjonction se fit finalement à Rome en 1014. Le comble fur que la cour de Charlemagne, pour vexer les byzantins, refusa d’accepter le 7ème Concile et attaqua Byzance parce qu’elle n’acceptait pas le Filioque.

-          Les missions byzantines. Cyrille (826-869) et Méthode (815-885), deux frères de Thessalonique furent chargés par Photios, patriarche de Constantinople, de porter la foi chez les slaves. Ce qu’ils firent, allant jusqu’à inventer un nouvel alphabet (le cyrillique) et une langue liturgique (le slavon)  pour faciliter la tâche. Cet élan missionnaire aboutira à l’évangélisation des Moraves, les Bulgares, les Serbes au 9ème siècle et les russes en 988. Cependant, en Bulgarie, les missionnaires grecs frayèrent avec des latins et découvrirent les différences qui s’étaient introduites entre les deux parties du fait de l’éloignement, des différences rituelles ou disciplinaires, mais aussi le Filioque.

-          Le pape de Rome profita d’un conflit qui opposait les patriarches Ignace et Photius le Grand (+892), le plus grand érudit byzantin du 9ème siècle, pour tenter d’intervenir, d’autant plus que Photios avait en 867 dénoncé le filioque dans une fameuse encyclique. Le problème du Filioque fut au centre des débats et considéré hérétique par les byzantins, Photios allant jusqu’à affirmer que le Saint Esprit procède du Père seul. Dans sa mystagogie du Saint Esprit, il ouvre l’ère de la réflexion sur le Saint Esprit, le cycle christologique ayant été pratiquement clos avec le 7ème Concile et le Triomphe de l’Orthodoxie. La nouvelle période qui analyse les mêmes certitudes de la rédemption en vue de la théosis et de l’union vont être considérés sous l’angle de leur intériorisation dans le Saint Esprit. Cette période se caractérisera par une méditation sur la personne et le rôle du Saint Esprit, une expérience de ce même Esprit et un éloignement de la scolastique latine. Le conflit avec Rome fut finalement résolu et la communion rétablie. Mais le feu couvait sous les cendres. En 1009, toujours à cause du Filioque, le nom des papes fut enlevé des diptyques à Constantinople, ce qui équivalait à une rupture de communion.

-          La crise de l’Eglise en Occident au 10ème – 11ème siècle et la Réforme Grégorienne à Rome : Avec le déclin du pouvoir carolingien et les invasions scandinaves, l’Eglise souffre de divers maux et désordres, dont les principaux consistent dans la féodalisation du clergé et son contrôle par les princes ; le nicolaїsme et la dissolution des mœurs cléricales ; la simonie ; diverses hérésies ; etc. Le début de la réforme vient du monachisme (la réforme clunisienne dès 1022). La papauté se mit de la partie avec Léon IX (1002-1054) qui combattit la simonie et le nicolaїsme (compris alors comme mariage et concubinage des prêtres, l’idéal du célibat des prêtres de plus en plus encouragé en Occident grâce à l’impulsion monastique) et encouragea le retour aux valeurs chrétiennes. Cette lutte continua avec son successeur, Nicolas II, mais sera déterminante avec Grégoire VII (v. 1025-1085) qui donna son nom à cette réforme. Les dominantes de la réforme dite Grégorienne sont l’affirmation de l’indépendance du clergé par rapport au pouvoir politique; la réforme de ce clergé (un surplus d’instruction, célibat obligatoire, lutte contre la simonie, etc.) ; l’affirmation de rôle du pape, le papo-césarisme, la primauté de droit divin, parfois confortée par des faux (les Décrétales), la centralisation du pouvoir ecclésiastique par la curie romaine, etc.

-          L’essai de réconciliation de 1053-1054, tourna, grâce à l’incompréhension réciproque et l’attitude ignorante et arrogante du cardinal Humbert, légat du pape et imbu de la réforme grégorienne qui voulait faire du pape un potentat de l’Eglise, qui accusait pêle-mêle les grecs d’avoir retiré le filioque du Credo, de ne pas se raser, d’accepter des prêtres mariés, donc d’être des nicolaїtes, etc. et qui finit par déposer sur l’autel de sainte Sophie une bulle d’excommunication du Patriarche de Constantinople Cérulaire. Cérulaire en fit de même et avisa les autres Patriarches d’Orient qui se rangèrent de son côté. C’était en 1054, date symbolique du grand schisme entre l’Orient et l’Occident.  Dans sa lettre réponse à Cérulaire, le Patriarche Pierre III d’Antioche, l’invite à distinguer l’essentiel du secondaire, ajoutant : « si la foi n’est pas en danger, il nous faut choisir la voie de la paix et de la charité, car les occidentaux sont nos frères, même s’ils pêchent beaucoup à cause de leur barbarie et de leur ignorance.. Si tu insistes sur le symbole de la foi et le mariage des prêtres, tu auras raison. Ce qui reste, tu peux le négliger… Je me jette à tes pieds et t’implore d’agir plus doucement que tu ne l’a fait afin que voulant aider celui qui est tombé, tu ne collabores pas à rendre sa chute plus profonde… S’ils reviennent sur leur insertion du filioque, nous n’aurons plus rien à leur demander… Laissons les barbes aux barbiers… Je t’implore de ne pas exiger le tout afin que nous ne perdrions pas le tout ».

-          Syméon le Nouveau Théologien (949-1022), moine du Stoudion appartient à la grande lignée des mystiques. Il parle de son expérience intime du Saint Esprit comme personne ne l’avait fait. Il décrit ses visions et ne craint pas d’opposer l’évènement spirituel aux aspects institutionnels dans l’Eglise. Il rappelle la dignité apostolique de chaque chrétien et appelle à l’expérience de la foi. Il redonne aux charismes et au prophétisme droit de cité.

-          La Sainte Montagne. Bien qu’une présence monastique y est attestée dès le 6ème siècle, la république monastique fit ses premiers pas avec Athanase l’Athonite (+1003) qui s’installa en 963 dans la presqu’île de l’Athos. La Sainte Montagne a joué un rôle essentiel dans la préservation et la transmission de la tradition hésychaste, centré sur la Prière de Jésus. Nil de Calabre (910-1005), nourri de cette même tradition, établira en Italie du Sud « une nouvelle thébaïde » et finira par  transmettre cette tradition à Grottaferrata, en Occident. Le souffle pneumatologique venu d’Orient se mêlera au vaste mouvement de paupérisme évangélique, aux hérésies du Saint esprit, préparant certains  aspects de la Réforme et du monde moderne.

-          Un autre centre monastique, les Laures de Kiev. Antoine (+1073) de tradition érémitique au Sinaï et à l’Athos et Théodose (+1074) plutôt de la tendance du cénobitisme social fondèrent la fameuse laure des grottes de Kiev.

-          Le début des Croisades. Au concile de Plaisance de juin 1095, les ambassadeurs de l'empereur byzantin Alexis Comnène réclament aux Occidentaux une assistance militaire pour lutter contre les Turcs. Parallèlement, l'Église romaine tente de sortir de la crise qu'elle a connue au début du Xe siècle. Le clergé a perdu de son prestige : il se prête aux simonies et au nicolaïsme et sape ainsi l'autorité morale de l'Église. Les premiers objectifs du concile de Clermont (1095) sont donc de tenter de poursuivre l'œuvre entamée par Grégoire VII afin de restaurer une certaine rigueur : Urbain II est issu du mouvement clunisien et réaffirme les grands principes édictés par ses prédécesseurs : la « trêve de Dieu » et la « paix de Dieu ». Les dernières années du XIe siècle sont une succession de mauvaises récoltes et le peuple, encouragé par certains prédicateurs, y voit une punition divine et un appel à la pénitence. L'appel à la croisade est l'occasion de souder la chrétienté dans une quête sacrée et d'offrir aux seigneurs l'occasion de « purifier leur âme ». En effet, une indulgence plénière (absolution de tous les péchés) est accordée à ceux qui entreprennent le voyage. Elle permet en outre de restaurer une certaine paix en offrant un exutoire aux pulsions belliqueuses des nobles européens qui peuvent ainsi assouvir leur soif de conquête et de richesse tout en assurant le salut de leur âme. Les croisés marchèrent vers Jérusalem, à l’appel du pape Urbain II et du moine Pierre l’Ermite ; plusieurs villes chrétiennes sur leur route furent mises à sac. En 1099, ils s'emparèrent de Jérusalem, et tous les habitants encore dans la ville furent massacrés. À la suite de la première croisade, plusieurs petits États furent créés, notamment le Royaume de Jérusalem, qui subsista pendant un siècle. Antioche et Édesse furent aussi reprises aux turcs en 1098. Un patriarche latin fut institué à Jérusalem. De même, après une courte période d’accord avec les autorités orthodoxes locales, une hiérarchie latine parallèle s’installe, ce qui amena les patriarches orthodoxes à se replier de nouveau sur Constantinople à partir de 1106 et d’y rester jusqu’à la chute des royaumes francs (1260). 

Deuxième Période

Douzième au Quatorzième siècle

-          L’école scolastique en Occident. Surtout avec Anselme (1033-1109), plus tard Archevêque de Canterbury, débute la scolastique pour qui la raison prime, éclaire et approfondit la compréhension des vérités de la foi. Elle introduisit en Occident une véritable coupure avec l’approche théologique commune de l’Orient et de l’Occident durant le premier millénaire. Il y eut certes des oppositions, mais elles n’eurent pas de suites. Bernard de Clairvaux (1091-1153) eut beau dire qu’on « comprenait Dieu dans la mesure où on l’aime », rien ne parvint à arrêter la nouvelle méthode. Par son dénigrement de la tradition patristique, par son refus de faire appel à la Tradition et même à l’autorité biblique (Anselme disait qu’il fallait essayer de comprendre en mettant « le Christ de côté »), elle contribua à rendre extrêmement difficile aux deux Eglises de se comprendre. Avec la traduction d’Aristote en latin, il devint courant de dire que la doctrine doit être défendue par la logique et uniquement par des arguments intellectuels. Thomas d’Aquin (+1274) fut le premier à produire un système théologique selon ces nouvelles méthodes et influença tout le parcours théologique occidental ultérieur. Les bases de la théologie n’étaient plus liturgiques, contemplatives et patristiques, mais la pensée rationnelle. Cette nouvelle méthode théologique (la théologie devenant une affaire d’école, les écoles cathédrales sont remplacées par des universités vers 1200 qui prirent le relais des monastères qui étaient jusqu’alors les défenseurs de la foi) s’accompagnait d’une nouvelle idéologie de la place de l’Eglise de Rome et du Pape. L’Eglise romaine en vertu de son autorité était seule à même de juger tous les hommes, mais il n’est permis à personne de prononcer un jugement la concernant (Decretium de Gratien). Les canons anciens furent expliqués de telle façon à confirmer ces thèses nouvelles. Cela fit de Rome une autorité centrale et centralisée teintée de juridisme. Le pape qui était d’habitude appelé vicaire de saint Pierre devint le Vicaire du Christ. Entre 1100 et 1300, la plupart des papes étaient des juristes, ce qui amena Bernard de Clairvaux à dire qu’à Rome on entendait plus parler de la loi de Justinien que de la loi du Christ.  En 1231 fut instituée l’Inquisition, tribunal d’exception pour combattre les hérésies, avec autorisation d’utiliser la torture. De plus, l’Occident chrétien devint acquis à une évangélisation par la force. De nouveaux ordres monastiques de moines-chevaliers, ordres en fait militaires, virent le jour, les Templiers (1139), les Hospitaliers (1113). Pour eux, « un chrétien est glorifié dans la mort d’un paїen, parce que le Christ est glorifié », comme l’écrit Bernard. Un autre ordre monastique vit le jour au 13ème siècle, celui des frères mendiants, mouvement de pauvreté évangélique, et totalement acquis à l’étude et à la scolastique. Les grands saints latins de l’époque, Dominique (1170-1221) et François d’Assise (1182-1226) en sont juges. Durant cette période apparut aussi le phénomène des femmes visionnaire de Dieu (Hildegarde +1179 : les béguines au 13ème siècle). Aussi au 13ème siècle, regain de l’activité missionnaire vers le Nord de l’Europe par les ordres mendiants et vers la Mongolie et la Chine. Plus tard, au 14ème siècle, apparut la mystique Rhénane (Maître Ekkhart +1327, Thomas à Kempis, auteur de l’Imitation de J-C en 1418).

-          Les Croisades (1096-1268) continuèrent, créant de plus en plus de problèmes. On assista lors de la quatrième à la prise et au sac de Constantinople en 1204 qui peut être considéré comme la véritable date de la séparation entre Rome et les Eglises d’Orient. Innocent III interprète cette prise comme « un juste jugement de Dieu » pour punir les byzantins et une occasion d’une soumission inconditionnelle des orthodoxes. Union par la force des armes. Le concile de Latran en 1215 présumait que l’unification était achevée et que toute l’Eglise devait être dirigée par Rome. Le pape, après avoir regretté les atrocités, se hâte de reconnaître un patriarche latin à Constantinople, qui y demeura jusqu’à la reconquête de la ville par les byzantins en 1261. Malgré cela, la prise de Constantinople avait grandement fragilisée l’empire byzantin.  Les conséquences des Croisades furent multiples : créer un fossé entre les chrétiens qui ne se reconnaissaient plus comme frères ; le concept de guerre sainte ; creuser une méfiance qui demeure vivace entre l’Islam et l’Occident et par voie de conséquence entre les musulmans et leurs concitoyens chrétiens ; encourager les pressions (impôts, persécutions, etc.) contre les chrétiens amenant des abjurations nombreuses (jusqu’aux Croisades les chrétiens étaient majoritaires presque partout en Orient, au début du 14ème siècle, ils étaient devenus minoritaires partout, le seul pays ayant préservé une majorité chrétienne étant l’Ethiopie où seulement 1 sur 3 devinrent musulmans).

-          Byzance après Byzance. Le renouveau se fait jour en Bulgarie, Serbie surtout (Saba +1236) et la Roumanie. Ces pays avec la Russie prendront la relève de Constantinople après sa chute.

-          Tentatives d’union. Rome tenta de réaliser l’union avec les syriaques, qui n’avaient pas eu leur hiérarchie remplacée par des latins, en 1166 avec Michel le Syrien. Le Patriarche Ignace VI envoya même sa profession de foi à Rome en 1236, mais ayant exigé l’indépendance de son Eglise, le projet n’eut plus de suite. Les Maronites s’unirent à Rome en 1181, après une abjuration du monothélisme, et de nombreux remous (deux patriarches rivaux en 1282, l’un refusant l’union). L’union avec les Arméniens en 1198 au concile de Tarse fut aussi abjurée. L’union signée au Concile de Lyon en 1274, demandé par l’Empereur de Byzance qui avait besoin de l’aide militaire de l’Occident, et où Rome exigeait une entière soumission de l’Eglise orthodoxe concernant le filioque, la suprématie papale, etc. sans aucun débat, fut rejetée par le Concile des Blachernes en 1285. Ce concile fut aussi important par son apport théologique concernant la procession du saint esprit « par le fils ». Au 12ème siècle, eurent lieu aussi des pourparlers pour l’union entre les byzantins et les monophysites qui firent long feu, les parties ne parlant plus une langue commune.

-          Les invasions mongoles. En deux vagues, 1162 avec Genghis Khan et fin 14ème avec Tamerlan (1336-1405), elles dévastent la Mésopotamie et l’Iraq et affaiblissent d’une façon définitive l’Eglise nestorienne qui était au sommet de son expansion au 12ème siècle, avec plus de 100 évêchés en Syrie et Mésopotamie et les missions extrême orientales. Antioche est détruite en 1268. Comme après la destruction d’Antioche par les Mamelouks, la ville était devenue une petite bourgade, les patriarches la quittent pour Damas en 1366. Durant le long séjour de ces patriarches à Constantinople, ils perdent tout contact avec le peuple, et quand ils reviennent, ils ramènent la liturgie byzantine et le typicon de Constantinople, se distanciant de la sorte des traditions antiochiennes syriaques.

-          Les Eglises syriaques connurent de grands bouleversements aux 13-14 siècles, dues aux invasions diverses. Transfert des sièges patriarcaux au gré de ces invasions, à Deir el Zaafarane (Mardin), à Tur Abdin pour les monophysites. Nouveau catholicossat pour les arméniens à Sis en Cilicie. Les nestoriens seront pratiquement décimés par les mongols et ne s’en remettront jamais. Un grand nom monophysite de cette période, Bar Hebraeus (Abu Farraj 1225-1286).

-          Hérésies, remous et schismes en Occident. De 1208 à 1218, croisade contre les Albigeois. La controverse entre les tenants du conciliarisme et ceux du papisme. La papauté divisée et le grand schisme d’Occident (1378-1417). Les papes à Avignon de 1305 à 1377. Guerre de cent ans (1337-1453). Invasions arabes et bataille de Poitiers en 1356.

-          La controverse hésychaste. Une importante joute théologique entre l’Orient et l’Occident, par personnes interposées, se fit en 1340 entre Grégoire Palamas (1296-1359) et Baarlaam le Calabrais qui était acquis à la nouvelle critique rationnelle occidentale et qui se moquait du mysticisme hésychaste (centré autour de la prière de Jésus, de la garde du cœur, de l’hésychia et de la possibilité de la vision de la Lumière du Thabor). Baarlaam affirmait que Dieu ne peut être connu qu’indirectement, que sa connaissance en tant qu’expérience réelle et personnelle, comme l’affirmaient les hésychastes et toute la tradition spirituelle de l’Orient, était impossible. Le grand défenseur de la Tradition fur Grégoire Palamas (Les Triades entre 1338 et 1341), qui exposa avec maîtrise les caractéristiques de l’humanisme byzantin et d’un véritable existentialisme chrétien avec ses implications sociales qui rejoignent le meilleur d’un Jean Chrysostome (les pauvres sont les frères de Dieu) et dont la doctrine (distinction en Dieu de l’Essence incommunicable et les Energies) fut reconnue orthodoxe par les conciles de 1341 et 1351. Cette tradition hésychaste avait été réintroduite à l’Athos par Grégoire le Sinaїte (1255-1346) et Nicéphore l’Hésychaste (+1280), ce dernier ayant publié une anthologie de textes spirituels, le « Traité de la sobriété (hésychia) et de la garde du cœur ».

-          Le triomphe de l’Hésychasme et renouveau. Une série de patriarches réformateurs, à l’origine moines hésychastes, tel Athanase I (1289-1293, puis 1303-1319), s’attaquent aux problèmes sociaux et appliquent la dite spiritualité à toute la vie de l’Eglise, notamment la réforme liturgique et sacramentelle. Un grand théologien laїc, Nicolas Cabasilas (1320 ?-1371) se fait le champion d’une spiritualité pour les laїcs, par une insertion liturgique dans les mystères et un style de vie et d’attention permanente qui rend conscient de l’existence dans le Christ (La vie en Christ). Renouveau aussi dans l’art comme à l’Eglise de Chora (Kaarieh Djamie) à Constantinople, chef-d’œuvre de la Renaissance transfigurée.

-          Fin de « l’estrangement » avec la pensée latine à Constantinople. Traduction en grec des principaux textes scolastiques. Début d’un dialogue qui tournera court. Jean Cantacuzène (+1354). Nil Cabasilas.

Les Quinzième et Seizième siècles

-          Une dernière tentative d’union, le Concile de Ferrare-Florence (1438-1439). L’empereur de Byzance, ayant un besoin pressant pour l’aide militaire de l’Occident, entama des négociations diplomatiques qui aboutirent à la convocation du concile. Ce concile venait juste après la victoire du conciliarisme au Concile de Constance en 1417 qui avait déclaré que le concile « tient son pouvoir directement du Christ et tous, y compris le pape, sont tenus de lui obéir ». Il y eut donc débat à Florence. Sous la pression de l’empereur et leur manque de préparation face à la science théologique catholique, les délégués orthodoxes, sauf Marc d’Ephèse et Isaac de Straviopolis, signèrent les Actes du concile, approuvant les positions latines sur le filioque, le purgatoire, la primauté papale, etc. Une fois rentrés chez eux, ils répudièrent leur accords devant l’opposition du peuple qui affirmait « plutôt le turban des turcs que la tiare latine ». Plusieurs conciles (Jérusalem en 1433, Constantinople en 1450 et 1484) rejetèrent Florence.

-          La chute de Constantinople. Le 29 mai 1453, Constantinople fut conquise par les Ottomans. Les turcs respectèrent les prérogatives de l’Eglise. Le patriarche œcuménique devint le « bash millet » des roum (ethnarque) dans l’ensemble du monde ottoman, établissant ainsi le système des millets qui changea le statut des dhimmi en une sorte de citoyenneté mitigée liée à l’appartenance confessionnelle et qui contribua grandement à faire des églises des confessions, encourageant entre autres le rôle politique des évêques et leur alliance avec les riches et les puissants, ce qui généralisa une certaine déchéance et des pratiques de simonie, au détriment de leur action pastorale. L’orthodoxie byzantine entra dans une période de défensive. En Russie, à partir de 1589, apparurent les thèses messianiques de la « troisième Rome » et du « Troisième et dernier Empire chrétien ».

-          La Réforme protestante et la Contre Réforme. Les thèses réformistes d’un Luther (1483-1546), Calvin (1509-1564), Zwingli (1484) qui appelaient à un retour à une vie évangélique et une pensée patristique et qui s’opposaient à des dérives de l’Eglise romaine (les indulgences, etc.) finirent, face à l’intransigeance des papes, par aboutir à un schisme qui se répandit dans de nombreux pays européens. L’Angleterre avec Henry VIII, choisit une via média et se sépara aussi de Rome en 1533. La Contre Réforme de Rome se matérialisa surtout dans le Concile de Trente (1545-1563), par la création de nouveaux ordres religieux réformateurs dont les Jésuites fondés par Ignace de Loyola (+1556), par l’apparition d’un grand nombre de vies consacrées à l’apostolat, la mission et la sainteté, dont plus particulièrement François de Sales (1567-1622), Charles Borromée (1538-1584), Philippe Neri (1515-1595) fondateur de la congrégation de l’Oratoire, Thérèse d’Avila (+1582), Jean de la Croix (1542-1594) fondateur des Carmes Déchaussés, François-Xavier (1506-1552) dont l’action d’évangélisation atteint les Indes, le Japon et la Chine. Un courant de spiritualité prônant le « pur amour de Dieu » et l’abandon de la volonté propre (Fénelon) tenta de mettre un diapason à la priorité donnée à la raison, mais très combattu, finit par être condamné.

-          Nouvelle politique romaine en vue de l’union : l’uniatisme. A partir de 1553, le pape Urbain VIII demande aux Jésuites d’ouvrir des écoles à Jérusalem, Constantinople et Chypre, en vue de ramener les « schismatiques » au giron de l’Eglise romaine. Mais c’est surtout durant le pontificat de Grégoire XIII que le mouvement vers l’Orient s’accélère par l’ouverture d’un collège grec à Rome en 1576, l’envoi des jésuites en masse en Orient, etc. tout cela avec l’appui des puissances « catholiques », dont la France, qui avait inclus dans sa politique orientale «  la défense de la religion catholique » et le « retour des schismatiques à l’obéissance ». Sous l’impulsion des jésuites, deux conciles maronites (1580 et 1596), décident d’accélérer la latinisation et interdisent le mariage des filles maronites avec les « schismatiques ». En 1606, les maronites adoptent le calendrier grégorien. En 1553, les nestoriens se divisent, une grande partie, appelée désormais Eglise chaldéenne, rejoint Rome. En 1599, le mouvement atteint la communauté syro-malabare en Inde. La partie restée nestorienne s’unira en 1665 à l’Eglise syriaque monophysite. En 1596, une partie des ukrainiens se rallia à Rome (Union de Brets-Litovsk). Le mouvement « uniate » se continuera jusqu’au 19ème siècle et atteindra toutes les Eglises orientales.

-          La relève russe. Alexis de Moscou, Serge de Radonège (1314 ?-1392), Nil Sorski (1433-1508), Etienne de Perm, André Roublev (1360-1430), les « fols en Christ » dont Basile le Bienheureux, à qui est dédiée la cathédrale en pleine Place Rouge à Moscou, Maxime le grec, etc…. sont parmi les grandes figures qui one laissé leur marque sur la spiritualité russe ultérieure.

-          Les néo-martyrs en Orient. Tous ceux qui refusent la conversion forcée à l’Islam et le payent de leur vie, et ils sont nombreux.

-          Début d’effritement du protestantisme. Les sectes. Les Disciples des Prophètes (1512). Les Anabaptistes et les Mennonites en 1534. Les Quakers en 1650.

 

Du dix-septième au dix-neuvième siècle

 

-          « La captivité de Babylone » de la théologie orthodoxe. Ballottée entre Rome et le Protestantisme, coupée de ses sources vives par l’éparpillement des moines, livrée en Orient aux ambitions des clercs et l’ingérence des autorités (48 patriarches à Constantinople en 73 ans), soumises aux vexations de l’occupant turc, affaiblie en Russie par les réformes de Nikon et le schisme des « vieux-croyants », leur condamnation par les conciles de 1667-1668 et  la mainmise de Pierre le Grand sur l’Eglise et l’abolition du Patriarcat en 1721, l’Orthodoxie survit par la Liturgie, la grâce de Dieu et la prière des saints anonymes. Confession de foi latinisante de Pierre de Moghila de Kiev au milieu du 17èmeConfession calviniste de Cyrille Loukaris, patriarche de Constantinople (+1638). Confession orthodoxe de Dosithée et conciles de Iassy (1642) et Jérusalem (1672) qui reconfirment la foi des Pères.

-          La Renaissance et l’explosion colonisatrice et missionnaire de l’Occident. Pendant que l’Orthodoxie se débat dans ses problèmes, tentant de survivre, l’Eglise de Rome est en pleine expansion, suivant les puissances européennes dans leur colonisation de nouveaux territoires. Prédominance du « christianisme raisonnable », où le chrétien renonce à tenter l’expérience du divin pour se tourner, dans un monde désacralisé, vers l’intériorité humaine afin d’assurer le triomphe de la raison et de l’appliquer à la résolution des problèmes de la cité.

-          L’uniatisme se poursuit. En 1656, eut lieu le premier schisme au sein de l’Eglise syriaque et formation d’une église syriaque-catholique. En 1724, schisme antiochien et formation de l’église grec-catholique. L’uniatisme atteindra les arméniens en 1831 et les coptes en 1899. Le prosélytisme protestant commence : formation de communautés d’origine coptes en 1815, et grec-orthodoxes en Palestine en 1819 et à Beyrouth en 1827.

-          Réveil de l’Orthodoxie à partir du 18ème siècle et débuts de la relève. En Grèce, Cosmas l’Etolien (1714-1779), apôtre de l’Evangile et de l’instruction, mort martyr par les turcsA l’Athos, Macaire, évêque de Corinthe (1731-1809), encourage la communion fréquente. Chef des « collyvales », chassés de l’Athos par les « zélotes » (conservateurs et ritualistes), et dispersés dans divers monastères, ils y assurèrent un renouveau liturgique et spirituel. Nicodème l’Hagiorite (1748-1809) publia la « Philocalie des saints Pères Neptiques» qui joua un rôle éminent dans le réveil de la tradition hésychaste dans le monde orthodoxe et dont la traduction dans les langues européennes au 20ème siècle aura un grand retentissement. En Russie, Tikhon de Zadonsk, né en 1724, se fit le protagoniste de la formation du clergé, de la cathéchèse, du sacrement du frère et de la lutte contre le servage. En Roumanie, Paissy Velickovsky (1722-1794), grand restaurateur dans les pays roumains et en Russie des traditions hésychastes, après avoir vécu à l’Athos. Il traduisit la Philocalie, en y ajoutant Grégoire Palamas. Cette traduction eut une grande diffusion dans les pays slaves, tant dans les monastères que parmi le peuple (le pèlerin russe). Séraphim de Sarov (1759-1833). Son dialogue avec Motovilov récapitule toute la mystique de la Lumière telle que Syméon le Nouveau Théologien et les Pères Hésychastes l’avaient connue et pratiquée. Les Statets d’Optino (Ambroise, Léonide, Macaire), à partir de 1821, font réapparaître le ministère prophétique dans l’Eglise et exercent une influence certaine sur les grands écrivains de leur temps (Tolstoï, Dostoïevski etc). Théophane le Reclus (1815-1894) publia entre 1876 et 1890 une édition rénovée de la Philocalie russe qui reste jusqu’aujourd’hui la nourriture unifiée des moines russes. Jean de Cronstadt (1829-1908), curé de paroisse, thaumaturge, se rattache à la tradition hésychaste, écrit « ma vie en Christ ». Ignace Briantchaninoff (1807-1861). Le métropolite Philarète de Moscou (1821-1867). Regain des activités missionnaires. De grands saints, tels Germain de l’Alaska (1757-1837), Innocent (1797-1879), Nicolas du Japon (1836-1912) et d’autres initièrent et développèrent ce travail missionnaire.

-          L’effritement de l’empire ottoman et libération progressive des pays « orthodoxes ». Rome prend position en faveur des turcs contre une reprise de Constantinople par les Russes (et les grecs). Dans une note des Affaires Etrangères françaises à leur Ambassadeur à Saint Peters Bourg en 1853, il est dit que « Rome… est plus proche des musulmans que des russes, car un gouvernement chrétien fort à Istanbul est un danger pour le trône pontifical ».

-          Le patriarcat d’Antioche, suite à une crise entre grecs et arabes entre 1891 et 1899, finit par élire en 1899 le patriarche arabe, Mélétios. Les troubles interconfessionnels de 1860 au Liban et en Syrie occasionnent le massacre de milliers d’orthodoxes à Damas et dans la montagne libanaise dont certains sont d’authentiques néo-martyrs (Youssef al Dimashki). Ecoles « moscovites ». Ecoles locales (Zahrat el Ihsan en 1882 et  les trois Docteurs en 1825 à Beyrouth). De nombreuses revues voient le jour (Al Haddiya en 1883, Al Manar en 1898, Al Niimat en 1909).  Formation des « majaless al milliyat ». Ce réveil sera couronné par l’élection de Grégoire IV (Haddad) comme patriarche en 1906 qui donna un coup de fouet à la vie spirituelle, intellectuelle et pastorale. Il fut aussi le patriarche des pauvres par son action sociale.

-          Le regain du dogmatisme à Rome, mais aussi floraison de sainteté et d’apostolat. En 1854, dogme de l’Immaculée Conception. Perte des Etats pontificaux en 1870. Refus du pape qui se considère prisonnier au Vatican jusqu’à la signature des accords du Latran en 1926. En réponse à une lettre encyclique de Pie IX adressée en 1848 aux « chrétiens d’Orient, parut l’encyclique des Patriarches orientaux durant la même année, qui liste les différences avec Rome et qui supplie le pape de ne pas introduire le dogme de l’infaillibilité et qui précise que le gardien ultime de la foi dans l’orthodoxie est le peuple de Dieu dans son ensemble. Lors du Concile de Vatican I en 1870, dogme de l’infaillibilité du Pape et schisme des Vieux-Catholiques. En1894, Léon XII appelle les orientaux à l’union, avec une fin de non recevoir. Naissance des mouvements apostoliques de Jeunesse en 1886, plus tard en 1930 devenus spécialisés (JOC, JIC, JUC, etc.).  Grande expansion missionnaire par les Ordres religieux. Naissance du Catholicisme social. Parmi les saints, Thérèse de Lisieux (1873-1897).

-          Le Concile de Constantinople en 1872 contre la condamnation du philétisme, c’est-à-dire les rivalités nationales et les querelles entre peuples à l’intérieur de l’Eglise du Christ.

-          Effritement et renouveau au sein des communautés protestantes. Adventistes du 7ème jour en 1830. Témoins de Jéhovah en 1874. Pentecôtistes en 1900. Et bien d’autres (christian science, baptistes, etc.). Certaines de ces sectes ne sont pas sans rappeler les sectes dualistes des premiers siècles de l’Eglise (messaliens, montanistes, etc.). Une grande figure du protestantisme traditionnel : Albert Schweitzer (1875-1965). Fondation de l’Alliance Evangélique Universelle en 1846. Fondation de mouvements de jeunesse : La YMCA et la YWCM en 1855, la FUACE en 1885, le scoutisme en 1907-1908.

Le vingtième siècle

-          Le Renouveau liturgique et patristique en Occident, suscita un grand retour aux sources dans l’Eglise Catholique qui remit pour la première fois en cause certains « acquis » de l’école scolastique. Ce renouveau donna l’occasion aux orthodoxes de redécouvrir leurs propres Pères et contribua à un grand renouveau de la pensée orthodoxe. Ce renouveau rendit possible Vatican II.

-          Le Concile de Moscou (1917-1918). Préparé dès 1905, ce concile dont les travaux ne purent aboutir à cause de la Révolution Bolchevique, entendait faire l’aggiornamento de l’Eglise russe et a défini de nombreux éléments réformateurs dans son gouvernement et les différents aspects de sa vie.

-          Débuts de l’œcuménisme. Encyclique du Patriarche œcuménique de 1902 invitant les Eglises chrétiennes à mieux se connaître et à collaborer, suivi par un autre appel en 1920 qui jouera un rôle déterminant aux origines du mouvement oecuménique. Début des conférences multiconfessionnelles : La Conférence Internationale des Missions en 1910, « Life & Works » en 1925, « Faith & Order » en 1927 qui regroupent des théologiens des églises orthodoxes et réformées. Le pape condamne l’oecuménisme en 1928. Le Conseil œcuménique des Eglises est formée en 1937-1938 et sa première Assemblée se tient à Amsterdam en 1948.

-          Grandes figures du Protestantisme de l’époque : Karl Barth (1886-1968), Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), mort martyr du nazisme, Marc Boegner (1881-1970).

-          La fin de l’empire ottoman s’accompagne en 1915 d’un génocide arménien et de leur exode avec des nestoriens et des monophysites vers la Syrie et le Liban. Un tiers des syriaques de Tur Abdin fut massacré. En 1924, suite à l’occupation par l’armée turque de la région de Deir el Zaafarane, le patriarcat syriaque se déplace à Homs et en 1959 s’établit à Damas.

-          Dogme de l’Assomption de la Vierge Marie à Rome en 1958.

-          Le concile de Vatican II et l’aggiornamento de l’Eglise romaine. L’idée en fut lancée en 1959 par un pape charismatique, Jean XXIII. Continué par la suite sous le pontificat de Paul VI, il termina ses travaux en 1965 et ouvrit réellement l’Eglise romaine aux vents du renouveau, à tous les niveaux de la vie de l’Eglise. Le pape actuel Benoît XVI semble vouloir faire un retour en arrière.

-          Les rencontres entre Athénagoras et Paul VI, d’abord à Jérusalem en 1964, puis à Istanbul et à Rome aboutissent à lever en 1965 les excommunications réciproques de 1054 et ouvrent un dialogue dans la charité entre les deux Eglises.

-          Les années de détresse (1917-1988). Le communisme, établi en Russie  et l’Est de l’Europe, lança plusieurs vagues de persécutions contre les chrétiens qui dépassèrent et de loin toute autre persécution encourue au cours des siècles. En Russie seule, plus de 600 évêques (90% du total), plus de 40000 prêtres (85% du total), des dizaines de milliers de moines et des centaines de milliers de fidèles laïcs furent massacrés, et l’Eglise fut bâillonnée et souvent obligée à suivre les directives de l’Etat dans divers domaines, surtout dans les relations avec le monde extérieur.

-          Le Renouveau de la pensée et de l’action orthodoxes. La préparation du Grand et Saint Concile débute en 1961 à Rhodes, et se continue en 1963 et 1964, suscitant de grands espoirs d’un aggiornamento dans l’Eglise Orthodoxe. Depuis, vu les divergences entre les Eglises, le processus est pratiquement stoppé. Le millénaire de l’Athos en 1963 fut aussi une occasion pour les chefs de l’Eglise de se rencontrer dans une atmosphère de joie qui fut considérée comme « le miracle de l’unité ». Création de mouvements de jeunesse en Grèce, Finlande, Antioche et les pays de la Diaspora. De grands théologiens : dans la tradition russe, Paul Florensky, mort en martyr dans les camps en 1937, Georges Florovsky, Serge Boulgakov, Vladimir Lossky, Paul Evdokimov, Nicolas Afanassiev, Alexandre Schmemman, Jean Meyendorff, Anthony  Bloom, Sophrony Sakharov, Alexander Men, mort martyr à Moscou en 1990; chez les serbes, Justin Popovitch, Nicolas de Jitcha ; chez les roumains, Dimitru Staniloea, Andre Scrima ; chez les antiochiens, G. Khodre ; dans la diaspora française, O. Clément, L. Gillet, Placide Deseillem E. Behr-Sigel; chez les grecs, Jean Zizioulas, Christos Yannaras et beaucoup d’autres. Aussi des martyrs en abondance et des saints. Contentons-nous de mentionner Mère Marie de Paris (1891-1945), qui pratiqua une vie monastique dans le monde au service des plus démunis et qui mourut gazée dans un camp de concentration. Silouane de l’Athos (1866-1938), Joseph l’Hésychaste (1898-1059), Nectaire d’Egine (1846-1920), Arsène (1854-1075), etc.

-          Problèmes de l’orthodoxie contemporaine : la montée du nationalisme. Les luttes d’influence entre Moscou et Constantinople. La peur de la modernité et la montée des intégrismes. Les hiérarchies parallèles dans la Diaspora. Excès de cléricalisme.

-          Renouement du dialogue entre chalcédoniens et non chalcédoniens.  Plusieurs rencontres eurent lieu à partir de 1962 qui ont abouti à une déclaration de l’unité de la foi en 1990, ce qui laisse présager de la possibilité d’un retour à la pleine communion, une fois les autres difficultés résolues.

-          Les problèmes de l’exégèse ultra rationnelle.

-          Une perte de sens. Le retour du merveilleux. Le New Age. Le spiritisme. Les drogues.

-          Nouveaux Défis : Les tensions Nord-Sud. La violence et le terrorisme.

-          La Rencontre des religions. Les dialogues. Les réunions de prière (Assise, etc.).

-          Quelques chiffresChrétiens: près de 2.1 milliards, soit près de 33% de la population mondiale, subdivisés en près de 1.05 milliard de catholiques romains, près de 0.8 milliard de protestants, toutes obédiences confondues, près de deux cent cinquante millions d’orthodoxes et de non chalcédoniens. Les autres religions comprennent :

musulmans: 1.5 milliard, dont plus d’un milliard sont sunnites.

Non Religieux et Athées: 1.1 milliard.

Hindouistes: 0.9 milliard.

Bouddhistes: 376 millions.

Religions primitives tribales : 300 million

Religions traditionnelles africaines : 100 million

Sikhs : 23 millions

Juche : 19 millions

Spiritisme : 15 millions

Juifs : 14 millions

Baha’i : 7 millions

Jainistes : 4.2 millions

Shintoisme : 4 millions

Cao Dai : 4 millions

Zoroastres : 2.6 millions

Tenrikyo : 2 millions

Neo paganisme : 1 millions

Unitariens-universalistes : 0.8 million

Rastafarianistes : 0.6 million

Scientologistes : 0.5 million

Autres : quelques millions, car n’oublions pas qu’il y a près de 43 religions dans le Monde.

Il est donc bien évident que le christianisme, après plus de deux milles ans d’existence, ne fait que commencer, comme l’a dit Alexander Men.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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