Le patriarche d’Antioche, Jean X
Raymond Rizk -18 décembre 2012
Béni est celui qui vient au nom
du Seigneur!
Tous ceux qui ont vécu les
évènements antiochiens, entre le décès du patriarche Ignace IV et l’élection du
nouveau patriarche, Jean X, sont
convaincus que le véritable grand électeur fut le Saint-Esprit. Durant les
jours qui ont précédé l’élection, de nombreux fidèles, aux quatre coins de
l’espace antiochien, ont élevé des prières continues, pour que Dieu leur donne
un patriarche selon Son cœur. Ces fidèles,
la majorité silencieuse de l’Eglise, un ‘petit reste’, étaient remplis d’une
grande frayeur et d’une réelle appréhension, face à l’éventualité, qui
s’avérait probable dans la perspective du monde, de l’arrivée d’un candidat proche
de l’argent, des ambassades et de l’influence politique. La veille de la
réunion du Saint-Synode, un de nos métropolites a passé la nuit entière en
prières. Nombreux le critiquèrent, prétextant que ce n’était pas le moment,
qu’il fallait plutôt continuer d’envisager les divers scénarios et les moyens
de leur faire face. Selon toutes nos pauvres analyses et les divers scénarios, l’affaire
allait se jouer à une ou deux voix près. Plusieurs noms circulaient dans les
médias, mais personne n’envisagea celui de Mgr. Youhanna (Yazigi), métropolite
d’Europe. Deux camps s’opposaient, l’un donnant la prééminence à la Ta’ifa (la
communauté sociologique) et l’autre mettant son espérance dans l’Eglise, qui
englobe la Ta’ifa et la dépasse de beaucoup.
Dieu fait fit de nos analyses, de
nos scénarios et de nos calculs, tous pauvrement humains. Il nous a
rappelé qu’Il est le Seigneur de Son Eglise, que les ténèbres ne pourront
jamais y prévaloir. Que Tes œuvres sont admirables, Seigneur! Au milieu de nos préoccupations, il nous arrive de
T’oublier. Mais Toi, Tu ne nous oublies jamais.
La biographie du nouveau
patriarche peut être consultée sur le site de l’Archevêché orthodoxe d’Europe
occidentale et centrale. Elle est assez exhaustive et détaillée. Je voudrais
seulement ajouter ce qui n’y est pas dit clairement. Dans sa jeunesse, le
patriarche a grandi et milité au sein du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe
(MJO), à Lattakieh, se ville natale. Je l’y ai connu quand il faisait ses
études universitaires, au début des années 1970. J’étais alors en charge du
Secrétariat Général du MJO, ce qui m’amenait à faire de nombreuses visites aux
divers ‘Centres’, dont celui de Lattakieh. Durant l’une de ces visites, je fus
amené à donner un avis sur le ‘problème’ qui occupait alors les dirigeants du MJO
là-bas. Un groupe de jeunes universitaires avait demandé l’autorisation
d’organiser des veillées régulières de prière et voulait bénéficier d’un
programme d’études et de réflexion plus intensif que celui généralement suivi
par l’ensemble des membres du MJO, bien que contraignant. Les dirigeants
d’alors ne voyaient pas d’un bon œil cette initiative, craignant que cela n’encourage
un esprit d’élitisme au sein du MJO local et ne pousse ces jeunes à la
tentation de vanité et d’orgueil. Confronté à ce ‘problème’, je me devais de
mieux connaître ces jeunes. Ils n’étaient pas nombreux, pas plus de quatre ou
cinq. Me réunissant avec eux, je découvris des jeunes humbles, intelligents,
même brillants (la plupart étaient premiers de leur promotion respective à l’Université)
et d’un sérieux étonnant à leur âge. Ils étaient remplis de cette flamme qu’on ne
trouve que chez des jeunes qui ne se prennent pas au sérieux et qui ne peut
venir que de l’Esprit. Je réussis à convaincre les responsables de les laisser
faire. Ils acceptèrent à condition que je me réunisse avec ces jeunes régulièrement.
Cela fut fait. Nous nous sommes réunis bien des fois. J’ai appris beaucoup
d’eux. Leur rencontre me faisait reprendre des forces, me nourrissait de la
lumière qui les habitait. Trois ressortaient du groupe. Si je ne me trompe,
deux d’entre eux décrochèrent leur diplôme d’ingénieur et la troisième une
licence en mathématiques. Puis les trois s’orientèrent vers des études
théologiques. Les trois occupent maintenant des postes importants dans
l’Eglise. Un d’entre eux, on l’a compris, vient d’être élu patriarche d’Antioche.
Le second, Mgr. Saba (Esber), métropolite du diocèse de Houran, en Syrie, est l’un de nos
évêques les plus engagés dans une pastorale ouverte, réformatrice, encourageant
la participation de tous les fidèles au travail ecclésial, loin de la tentation
du cléricalisme, qui est loin d’être absente de nos milieux antiochiens. La
troisième est la mère Macrina, fondatrice et supérieure d’un couvent de
moniales, près de Lattakieh. L’amitié qui lie ces trois personnes, amitié dès
leur jeune âge orientée vers le Seigneur, n’est pas sans me rappeler celle qui
liait les Pères cappadociens à ‘leur’ Macrine.
Que le Seigneur nous donne, par
leur action, leurs prières et le grand enthousiasme et la mobilisation des
fidèles, qui a accompagné l’élection patriarcale, d’œuvrer tous pour que le
Patriarcat reprenne de pied ferme les voies du renouveau qui est la marque de
la vie de l’Esprit dans l’Eglise du Fils.