Georges Haddad -In Memoriam
Raymond Rizk- Décembre 2010
J'ai plusieurs
fois commencé à écrire ce témoignage, mais je m'arrêtais, tant l'idée même du
décès de Georges Haddad m'était pénible. Je n'aurais jamais imaginé qu'il parte
avant moi, lui bien plus jeune, tant il était plein de joie et d'allant. Il
m'est encore difficile de me convaincre qu'il soit parti si vite.
Quand il avait
appris, il y a peu de mois, qu'il était atteint d'un mal pratiquement
incurable, il s'est tout de suite soumis à la volonté de Dieu. Sa seule prière
était que Dieu lui donne de garder le courage et la foi. Il demandait aussi que
lui soient épargnées de grandes souffrances, non pas tant pour lui-même, mais
pour la souffrance que cela causerait à
ses proches. La dernière fois que je
l'ai vu, deux jours avant sa dormition, il était conscient de la gravité de son
état, mais s'en remettait en toute sérénité à la grâce de Dieu.
Georges faisait
partie de ces personnes que je pouvais retrouver, après une longue absence, et
reprendre notre conversation comme si l'on
venait à peine de se quitter. Je ne parlerai pas de sa totale disponibilité, de
son écoute aimante, de son attachement à l'Alba dans laquelle il était entré,
jeune encore, comme on entre en sacerdoce, de son attention compatissante à
chacun de ses étudiants dont il assumait personnellement les problèmes. Tout
cela est très connu et sera certainement souligné par d'autres. Georges laissera un grand vide
qui sera difficilement comblé pour tous ceux avec qui il avait frayé, sa vie
durant.
Lors de ses funérailles,
en écoutant la récitation des Béatitudes, j'ai tout d'un coup réalisé qu'il les
avait appliquées toutes. Il était véritablement 'pauvre en esprit', humble, ne
se prenant jamais au sérieux. Il fut 'doux', refusant de se laisser aller à la
colère, refusant la violence et la vengeance, même quand des coups de butoir
lui furent assénés, avec rudesse, par ceux dont il se considérait très proche. Il
fut durement touché, blessé en profondeur, mais il pardonna, car la haine n'a
jamais eu de prise sur lui. Ce fut un 'pacificateur', un 'cœur pur'. Il joua
souvent le rôle de conciliateur entre ses amis, ses parents, ses étudiants . Il
avait 'faim et soif de justice'. Sa défense de l'Alba fut longue et
proverbiale. Il était sûr de son bon droit et le défendait honnêtement,
refusant de se prêter à des coups bas. Il fut 'persécuté' à cause de sa lutte
acharnée 'pour la justice' de cette
cause. Il était compatissant et 'miséricordieux', toujours prêt à aider, se
faisant le défenseur et le père de ses étudiants. Pour tout cela, il faisait partie du Royaume
de Dieu et trouvait sa consolation en Dieu.
Comme nous l'ont
rappelé les hymnes de la Résurrection, chantées lors des funérailles, Georges
n'est pas mort. Il est entré dans un surcroît de vie. Il vit maintenant la Résurrection.
Il habite toujours le même Royaume, mais il lui est donné maintenant
d'approcher encore plus la glorieuse face de Dieu. Il est donc devenu un
intercesseur pour tous ceux qu'il a aimés. C'est lui qui prie pour nous. Ses
prières se joignent aux nôtres dans le grand mystère de la communion des
saints.
Toujours lors des
funérailles, des fleurs en papier, tressées par l'affection de ses étudiants,
furent distribuées par eux à chacun des participants qui remplissaient tous les
recoins de la vaste église, comme lors des offices de la Semaine Sainte et de
Pâques, comme si l'assistance pressentait que cette cérémonie était un
avant-goût de la grande fête de la Résurrection. La vue de cette nombreuse
assistance, des fleurs de toutes les couleurs en mains, a dû certainement
plaire à Georges. Elle était un résumé de son œuvre: faire de la beauté à
partir des éléments les plus communs. Depuis l'Incarnation, la matière est
devenue capable de participer à l'ineffable. En faisant fructifier au centuple
les dons de ses étudiants, en les aidant à s'épanouir, Georges participait à
l'œuvre de Dieu. C'était son témoignage, sa façon de dire sa foi totale en
Celui qui s'est abaissé pour nous ouvrir les voies de l'éternité, qui sont
pavées de beauté et d'amour.
Ce n'est qu'un
au-revoir, Georges. Tu resteras toujours parmi nous, en nous. Chaque fois que
nous serons attristés, nous penserons à ton sourire. Tu étais beaucoup plus
qu'un ami. Tu t'es voulu le frère d'un grand nombre, à l'image de ton Maître,
Jésus. Et tu l'as été.