Chronique Orthodoxe Libanaise

 

Raymond Rizk 


1. Dimanche 29 juillet.

Eglise paroissiale sur les lignes de démarcation qui divisent (on n'ose pas dire encore divisaient) Beyrouth en deux secteurs. Au plus fort des derniers événements a continué à accueillir les rares personnes qui n’avaient pas abandonné le quartier durement éprouvé... C’est un des premiers dimanches où il y a un peu plus de monde.

Des visages familiers, ceux des icônes et des parois siens. L’attachement d'un visage ! L'attachement à une terre n'est-il pas en grande partie attachement aux visa­ges qui l'habitent ? Et comme c'est dans l'Eglise, dans la rencontre eucharistique que les visages se dilatent aux dimensions du monde, prenant des reflets d'icône et devenant, de ce fait, encore plus attachants, n'est-il pas vrai de dire que l'Eglise est la seule véritable patrie ?

2. Dimanche 5 août.

Cette fois, église à l'ouest de Beyrouth, c'est-à-dire le quartier de la capitale à prédominance musulmane. Là aussi des visages familiers · le Mouvement de la Jeu­nesse Orthodoxe a laissé sa trace partout, et le meilleur endroit pour retrouver des amIs perdus est leur église paroissiale. Une des raIsons qui avaIent poussé une amie d'origine protestante - maIntenant devenue orthodoxe - à vouloir en savoir plus long sur l'Orthodoxie, était, nous avait-elle dit alors, la chaleur et la véri­table affection qu'elle percevait dans l'accolade fraternelle que se donnaient certains de ses amis, membres du M.J.O., à chacune de leurs rencontres, et leur façon de se regarder droit dans les yeux.

Les visages de mes amis de Beyrouth Ouest !... Mar­qués par !'inquiétude... Ils demandent des nouvelles de ceux de « l'autre côté», car la cassure psychologique n'a jamais été ressentie avec autant d'acuité que ces six derniers mois, durant lesquels les chrétiens vivant à l'Ouest ont passé des moments où ils ont été amenés à réellement craindre pour leur vie... Certains ont été tués par des extrémistes (le 9 avril 1984, par exemple , une famille orthodoxe de six personnes dont quatre enfants) qui semblaient vouloir, en s'attaquant à des innocents, provoquer un vaste exode. Des églises ont été profa­nées, saccagées, etc... La situation s'est améliorée depuis, mais un relent d'incertitude demeure. Qu'en sera-t-il demain?. C’est peut-être pour cela que j'ai res­senti ce jour-là, veille de la Transfiguration, sur un plan tres émotionnel, nos anciennes et belles psalmodies, chantées par une chorale formée Justement des enfants de mes vieux amis.

D'où peut-être la double urgence ressentie aujourd'hui de plus en plus dans les milieux du renou­veau antiochien : d'une part, celle d'une réforme liturgi­que pour retrouver, au-delà des vicissitudes et des con­tingences de l'histoire, le cœur même de l'acte liturgi­que, qui est essentiellement acte communautaire...

0épasser la dichotomie souvent vécue dans le monde orthodoxe entre la compréhension et la beaute pour que chacun redevienne véritable acteur dans cette réunion de famille par excellence... Epurer, alléger un symbolisme ­ qui, mal compris, se fait écran. Se débarrasser d'un mauvais hiératisme qui, au fil des ans, a noyé le sens véritable sous une floraison de superstructures...

Sans pour cela modifier en quoi que ce soit la vision liturgique orthodoxe, mais bien au contraire pour y res­ter fidèle, redonner aux mots et aux gestes liturgiques leur portée initiale, les réinventer pour qu'ils expriment mieux les tourments et les angoisses de notre généra­tion... L'Esprit vit toujours dans l'Eglise, et c'est pécher contre !'Esprit que de se refuser à bouger pour enlever la poussière qui rend opaque le message… Et d'autre part, l'urgence de transmettre ce même message par le truchement de la parole écrite. De là l'importance prise, durant les quelques dernières années, par les Editions An-Nour et la vaste fourchette de sujets et de préoccupations qu'elles essaient de couvrir. Les temps sont mauvais, et ils sont courts… Et il s’agit de mettre à la disposition du plus grand nombre une littérature chrétienne en langue arabe, pour les amener à assumer un christianisme adulte, ouvert, sans peur, quelles que soient les échéances que l’histoire nous réserve.

3. Lundi 6 aout

Au milieu de la liturgie, je réalise soudain que c'est aujourd'hui l'anniversaire de la bombe d'Hiroshima. Etrange coïncidence ! Mais est-ce une coïncidence ? N'est-ce pas plutôt un signe pour nous faire réfléchir sur le mystère de la Lumière : transfigurante en Dieu et démoniaque quand elle est manipulée par l'homme !...

4. Lors d'une visite à l'un de nos évêques, je trouve le « palais épiscopal » gravement endommagé à la suite des troubles récents. L'icône d’Antoine le Grand auquel est dédiée la chapelle du lieu et qui est exposée à l'entrée de cette chapelle, semble être un rappel que, contrairement aux apparences de luxe dont une commu­nauté se prévalant des « gloires » de son passé pare les habitations de ses évêques, ces mêmes habitations sont censées être de vrais monastères ! D'ailleurs. le nom arabe de « palais épiscopal » est cc kellaya » qui vient du grec «kelli » qui veut dire cc cellule ». C'est le deuxième « palais épiscopal » à être sérieuse­ment  « touché » depuis le début de la guerre au Liban. Est-ce au-delà de la tragédie un autre signe du ciel pour rappeler à tous que le Fils de l'Homme n'avait pas un lieu où reposer sa tête..., et nous inviter à chercher notre « gloire » là où elle est censée réellement être dans l'humilité, le service, la pauvreté volontairement assu­mée et vécue dans l'amour...

5. Rencontre de responsables dans un foyer de jeunes de la banlieue de Beyrouth. Les jeunes orthodoxes res­sentent de plus en plus le malaise qui semble se répan­dre depuis quelque temps dans le Patriarcat d'Antioche et qui se matérialise surtout dans une remontée de cléricalisme et un surplus d'autoritarisme chez certains évêques, et dans le fossé qui semble parfois se former entre eux et le peuple des croyants.

Ces jeunes ressentent aussi douloureusement la ten­sion évidente entre un rationalisme pragmatique, axé sur une efficacité à court terme, professé par certains et une spiritualité plus nourrie de tradition sans pour ceta cesser d'être ouverte à la nécessité d'un renouveau et d'une approche nouvelle des réalités et des exigences pastorates.

Tout cela sur fond de guerre civile, quand le peuple chrétien dans son ensemble se pose des questions exis­tentielles et regarde vers l'Eglise comme dispensatrice de sens, de raisons de ne pas émigrer et d'espoir de réu­nification et de pacificat1on. Des questions pressantes, douloureuses, se posent à ceux qui veulent malgré tout rester fidèles à l'appel de l'Esprit qui a suscité, il y a maintenant plus de quarante-deux ans, ce mouvement de renouveau ecclésiastique qui a vu le jour autour et à partir du M.J.O.

Que faire pour que le souci pastoral prime sur toute autre considération ? Comment utiliser I ’argent et les institutions - et ils abondent dans certains diocèses - pour le service et le témoignage ? Faut-il désespérer d’une réforme en profondeur de !'institution dans l'Eglise ? Est-ce que l'évêque, généralement pris de nos jours par les remous de la vie moderne, et qui - au moins dans nos régions - est toujours voulu (et parfois se veut lui-même ou ne peut s'empêcher d'être) comme le chef politique, le représentant de la «millet», celui qui organise et fait fructifier les biens temporels de la communauté. celui qui doit nécessairement présider au mariage ou aux funérailles de tout personnage de quel­ que « importance » sociale, est-ce que l'évêque, pris dans ce tourbillon auquel sa formation ne l'a générale-­ ment pas préparé, peut encore objectivement avoir la possibilité et le temps (et malheureusement parfois l'intention) d'être le Père et le Pasteur que le veut la théolo­gie orthodoxe, théologie forgée autour de l'homme qui «  préside dans l'amour » une communauté eucharistique plus ou moins restreinte, entouré du collège des presbytres et du peuple croyant comme d’une famille? Comment faire pour que l'Eglise, par son porte-parole qui est l'évêque, entende la voix de ces prophètes que l'Esprit suscite ici et là, et qu'elle redevienne elle-même, servante, dispensatrice de vie et de sens à tous les affa­més du monde ? Comment amener l'évêque à contreba­lancer son sens aigu de la source divine de son autorité, allié au sens (parfois démesuré) de la prudence liée à sa charge, par la nécessité de réaliser que cette autorité n'a vraiment de consistance que vécue en communion réelle avec toute la communauté, et que le sens de la prudence peut facilement devenir sens du compromis et refus systématique d'agir… ? Comment expliquer que des prêtres, qui s'étaient avérés brulants de zèle pastoral, voient, une fois devenus évêques, leur souci pastoral s'estomper au profit d'un intérêt souvent exclusif pour la fréquentation des grands de ce monde, I ’admi­nistration des biens et des institutions et les problèmes socio- politiques Comment harmoniser ce que le peu­ple croyant attend de son évêque et les aspirations - certes parfois légitimes - de ceux qui veulent voir en lui - à défaut d'un autre - leur représentant dans le système politico-confessionnel libanais?

Autant de questions que se posent de simples croyants. Questions que l'on se pose d'habitude en silence... Mais jusques à quand ce silence ? Ne faudrait­-il pas plut6t, dans le respect filial, les poser ouverte­ment et appeler les fils de l'Eglise à s'atteler à leur trou­ver réponse ?

Une réflexion sur l'épiscopat et ses relations avec l'ensemble du peuple de Dieu, dans ses dimensions théologiques et ses applications pastorales dans le monde d'aujourd'hui, semble être un des problèmes les plus brûlants qui devraient se poser à la conscience de l'Eglise orthodoxe.

6. Dimanche 12 août.

Un monastère, bâti ii y a près de cent ans, jusque-là désaffecté... Perdu dans une nature belle et sauvage, à côté d'un petit village de quelques
maisonnées. Bekaata, dans le diocèse du Mont Liban. Depuis déjà quatre mois, deux moines y vivent dont l'un, le père Ephrem, responsable du M.J.O., ingén1eu ­ électricien, ayant fait des études de théologie aux instituts de Balamand et de Salonique, et vécu ces deux der­nières années au Mont Athos. Des yeux brillants d'intelligence et de bonté. Les habitants du village viennent régulièrement, attirés par la bonté, étonnés par la vie austère et ascétique... Des jeunes de bien plus loin rendent régulièrement visite... Au moment où les moines d'un autre monastère (Deir-el Harf) fondé, il y a près de trente ans, par d'autres jeunes du M.J.O. ont dû abandonner leur monastère après la « guerre de la mon­tagne » durant l'été 1983 et sont temporairement héber­gés dans un couvent au Nord du Liban, voilà qu’une nou­velle pousse monastique nourrie à la fois de spiritualité athonite et antiochienne voit le jour au Mont Liban. Les voies de Dieu sont impénétrables. Dans le tourbillon de violence qui ne cesse de souffler, !'Esprit vient peut­-être nous dire à nouveau de nous préoccuper de l'uni­que nécessaire. Allons-nous l'écouter ?

7. Dans une autre église du Mont Liban, dans la banlieue immédiate de Beyrouth, consécration sacerdotale d'un ami de jeunesse, spécialiste en pédagogie, haut fonc­tionnaire du Ministère de l'Education Nationale, le Père Mitri, engagé très jeune au sein du M J O. est mainte­ nant père de trois enfants. Mgr Georges (Khodr) qui préside l'Office est rayonnant. Une de ses plus grandes consolations est de voir les disciples de la première (comme d'ailleurs de la onzième !) heure s'engager toujours plus existentiellement au service de l'Eglise ..

Pour plusieurs générations d'Antiochiens de tous bords, Mgr Georges reste le Père spirituel par excellence. C'est d'ailleurs l'un des rares évêques que beau­coup continuent à appeler Père... C'est tout dire ! Présence rayonnante s'il en est ! II lui a été donné – avec S.B. le Patriarche Ignace IV et quelques autres- de renouer l'Eglise d'Antioche avec son passé tout en essayant de répondre aux défis de la modernité...

Une Eglise qui ne se réfère qu’aux Pères des anciens temps et se contente de les ressasser sans reconnaitre en l'un de ses fils contemporains un successeur vivant des Pères, est une Eglise en voie disparition..., comme l'était d'ailleurs l'Eglise d’Antioche, il n'y a pas longtemps, et comme le sont peut-être certaines autres Eglises dans le monde...

8. Une foire du livre orthodoxe, de travaux manuels et d'icônes... dans une autre banlieue de Beyrouth, organisée par le M.J.O. Les travaux exposés ont été faits par des jeunes et aussi par des femmes qui ont été amenées à quitter leurs villages lors de la guerre de la mon­tagne et qui sont maintenant prises en charge avec leurs familles par le « Comité pour les réfugiés » établi par le diocèse du Mont Liban. Entre autres activités, le comité essaie, par ce moyen de les faire participer par leur travail à leur subsistance.

9. Autre ordination sacerdotale dans le diocèse du Mont Liban. Cette fois, un docteur en théologie (droit canon et histoire de l'Eglise), lui aussi formé à l'école du M.J.O., avant d’étudier en Roumanie, Rome et autres lieux. Le Père Samir servira pour quelque temps la paroisse antiochienne de Londres... Durant !'office, homélie de Mgr Georges... dont ces extraits : " ··· Tu seras prêtre dans ta maison, dans le monde, vis-à-vis de tous, hum­ble non devant eux mais, en leur présence, devant le Seigneur... Dans ta paroisse, tu trouveras ceux qui aiment le Christ, des pusillanimes cherchant de vaines gloires, et d'autres catégories entre ces deux. Sache cependant que les purs, les pusillanimes et les pécheurs sont autant fils pour toi, que le Seigneur leur a offert le salut, et que tu dois traiter avec eux sur cette base, qu'ils en soient ou non conscients… Tu auras aussi à traiter avec les évêques. Ils sont
faits de chair et de sang, et non dépourvus de passions. Ne t'arrête pas à leurs passions. Mais ils te feront porter une lourde croix. Accepte-là dans le calme et l'obéissance... car par l'obéissance, tu avanceras sur les che­mins du Royaume, même en tant que victime ensan­glantée... Tu seras sacrifié au sein même de l'Eglise. Mais c’est par le sang répandu que nous pouvons accéder à la Face du Père. Sache cela et ne désespère pas. L'Eglise vit des temps mauvais. Accepte-la dans l’affection que lui porte le Christ et tu auras part à sa gloire.

10. Le 16 août

Toute la presse libanaise annonce en pre­mière page que S.E. le Président de la République a assisté la veille à la célébration de la fête de la Dormition dans une église orthodoxe de Beyrouth, et qu'il y a reçu la communion des mains du Métropolite ortho­doxe.

Au-delà du fait que cette participation a été saluée comme un signe de la volonté du Président d'œuvrer inlassablement au rapprochement des Libanais et une expression de la bienveillance avec laquelle il considère le rôle traditionnel de la communauté orthodoxe qui s'est toujours voulue un pont ouvert aux Libanais de tous bords, au-delà de ce fait très important dans le cadre de la situation qui prévaut au Liban, cette partici­pation pose le problème des relations ecclésiales entre les communautés chrétiennes et appelle à une réflexion en profondeur sur leur nature.

Dans un Liban où le prosélytisme (en particulier à l'encontre des orthodoxes) sévit de plus belle et prend des formes de plus en plus insidieuses tant il est ali­menté par la situation politique, les déplacements de population et les appels à resserrer les rangs des chré­tiens à tout prix qu'ils engendrent, beaucoup de prêtres orthodoxes se sont vus confrontés à des non ortho­doxes se présentant à la communion souvent de bonne
foi, mais parfois pour susciter probablement un scan­dale au sein de ta paroisse orthodoxe en cas de refus de communion, ou pour forcer, dans l'anonymat, cette communion et créer ainsi une sorte de fait accompli pastoral...

Mais ces incidents, malgré leur nombre et leur gravité, du fait qu'ils érodent peu à peu dans la conscience du peuple chrétien l'exigence de Vérité introduisent une dangereuse dichotomie entre vérité, charité et appartenance ecclésiale, restent isolés et n'ont pas I ’importance et la publicité de l'évènement du 15 août.

Le scandale de la désunion justifie-t-il des actes qui scandalisent beaucoup de ces « petits qui croient « ? Est-ce possible de réaliser un surcroit de rapprochement entre les Eglises, ou entre les chrétiens libanais sur le plan socio-politique, en faisant fi de cette exigence de vérité exprimée dans le consensus des Eglises ortho­doxes face au problème douloureux, mais réel, que pose l’intercommunion ? Les Saints Mystères peuvent-ils, eux aussi, «tomber» dans le domaine d'application du principe « d’économie »? N'est-il pas temps, pour tous les évêques antiochiens de se pencher sérieusement sur le problème pour lui apporter des débuts de solu­tion ?

Des questions parmi d'autres que se posent beau­ coup de fidèles, anxieux certes d'encourager toutes les initiatives visant au rapprochement, dans l'ouverture aux autres, des chrétiens libanais et qui savent que toute tentative de ce genre ne peut aboutir que si, s'éloignant des syncrétismes et d'un œcuménisme sentimental malheureusement trop à la mode, elle s’avance profon­dément dans le respect de la vérité, cette sœur jumelle de la charité et dont seule la rencontre devrait ouvrir la voie à la communion au même calice.

11. Le 17 août

 A Tripoli, capitale du Liban Nord et deuxième ville du pays, actuellement pratiquement contrôlée par les milices d’organisations intégristes musulmanes, est assassinée chez elle en plein jour Andrée Nahas, sœur ainée de Georges, Président du Syndes­mos, elle-même membre du M.J.O., directrice d'un grand lycée de la ville, et personne d'une vaste culture et d'une grande richesse intellectuelle et humaine, dont la thèse de doctorat sur Malraux sera bientôt éditée chez un grand éditeur français.

Dans la chapelle ardente où une poignée de moniales avec quelques jeunes ne cessent de prier, beaucoup d'autres visages réunis autour de la dépouille me rap­pellent ceux de mes amis de Beyrouth Ouest. La même inquiétude !... Une vieille dame exprime peut-être un sentiment qui effleure même les plus optimistes des chrétiens de Tripoli, quand au milieu de ses lamenta­tions, elle lance un retentissant : « Mon Dieu, mon Dieu. pourquoi nous as-tu abandonnés ?.

La réponse est venue un peu plus tard quand, à l'église, l’office des funérailles a commencé par le chant d'une partie du canon pascal. Oui ! « C'est aujourd'hui le jour de la Résurrection... Pardonnons à ceux qui nous ha1ssent ».

Le chant sobre de la chorale de l'institut de théologie st Jean Damascène de Balamand. Impose, dans cette église bondée et silencieuse une dense réalité, la seule vraie... La mission des chrétiens d'Orient ne sera-t-elle pas toujours d'être les témoins de la Résurrection, et cela envers et contre tout et tous... surtout ceux parmi ces chrétiens-mêmes qui pensent trouver leur sécurité et peut-être leur raison d'être dans je ne sais quelles nouvelles croisades... « Christ est ressuscité des morts ; par sa mort, il a vaincu la mort ; à ceux qui sont dans les tombeaux. il a donné la vie ». Chant pacificateur par excellence. Je n'aurais jamais pensé qu'il me serait donné de vivre dans ces circonstances cet office pas­cal... Que Dieu en soit loué !

12. Dimanche 19 août

Je note sous la plume de Mgr Georges (Khodr) ces quelques extraits d'un article sur les déplacés libanais, paru dans un des quotidiens locaux les plus importants : « Celui qui a peur peut émigrer, mais l'homme émigre toujours vers de nouveaux problèmes... II nous a été donné le devoir de témoigner là où Dieu nous a voulus. II s'agit de porter la croix avec ceux avec lesquels nous avons été appelés à vivre. Nous pou­vons, par la patience, faire de la patrie une grande réa­lité. Le Liban est petit par toutes ses dimensions humai­nes. II a été appelé « Grand Liban » sans raison. Ceux de ses fils qui ont accès à la « civilisation » lui ont appris le mal. Sa grandeur ne peut venir que de l'amour, et l'amour est toujours gratuit, et il crée en l'autre ce qui lui permet d'avoir à nouveau confiance. Et s'il lui arrive, par la suite de tomber, tu tais ses péchés et lui donne une autre chance dans l'espérance. Nous ne pouvons leurrer l'amour et la charité. L'humain prime le politique et le dépasse en permanence, mais il est plus difficile à réaliser. Ce pays n'est pas encore car il ne s’est pas reçu des mains de Dieu en adoptant la politique de la charité, car en elle seule habite la vérité... ».

Ce même jour, à Baskinta, ce même Mgr Georges pro­cède à !'ordination d'un diacre. De l'homélie, ces quel­ques mots : « Le serviteur est sous l'emprise de la Parole de Dieu ainsi que de la volonté divine et de l'amour divin. II n'écoute pas les passions de l'âme...
mais obéit à toute parole qui sort de la bouche de Dieu. C'est pourquoi, quand tu agis, c'est Dieu qui agit en toi, et quand tu parles, c'est lui qui s'exprime par toi... Donne-toi à l'étude de la Parole et à la prière pour que tu deviennes chaste, la chasteté étant dans le fait de se débarrasser de toute passion qui nous gouverne pour permettre à Dieu d'être Maitre en nous. C’est laisser les rênes à Dieu de sorte que nous puissions dire ce qu'il veut transmettre par nous et exprimer les grâces dont il a comblé nos cœurs. Que tu te saches ayant besoin de Dieu, c'est là la vraie chasteté... Et si tu te conduis ainsi, ta prière se transformera en force intérieure capable de transfigurer l'univers !... ».

13. Dans l'avion me ramenant vers Paris, je relis ces notes écrites au fil des jours... Ce court séjour m'a fait encore plus toucher du doigt la précarité de la situation libanaise et l'angoisse qui habite les cœurs... Mais aussi et peut-être surtout ressentir avec plus d'acuité, d'une part la blessure qui se fait jour au sein de l'Eglise d'Antioche, mais aussi les grâces que l'Esprit ne cesse d'y distribuer en faisant de nos pauvres cœurs de pierre des « buissons ardents », et en nous appelant sans cesse à l'engagement dans l'humilité et à l'espérance... « Ayez confiance, j'ai vaincu le monde ».


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