Autorité et Obéissance dans l’Eglise
Raymond Rizk - Juillet 2010
Dans le
prolongement de ce qui se passe à Alep et qui est une blessure dans le cœur de
tous ceux qui aiment le Seigneur.
Quelques réflexions sur Autorité et Obéissance dans l'Église et sur le nécessaire assainissement des relations entre les membres du peuple de Dieu au sein du Patriarcat d'Antioche
Nous sommes tous
des frères
Les Apôtres, sans
diminuer en quoi que ce soit leur autorité apostolique, se considéraient les
frères de tous les croyants en Jésus le Christ, les faisant participer à la
mission évangélique et les tenant informés de leurs délibérations, ainsi que
l'atteste le préambule de la lettre adressée 'aux frères', suite au concile de
Jérusalem: 'Vos frères, les apôtres et les anciens, … à tous les frères'
(Ac 15, 23).
La succession
apostolique
Les évêques et
leurs communautés eucharistiques ont succédé aux Apôtres et aux communautés
apostoliques. Comme le dit le Métropolite Jean de Pergame, 'l'évêque ordonné
donne l'apostolicité et à la fois la reçoit de la communauté dans laquelle il
est inséré'. On se réfère le plus souvent à Ignace d'Antioche et à d'autres
témoins des origines pour confirmer la place éminente de l'évêque dans l'Église,
et le fait que 'l'Église est dans l'évêque'. Mais cette affirmation a toujours été
complétée par une autre disant que 'l'évêque est dans l'Église', selon
l'expression de Cyprien de Carthage (Ep
66, 8). Il est essentiel de maintenir l'équilibre entre ces deux affirmations pour préserver la koenonia de l'Église.
'Si quelqu'un est contre l'évêque, il est en dehors de l'Église' dit aussi
Cyprien, mais il est aussi juste de dire que l'évêque, s'il est certes premier,
est cependant premier parmi des frères, que le Seigneur lui-même appelle à la
liberté des enfants de Dieu. L'évêque ne peut être au-dessus de l'Église, sinon il se place en
dehors d'elle et perd tout charisme.
Charismes de ministère et de service
Le Nouveau Testament parle à plus d'un endroit des charismes des membres de
la communauté chrétienne, et en son sein de l'évêque (1 Co 12, 28ss; 1 Rm 12,
6ss, Ep 4, 11; 1 Pi 4, 11). Ces charismes sont de deux ordres, celui des
ministères et celui des activités de service. Les premiers sont ceux des apôtres,
des prophètes, des docteurs et des
pasteurs. Les seconds sont pour le service, l'enseignement, l'exhortation, le
don de miséricorde, la parole de sagesse ou de science, une foi éminente, les
dons de guérison, d'opérer des miracles, de parler en langues et de discerner
les esprits. Tous ces charismes sont des dons gratuits de l'Esprit et leur
usage doit absolument se subordonner au bien commun du Corps du Christ, dont
nous sommes tous 'membres, chacun pour sa part' (1 Co 12, 27).
Certains de ces charismes sont donnés en particulier à certains des membres
de l'Église, tels le fait d'être apôtre ou pasteur et sont l'objet d'une grâce
spéciale, conférée par le sacrement de l'ordination sacerdotale. Le charisme
des apôtres s'est arrêté avec la mort des Apôtres. Les charismes particuliers
des pasteurs sont d'être 'les intendants' de l'Église, par l'Esprit, de 'vérifier
l'authenticité' des autres charismes, de les discerner et de les 'stimuler',
'd'éprouver les esprits' (1 Jn 4, 1), de 'prescrire et enseigner' (1 Tm 4, 11),
et en particulier de présider l'Eucharistie et les autres mystères et de veiller à l'unité de l'Église. Ces
charismes doivent toujours s'exercer dans l'amour et le respect des frères. Ils
doivent aussi s'exercer par une vie irréprochable. Ecrivant à Timothée, Paul
dit: 'Il faut que l'évêque soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre,
modéré, réglé dans sa conduite, hospitalier, propre à l'enseignement'. Pierre,
pour sa part, met en garde le pasteur contre la tentation de 'faire peser son
autorité' sur les membres du peuple de Dieu (1 Pi 5,3). Peut-être est-ce pour
cela que Jésus a adjuré ses disciples, les conjurant de n'appeler personne
parmi eux maître, seigneur, chef ou même
père , 'car vous êtes tous frères et vous n'avez qu'un seul père et seigneur,
qui est Dieu' (Mt 23, 8-10). Il est peut-être utile de se demander pourquoi
l'Église historique a failli à cette injonction du Seigneur, livrant ceux qui
ne sont que des 'intendants' à la tentation des 'maîtres' et 'seigneurs' de ce
monde. Que faire si l'évêque
ne répond pas aux critères que l'apôtre juge indispensables, sinon les lui
rappeler dans le respect, l'amour et l'humilité et prier pour que le Seigneur
vienne en aide à son Église. Par ailleurs, que faire si certains fidèles ne
vivent pas selon l'Esprit, sinon veiller à les aimer encore plus et les évangéliser
davantage.
Tous les charismes sont
complémentaires et nécessaires à la vie de l'Eglise. L'individualisme est par
définition incompatible avec l'Église qui est, par essence, communion et
relation entre des personnes. Aucun membre de l'Église, quel que soit son rang,
ne peut dire à un autre membre: 'je n'ai pas besoin de toi' (1 Co 12, 21).
Chaque membre est indispensable. Tous sont nécessaires sans être forcément
pareils. L' ecclésiologie de communion (koenonia) exclut toute
conception pyramidale de l'Église, tout en conservant à l'évêque son charisme
de premier.
Une Église où les prophètes se
taisent deviendra une institution, où l'ordre extérieur régnera peut-être, mais
une telle Église aura perdu son âme, car l'Esprit ne peut plus souffler en elle
où et là où il veut. De même, une Église où les théologiens se taisent serait
une Église qui manque de véracité, une institution où la doctrine est transmise,
peut-être sans altération, mais où les véritables problèmes des hommes sont
éludés et où l'on ne remarque plus combien on est prisonnier d'un système de
tendance dogmatique.
L'autorité dans l'Église est à
Jésus et en vue de la mission
Toute l'autorité de l'Église lui
vient de son Seigneur. Ayant reçu son autorité du Père, le Christ l'a partagé,
après sa Résurrection, avec les Apôtres (Jn 20, 22), et ceux-là avec leurs
successeurs et toute l'Église. Conformément au mandat reçu du Christ (Mt 28,
18-20), l'exercice de l'autorité propre des Apôtres et de leurs successeurs,
comprend la proclamation et l'enseignement de l'Évangile, la sanctification par
les sacrements et la direction pastorale des croyants. Dans l'Église,
l'autorité appartient à Jésus lui-même (Ep 1, 22; 5,23). L’autorité conférée par Jésus à ses disciples fut avant
tout l’autorité pour la mission, pour prêcher et guérir (Lc 9, 1-2 ; 10, 1). Le
Christ Ressuscité les a mandatés pour étendre l'Evangile au monde entier (Mt
28, 18-20). Ainsi, dans l'Eglise primitive, la prédication de la Parole de Dieu
dans la puissance de l’Esprit, était considérée comme le caractère spécifique
de l’autorité apostolique (1 Co 1, 17 ; 2, 4-5). Dans l’annonce du Christ
crucifié, le 'Oui' de Dieu à l’humanité devient une réalité présente à laquelle
tous sont invités à répondre par leur 'Amen'. Ainsi, l’exercice de l'autorité
ministérielle dans l'Eglise, et d’abord par ceux investis du ministère de l’épiscopè,
a une dimension radicalement missionnaire. L’autorité est exercée, au sein de
l'Église, pour le bien de ceux qui sont en-dehors, afin que l'Evangile soit
proclamé 'en puissance, dans le Saint-Esprit et avec pleine conviction' (1 Th 1,
5). Cette autorité, qu'elle tient du Seigneur et partage avec lui, rend
l'Eglise entière capable, par l'action de l'Esprit en elle, d’incarner
l'Evangile et de devenir la servante missionnaire et prophétique du Seigneur.
L'autorité dans l'Église est
un service d'amour en vue de l'unité
De plus, l'autorité dans l'Église
a pour but de rassembler tout le genre humain en Jésus (Ep 1, 10; Jn 11, 52) et
de le libérer de l'esclavage et de l'oppression. L'autorité n'est pas le bien
privé de ceux qui en reçoivent le charisme. C'est un don de l'Esprit destiné au
service (diakonia) de toute la communauté et qui ne doit jamais s'exercer
en dehors d'elle. Son exercice suppose la participation nécessaire de toute la
communauté. Elle est un service d'amour et elle ne peut subsister dans l'Église
en dehors de l'amour entre celui qui l'exerce et ceux qui en sont l'objet.
C'est donc une autorité sans domination, sans contrainte physique ni morale.
Elle est radicalement différente de l'autorité des gouvernants des nations et
des grands de ce monde (Lc 22, 22-27), l'identification de toute autorité dans
l'Église étant obligatoirement liée à l'unité, au service et à la communion.
Pour le chrétien, gouverner, c'est servir et rien d'autre. De cette façon, et
seulement de cette façon, l'exercice de l'autorité ecclésiale et son efficacité
spirituelle sont assurés à travers le libre consentement et la coopération
volontaire de tous.
Fondamentalement, l'obéissance
d'un chrétien digne de son nom est une obéissance au Christ qui lui-même s'est
fait obéissant jusqu'à la mort sur la croix. L'obéissance chrétienne ne se
comprend donc que dans une logique de communion avec lui. Pour obéir
convenablement il faut être en communion avec le Christ obéissant, obéissant
dans le détenteur de l'autorité ecclésiale uniquement ce dont le Christ l'a
chargé. Or, Jésus a prié son Père pour que ses
disciples soient un 'afin que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu
l’as aimé comme tu m’as aimé' (Jn 17, 23). Lorsque les chrétiens ne s’accordent
pas, la prédication est compromise. S'ils sont 'un' dans la foi sans l'être
dans la vie, ils ne peuvent démontrer pleinement leur fidélité à la volonté de
Dieu qui est la réconciliation de toutes choses avec le Père en Christ (Col 1,
20). Tant que l'Eglise n’est pas la communauté de réconciliation que Dieu
l’appelle à être, elle ne peut prêcher adéquatement l'Evangile ou proclamer de
façon crédible le plan de Dieu qui est de rassembler son peuple dispersé, dans
l’unité sous le Christ comme Seigneur et Sauveur (Jn 11, 52). Pour ceux qui
sont investis de l’autorité dans l'Eglise, l’enjeu et la responsabilité de leur
ministère sont de promouvoir avant tout l’unité de toute l'Église, dans la foi
et la vie, et de résorber les conflits dans l'œuf, par l'écoute et le dialogue
et beaucoup d'humilité, ayant toujours devant les yeux l'image du Maître lavant
les pieds de ses disciples.
L'autorité doit donc se
vivre et s'exercer dans un climat de dialogue permanent, d'écoute et d'attention
aimante entre les membres du peuple de Dieu. Ecouter est une vertu cruciale de
ceux à qui a été donnée l'autorité. On aide et on se fait obéir davantage,
beaucoup plus par l'écoute et le silence attentif, que par un surcroît de
paroles, et certainement pas par des disciplines administratives arides et des
exclusions.
Tous les
membres sont au service les uns des autres et de l'Eglise
Chaque personne
baptisée est appelée à servir dans la communauté, selon les dons de l'unique
Esprit (1 Co 12, 4-27). Ainsi, à travers la communion (koenonia), par
laquelle tous les membres sont au service les uns des autres, l'Église locale,
le diocèse, apparaît déjà 'synodal' ou 'conciliaire' dans sa structure même.
Cette 'conciliarité' ne se manifeste pas seulement dans les relations de
solidarité, d'assistance mutuelle et de complémentarité entre les clercs (lesquels sont souvent
soumis à la tentation de former un esprit de corps ou de caste), mais dans la
participation active des laïcs et des moines (qui souvent, eux-aussi, sont
soumis aux mêmes tentations), par de nombreuses formes de service et de mission
au sein de l'Église. Le père S. Boulgakov, écrit dans son livre sur
'l'Orthodoxie': ' Les laïcs ne sont pas du tout un objet passif de
l'administration ecclésiale, avec la seule obligation d'obéir à la hiérarchie,
un vide du point de vue charismatique que la hiérarchie remplirait. Le laїcat
peut être considéré comme une dignité ecclésiastique sacrée qui revêt son
détenteur du titre de chrétien'. Parmi les formes de service que les laïcs ont
rempli, à diverses périodes de l'histoire de l'Église orthodoxe, ceux de la prophétie et de l'enseignement tiennent
une place importante, les plus grands théologiens de l'Église orthodoxe ayant
souvent été des laïcs, et les 'spirituels' ayant souvent pris la relève de la
fonction épiscopale, quand elle s'est avérée historiquement défaillante. Et c'est
ainsi que l'unité apostolique de l'Église est demeurée intacte.
Quelle
obéissance dans l'Église?
Dans l'Église, il
est évident que l'obéissance à Dieu, de l'évêque et de tous les membres de la
communauté, liés par la même foi et le même amour, prime toute autre allégeance
(Ac 4,19). Dans le christianisme
primitif, Il est clair que tous les baptisés forment l'Église, et que c'est
l'ensemble de la communauté chrétienne qui est sainte et qui constitue 'un
peuple de prêtres, de prophètes et de rois' (1 Pi 2, 9-10). Tant l'évêque que
la communauté participent donc, de manière différente certes, mais réelle, aux
trois dimensions du ministère du Christ. Prophétique pour garantir la fidélité
à la foi apostolique et sa juste transmission; sacerdotale pour la célébration
liturgique et des sacrements; royale pour veiller à l'unité de l'Église et à
son gouvernement. Dans ce contexte de responsabilités partagées, tous les
membres du peuple de Dieu se doivent obéissance dans la foi et l'amour partagé
et le respect de leur liberté réciproque. L'obéissance est donc un mystère révélé par le Saint
Esprit et expérimentée comme un sacrement dans la vie de l'Église. L'obéissance
est due à l'évêque quand il proclame ou rappelle le contenu de la foi, mais non
quand il exprime des opinions personnelles, ou entrave à la liberté des enfants
de Dieu.
L' obéissance
ainsi définie est importante dans l'Église et si elle est bien comprise, en est
un fondement. Mais elle doit être une
obéissance éclairée, une obéissance de
fils, une obéissance de la foi. L'obéissance des fidèles à leur évêque ou au
saint Synode ne doit pas être passive, mais véritablement illuminée par la foi
de l'Eglise. Le premier devoir de l'évêque est d'ailleurs de leur communiquer
cette foi et de l'entretenir en eux. L'obéissance des fidèles doit donc
toujours être une obéissance éclairée qui, à travers des hommes, s'adresse au Christ
seul.
La véritable
obéissance n'est donc pas celle des adulateurs, qu'on voit toujours entourer
ceux qui détiennent l'autorité, n'hésitant pas à utiliser le double langage,
leur disant ce qu'ils aiment entendre et ne se privant pas de les critiquer à
outrance, dès qu'ils ont le dos tourné. La vraie obéissance n'est pas celle de
ceux qui tiennent aux compromis faciles pour éviter tout obstacle et tout
heurt. Ceux qui pratiquent ce genre d'obéissance ne sont pas véritablement des
fils, ou ne se réalisent pas comme tels. ils ne se sentent pas investis de la
grâce du Très Haut et n'ont pas conscience que son Saint Esprit les habite. La
vraie obéissance suppose la véracité, animée par la force enthousiaste de
l'amour et le souci de tous, y compris de celui auquel on obéit. C'est dans nos
différences acceptées que se signifie l'universel et non dans une unité factice
qui ne sert qu'à interdire le vrai débat.
Est-il permis
de critiquer?
Lorsqu'il y a des
défaillances individuelles, ou même collectives de la part de ceux qui, dans
l'Église, sont responsables avant tout de la foi, ce n'est pas du tout une
infidélité de la part des fidèles, mais au contraire une marque de fidélité, de
critiquer. S'il est clair qu'un enseignement ou un comportement est en
contradiction avec la tradition et la praxis
de l'Église, ne pas accepter cet enseignement est un devoir, quelque
soit le membre de l'Église qui le propage. De plus, s'il est évident que le
détenteur de l'autorité utilise les moyens de pouvoir du monde et se démarque
de l'amour évangélique envers les autres membres de l'Église, l'obéissance est
compromise. Dans ces cas, il ne faut pas hésiter à résister respectueusement
et, s'il le faut, ou si la situation de l'Église l'exige, à résister fermement,
certes toujours par l'emploi de moyens que n'aurait pas renié le Seigneur.
Tout en veillant
à préserver toujours la charité évangélique, critiquer dans l'Église, quand un
individu ou un groupe sont sincèrement convaincus de devoir le faire au nom de
la recherche de la volonté de Dieu, n'est donc pas une manifestation de manque
d'obéissance. Elle est un geste d'amour responsable envers l'Église, en pleine
fidélité au Seigneur. Critiquer avec amour et sens des responsabilités ne veut
pas dire avoir moins d'amour envers ceux qu'on critique, mais au contraire en avoir
plus. Il en est de même de l'amour d'un
fils pour ses parents, qui ne l'empêche point de voir leur défauts et leurs
manquements, et s'il le faut de leur en attirer attention, mais toujours avec
tact et affection. Le contraire serait un signe d'infantilisme, de manque de
maturité spirituelle et d'objectivité sereine. Celui qui aime, critique, tout en
continuant à aimer la personne critiquée. Mieux encore, c'est par amour et avec
amour qu'il critique. Le silence devant les vrais problèmes peut être lourd de
compromissions. Il n'est pas en tout cas un signe d'obéissance mature. Souvent,
il est plutôt signe d'indifférence ou de manque de sens des responsabilités.
Interroger l'institution ecclésiale, c'est aussi se questionner soi-même. C'est appeler tout le monde à la repentance et
à passer de la réception passive à plus d'intelligence. Adresser une parole
critique à l'Église, dans le respect et l'amour, est la meilleure façon d'être dans
l'Église et de l'aimer, mais aussi de respecter la liberté des enfants de Dieu
et d'être au service des hommes, de tous les hommes.
Limites et
dangers de l'autorité
Donc, l'autorité
de l'évêque ne doit s'exercer que dans et par l'amour évangélique et dans la
communion. L’exercice de l'autorité doit toujours respecter la conscience
d'autrui, car l’œuvre divine du salut affirme la liberté humaine. Une
discipline est donc requise pour l’exercice de l'autorité. Ceux qui sont appelés
à ce ministère doivent eux-mêmes se soumettre à la discipline du Christ. Ils
doivent se conformer à ce que requièrent la collégialité et le bien commun, et
respecter scrupuleusement les consciences de ceux qu’ils sont appelés à servir.
L'autorité de l'évêque, s'il
est placé seul, 'au-dessus' de l'Église, peut être extrêmement dangereuse pour lui
et pour elle. L'autorité tend alors à devenir bureaucratique, et l'évêque tenté de devenir un simple administrateur, prenant exemple des dirigeants du monde, et donc soumis à une
logique de rapports de forces et de compromissions. L'évêque doit réaliser les
limites à son pouvoir, qui sont celles de la liberté des autres. Tout homme qui
n'est pas contrôlé, sauf s'il vit dans la sainteté, voit son pouvoir s'enfler démesurément jusqu'à risquer de détruire l'organisme ecclésial et de faire perdre au ministère
de l'évêque sa signification et son efficacité. S'il agit de manière
autoritaire, s'il ne consulte pas le clergé et les laïcs, avant de prendre des
décisions importantes, s'il agit en son propre nom, sans tenir compte des
besoins et des aspirations de sa communauté, le ministère de l'évêque ne
correspond plus au charisme qui lui a été donné. Or, il nous faut témoigner à tous prix devant
le monde que l'autorité correctement exercée est un don de Dieu qui apporte
réconciliation et paix à l’humanité. L'autorité peut être exercée de manière
tyrannique et destructive. Il arrive souvent, on le sait, qu’il en soit ainsi
dans les sociétés humaines et parfois jusque dans les Eglises, lorsque
celles-ci adoptent sans discernement certains modèles d’autorité. L’exercice de
l'autorité dans le ministère de Jésus indique une autre façon de faire. C’est
en conformité avec l’Esprit et l’exemple du Christ que l'évêque est appelé à
exercer l'autorité (Lc 22, 27 ; Jn 13, 14-15 ; Ph 2, 1-11). D'ailleurs l'Eglise
est dotée par l’Esprit Saint de divers charismes (1 Co 12, 4-11 ; Ep 4, 11-12) pour
aider l'évêque à bien exercer son ministère. N'étouffons donc pas l'Esprit.
Cléricalisation
à outrance: sommes-nous toujours dans la Tradition orthodoxe?
Il est de plus en plus de mode, dans certains
milieux ecclésiastiques, de prôner une obéissance aveugle à l'évêque, toute
velléité de discussion étant considérée comme de l'insubordination. Une telle
attitude, non seulement infantilise les prêtres, moines et laïcs, mais elle préconise et sous-tend une
vision de l'Église étrangère à la vraie Tradition de l'Église orthodoxe. En
effet, la division entre enseignants et enseignés, entre sacré et profane, entre
soi-disant initiés et ceux qui ne le seraient pas, entre ordonnés et non
ordonnés, entre clercs et laïcs, est le produit de la plus pure scolastique
latine médiévale. L'Église d'Occident, depuis Vatican 2, est en train de
moduler sa vision des choses, dans le sens de plus de communion et de
conciliarité. Elle parle, de plus en plus, du droit des laïcs à participer à
l'œuvre du salut et leur donne entière latitude pour participer à la mission
chrétienne. Est-ce vraiment le moment pour nous de livrer un combat d'arrière
garde et de propager une vision tellement étrangère à notre propre tradition? Tout
cléricalisme dans l'Église est incompatible avec une Église et une pastorale
qui se veulent fidèles à l'appel à la libération et à l'égalité entre tous les
frères, telles que prônées par Jésus. Tous les membres du peuple de Dieu, étant
à la fois prophètes, rois et prêtres, participent donc de plein droit,
selon les charismes qui leur ont été donnés, au témoignage et à la mission de
l'Église. Hors la célébration des mystères, que les laïcs doivent scellent de leur adhésion par l'Amen, et sans minimiser
d'aucune façon l'autorité de l'évêque, rien ne devrait être interdit aux autres
membres du peuple de Dieu, s'il se fait pour le bien de tous et la gloire de
Dieu, au nom même de ce droit donné par Dieu lui-même, lors de leur baptême et
de leur chrismation. Tous les fidèles, et non seulement les évêques, sont
responsables de la foi professée à leur baptême. L'enseignement constant de
l'Église est que le peuple de Dieu, au sein duquel se trouvent les évêques, ne
peut être dans l'erreur en matière de foi (Jn 16,13), à cause de 'l'onction
reçue du Saint' (1 Jn 2, 20 et 27).
Toute l'Église
est enseignante
En effet, c'est
l'Église totale qui enseigne l'Église. La capacité de 'vérifier et de
témoigner' (1 Th 5, 19-21) est donné à tous. L'évêque doit veiller à la saine
transmission de la Parole évangélique, et non point limiter cette transmission à
lui-même ou aux prêtres. Malgré la pratique 'cléricale' de l'orthodoxie
contemporaine, les patriarches
orthodoxes, en réponse à l'encyclique du Pape de Rome les invitant à participer
au premier concile du Vatican, ont retrouvé une voix prophétique pour affirmer
que tout le peuple de Dieu, et non seulement une partie de celui-ci, est le
dépositaire et le défenseur de la vérité et de la foi apostolique. Cette grande
tradition dans laquelle s'exprime la foi dans la plénitude de l'Église ne peut
être remplacée par une obligation d'obéissance toute mécanique à une discipline
ecclésiale. Il est du devoir des fidèles, gardiens du dépôt sacré, de s'opposer
à toute déviation par tous les moyens que leur donne leur attachement à Jésus
et à son Église. Comme nous l'avons déjà dit, cette obligation prime toutes
autres considérations disciplinaires. Ces considérations, parfois importantes
et nécessaires restent cependant le fait
des hommes, tandis que la défense de la
plénitude de l'Église est de Dieu. Le devoir de défendre la vérité repose donc
sur chaque membre de l'Église, évêque ou laїc, bien que l'évêque se doit de
veiller, en particulier, à ce que tout se passe dans le respect de cette
vérité, dans l'unité de tous et dans l'amour. Ainsi, l'unité de l'Église n'est
pas uniformité mais intégration organique de légitimes diversités.
Catholicité de l'Église, Synode
La catholicité de
l'Église doit s'exprimer normalement par un concile de l'Église représentant la
plénitude des membres du peuple de Dieu. Il en était ainsi, au commencement, et
le Concile de Jérusalem et bien d'autres avant le troisième siècle, sont là
pour le prouver. La pratique actuelle a changé, bien que certaines Églises
orthodoxes, telles l'Église de Russie et de Roumanie et peut-être d'autres, soient
revenues à la pratique ancienne, au moins lors des conciles généraux de
l'Église, où prêtres, moines et laïcs prennent part aux débats. Le saint Synode
d'Antioche est formé uniquement d' évêques. Et cela est en plein accord avec le
Droit Canon. Selon notre théologie, l’évêque est non seulement le porte
parole de l’Eglise, mais il la porte en lui, donc il peut bien la représenter seul
au Synode. En effet, comme le dit Mgr Jean de Pergame (Zizioulas), 'chaque
évêque participe au collège épiscopal via sa communauté et non pas directement.
La succession apostolique est une succession de communautés apostoliques via
leur chefs, les évêques'.
Néanmoins, cette affirmation théologique exige cependant que
l’évêque porte réellement en lui les membres de son Eglise, prêtres, moines et
laïcs, et qu’il veille à les mêler activement à toute la vie de l’Église, prenant
en compte leurs opinions dans la mesure où ils sont en conformité avec les
exigences de l’esprit évangélique, et les portant au Synode. Malheureusement,
ce n'est pas toujours le cas. Or, on ne porte personne en soi si on l’ignore.
La théologie n’est pas une vue théorique de l’esprit, elle est le reflet d’une
expérience de vie dans le Saint-Esprit. La participation des membres du peuple
de Dieu à la vie et au gouvernement de l’Eglise n’est pas une faveur qui leur
serait faite par les responsables dans l’Eglise. C’est le Seigneur lui-même qui
les appelle à assumer ces responsabilités. Quand les prêtres, les moines et les
laïcs ne prennent pas part au synode ou au concile d'une Église, leurs évêques
doivent y exprimer leurs points de vue et leurs problèmes et ceux du monde où
ils représentent l'avant-garde de l'Église. De retour du Synode, ils doivent
les tenir informés, en tant que membres adultes et responsables de l'Église, de
ce qui s'y est passé. L'évêque porte au Synode la voix de sa communauté, sinon
il se conduit en monarque absolu qui ne donne que son opinion personnelle et
qui n'a de compte à rendre à personne. De toutes façons, la théologie orthodoxe
est tout à fait claire sur le fait que les décisions d'un synode d'évêques -
même un concile œcuménique - ne sont jamais considérées ayant force de loi
absolue et obligatoire et ne peuvent entrer dans la vie de l'Église, si elles
ne sont pas 'reçues' par le plérôme de l'Église.
Les Synodes, outils pour manifester la plénitude de l'Église
et sa catholicité, sont, malheureusement souvent transformés en structure de
pouvoir administratif, parfois régi par la mentalité, les combines, les
compromissions et les
rapports de force de ce monde. Ayons le courage et la lucidité spirituelle de
reconnaître, au-delà de l'optimisme béat entretenu d'habitude dans les cercles
ecclésiastiques, que notre Eglise, aujourd'hui, est bien loin, dans certaines
de ces pratiques, de sa vision théologique. Ce n'est pas être fidèle à
l'Orthodoxie que de continuer à faire la politique de l'autruche et vouloir
prétendre à tout prix que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. N'ayons
pas honte de regarder la vérité en face, car c'est elle seule qui nous
libérera. 'Un fossé tragique existe entre notre vision théologique
et nos pratiques pastorales', selon l’expression de S.B. le patriarche Ignace
IV d’Antioche, dans une interview donnée à Paris, en 1984, car disait-il, nous
tenons “l’Esprit captif dans l’Eglise du Saint Esprit”. L'Église n'a pas besoin d'administrateurs
(d'ailleurs non professionnels) ni de législateurs,
mais de prophètes et de pasteurs qui soient prêts à donner leur vie pour le
troupeau. La catholicité de l'Église est expression de la vérité et de l'amour
de personnes libres, prenant conscience de leur unité au sein de l'Église, et
toujours dans l'attente d'une révélation
de l'Esprit Saint.
Organes de
communion
Toutes les affaires de l’Eglise doivent donc être faites
en communion. Et pour qu’il y ait communion, il faut qu’il y ait des organes de
communion. Nous savons que la communion à l’image de la Sainte Trinité se fait
par excellence dans la Sainte Liturgie, où durant le moment sacramentel, les
fidèles réunis autour de leur évêque, non seulement deviennent “d’Eglise” mais
deviennent ensemble “l’Eglise” elle-même. Mais nous savons aussi que la
communion vécue durant la Liturgie, si elle se veut authentique, doit se
continuer en dehors des murs du temple, dans le partage et la mise en commun
fraternelle, partout où cela est possible, mais en particulier dans des organes
de conciliarité, d'ailleurs prévus par les lois antiochiennes, à tous les plans
de la vie de l'Eglise. Ces organes doivent assurer, selon l’esprit et la lettre
de ces lois, une active participation de prêtres, moines et laïcs, représentant
les forces vives d'une paroisse, d'un diocèse ou du patriarcat, toujours en
communion avec le 'premier parmi des égaux', à chacun de ces niveaux. Censés être formés de membres 'christifiés',
ces organes ne doivent pas seulement s'occuper du suivi des affaires dites “matérielles” de la
communauté, mais de tout ce qui touche à la vie de l’Eglise. Selon l’expression de saint Jean Chrysostome, tous
les chrétiens doivent prendre “soin de toute l'Eglise comme d’un corps qui nous est commun”. C’est à
travers ces organes que tous les membres du peuple de Dieu doivent contribuer, à travers leurs
représentants qualifiés, et dans la liberté des enfants de Dieu, à faire
fructifier leurs talents pour le bénéfice de toute l’Eglise. C’est là qu’ils
doivent apprendre à réfléchir ensemble, à planifier ensemble, à délimiter
ensemble les contours et les modalités de la mission de l’Église, face aux
interpellations du monde et de la modernité, et participer ainsi ensemble, dans
chaque diocèse, en communion et sous la présidence de leur évêque, au
gouvernement de toute l’Eglise. C’est dans ces organes que les membres de l’Église,
qui ne participent pas au Saint-Synode, auront l’occasion de communiquer à leur
évêque leurs opinions sur les problèmes débattus ou à débattre au sein du
Synode, lui demandant, s’il en est convaincu, d’en faire part à ses frères évêques.
C’est par l’intermédiaire de ces organes que ces membres du peuple de Dieu devront
exprimer leurs préférences quant au choix de leur nouvel évêque, en cas de
vacance de leur siège épiscopal, et les communiquer au Saint synode, selon la
pratique ancestrale de l'Église.
Dangers de l'inertie
Or, depuis de nombreuses années, ces organes n’existent que
rarement dans beaucoup de diocèses, et quand ils le sont, sont nommés
directement pat l'évêque, contrairement aux dispositions des lois antiochiennes.
En leur absence, l’évêque prend seul la responsabilité des affaires de
l’Eglise, consultant qui et quand il veut, s’il le veut, ce qui bat en brèche
le principe de la communion entre les membres de l’Église. Cette absence risque
d’habituer l’évêque à l’exercice solitaire du pouvoir, avec ses excès possibles,
et d’émousser chez les fidèles la conscience d’être des membres responsables
dans l’Église. Beaucoup sont ainsi
démobilisés et en arrivent à désespérer de cette non conformité systématique
entre le dire canonique et théologique et la réalité ecclésiale.
Nécessité absolue de la mise en commun
L’Eglise ne peut lutter contre le Mauvais et rester
fidèle à sa mission qu’en assurant l’harmonie la plus parfaite possible entre
tous ces membres, selon les critères du modèle évangélique. Il nous faut
réaliser que la prière du Seigneur: “Qu’ils soient un … afin que
le monde croie que tu m’as envoyé” (Jean, 17:21) concerne tous les membres de
notre sainte Eglise d’Antioche, dont l’unité aujourd’hui, vécue dans l’amour,
l’acceptation de l’autre et l’esprit de conciliarité, est une condition sine
qua non de l’impact de son témoignage et donc du retour du monde à la foi. La
conciliarité et la mise en commun devraient être 'un état d’esprit permanent'
dans l’Eglise, car elle est 'le reflet de la vie trinitaire en elle … et
l’expérience de la sainteté dans l’Eglise des pécheurs', comme l'a écrit
l'actuel patriarche de Roumanie, (P. D. Ciobotea, Métropolite de Moldavie, “La participation des baptisés au
processus préconciliaire”, SOP , 1988). Mais de telles affirmations seraient
entachées d’hypocrisie si cette conciliarité n’est pas vécue aussi, au delà –
et comme conséquence - de la participation à la Liturgie, comme une pratique
régulière de la responsabilité commune des membres du peuple de Dieu. Cette
pratique doit se faire à tous les niveaux de la vie et du gouvernement de l’Église.
Elle doit transparaître dans la nature et le style des relations entre les
membres de ce peuple et dans le fait que toutes leurs affaires soient réglées
en communion. Les membres de l’Église, voulant rester fidèles à l’appel du
Seigneur, sont condamnés à s’accepter et à vivre comme des frères, dans le
respect total de leurs charismes respectifs, et en particulier de celui qui est
'le premier' parmi eux, leur évêque.
Encourager les
charismes et les embrigader au service de l'Eglise
L’évêque a le devoir de promouvoir cet état d’esprit et
de veiller au respect des lois de l’Eglise. Un de ses charismes propres
consiste à déceler et encourager les charismes que l’Esprit ne cesse de susciter
parmi les fidèles. Il se doit d’aider et de concrétiser les diverses formes de
ministères. Pour son travail d’évangélisation, l’Eglise a besoin de l’apport de
tous ses fils, sans exception aucune, hommes, femmes, jeunes et vieux; instruits
ou non; indifféremment clercs ou laïcs, sans oublier les moines et les moniales
qui, par la prière et l’ascèse, participent activement au témoignage de
l’Eglise. Tous ceux-là doivent pouvoir se retrouver de façon régulière autour
de leur évêque, pour s’affermir réciproquement, redire en commun leur
espérance, définir les contours de leur témoignage et de leur service au monde
et contribuer ainsi, chacun selon ses moyens, à l’édification du Corps du
Christ dont ils sont tous, malgré leur indignité, des membres de plein droit.
L'Eucharistie
Face à ces questionnements, il est souvent dit, que tout se résout et se
transcende dans notre participation commune à l'Eucharistie. C'est certes vrai,
car l'Eucharistie manifeste la koinonia trinitaire, actualisée dans l'unité
organique des membres du peuple de Dieu, mettant en commun leurs charismes, services ou ministères respectifs,
nécessaires dans leur variété et leur diversité même, à l'édification de tous
dans l'unique Corps ecclésial du Christ (1 Co 12, 4-31). Tous ces membres sont
appelés à s'engager et sont tenus pour responsables - chacun de façon
différente mais non moins réelle - dans l'accomplissement commun d'actions qui,
par l'Esprit Saint, rendent présent dans l'Église le ministère du Christ. L'expérience eucharistique est censée faire
des milieux d’Eglise des lieux d’amour actif, joyeux, centrés sur le partage et
la mise en commun, ce qui ne se réalise
que partiellement, à cause de nos péchés. Il faut que les gens du dehors
puissent dire : ' voyez comme ils s’aiment, comme ils s’obéissent les
uns aux autres, comme ils se respectent et se consultent, dans l’harmonie de
leurs charismes complémentaires, comme ils ont tout en commun', à l’image de
Celui – le Dieu Trinité – dont ils sont appelés à être l’icône. Hélas, il nous faut l'avouer, en toute
humilité et dans les pleurs, que l’Eglise, trop souvent accaparée par des
problèmes d’organisation institutionnelle, de conflits personnels ou de défense apologétique, n’actualise pas
toujours, dans sa plénitude, l’amour du Christ pour l’homme et donc de l’homme
pour l’homme. Il ne faut pas accepter cette situation comme une malédiction,
une fatalité. Le Christ est mort pour nous. Nous ne pouvons pas nous permettre
d’abandonner son Corps à la faiblesse des hommes.
Nécessaire
renouveau de nos assemblées eucharistiques et institutions ecclésiales
Face à un monde
où l'individualisme est roi, où jeunes et vieux sont crucifiés sur la croix de
la solitude, il nous faut cependant apprendre à faire de nos assemblées
eucharistiques et de nos institutions ecclésiales de véritables endroits
d'accueil, de partage, de service et de communion. Des lieux, où l’unité de l’humanité
s’expérimente, au-delà des différences d'opinions et où 's’ébauche la
métamorphose du pouvoir en service, de l'avoir en offrande et partage et de
l'histoire en construction du Royaume' (C . Bendaly, Le témoignage de la
communauté eucharistique, 1989).
L'assainissement
des relations entre membres du peuple de Dieu
Travailler à
assainir les relations au sein de l’Eglise n’est donc pas un luxe. C’est une
nécessité. Sans tomber dans un optimisme béat, car nous savons que l’Eglise ne
sera 'pure et sans tâche' que lors de la
Parousie, il ne faut jamais nous résoudre à cesser d’œuvrer à l'assainissement des
relations entre tous les membres du peuple de Dieu, pour qu’ils soient
véritablement 'un'. Il s’agit là d’une condition sine qua non 'pour que le
monde croie'. Car, comment ce monde pourrait-il reconnaître Jésus comme apôtre
de l’amour et de la paix, si ses propres disciples ne témoignent pas, dans
leurs relations entre eux et avec les autres, de cette qualité de vie qu’Il a
institué par son enseignement, sa vie, sa mort et sa Résurrection. Le travail de renouveau dans l'Église est un
travail sans fin, dans la mesure où l'homme continuera de se soumettre aux
tentations du Malin. La meilleure manière de procéder à l'amélioration de ces relations
et de hâter le travail de renouveau dans l'Église est, pour chacun de ses
membres, de lutter sur lui-même, de brider ses passions et de suivre une règle de vie, abondamment
prônée par nos Pères, dont les
recommandations suivantes contenues dans les Discours du grand Isaac le Syrien,
avec lesquelles je voudrai conclure:
'Ne reproche à
personne d'avoir commis une erreur, mais considère que tu es toi-même
responsable de tout et l'auteur de la faute.
Evite d'être
autoritaire comme on fuit un lion agité et n'entre pas dans des discussions ni
avec les fils de l'Église, ni avec les étrangers.
Ne cherche pas à
savoir qui est digne et qui est indigne, mais que tous les hommes à tes yeux
soient égaux dans le bien.
Quand un homme
connaît-il que son cœur est parvenu à la pureté? Quand il considère que tous les
hommes sont bons et quand aucun ne lui parait impur et souillé, alors il est
vraiment pur en son cœur.'
Faisons donc nôtres cette prière du même Isaac: 'Si nous ne
nous humilions pas, Seigneur, ne cesse pas de nous humilier'.