Aux jeunes du MJO

Raymond Rizk -01.03.1996


 "Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, la Parole de Dieu demeure en vous et vous avez vaincu le Mauvais" (1 Jean, 2:14).

 Je sais que dans le jargon communément en usage dans le MJO, il n'est pas de mise de sadresser séparément aux jeunes, car nous ne cessons d' affirmer que dans le MJO il n'y a ni jeunes ni vieux mais uniquement ceux, toujours jeunes, que le Christ vivifie, que la jeunesse est celle du cœur embrasé de l' amour de Dieu, que notre commune allégeance au Christ nous a toujours épargné des conflits de générations et que le MJO, comme Tintin, s'adresse auxjeunes "de 7 à 77 ans".

Bien qu'arrivé à l'autre versant de l'âge et réalisant de plus en plus la lourdeur, souvent insoutenable, de mes péchés et compromissions, je veux continuer, je continue dans lespérance à souscrire à ces affirmations et à me convaincre que l'appel à l'engagement que l'Esprit nous lance àtravers le MJO s'adresse tout autant et avec la même vigueur à nous tous, indépendamment de notre âge physique.

Mais, à l'occasion de ce nouvel anniversaire de la fondation du MJO, j'ai voulu envoyer ce message plus particulièrement à ceux parmi nous qui sont dans la primeur de l'âge. Je sais qu'ils sont forts et je prie ardemment qu'ils acceptent que la Parole de Dieu fasse sa demeure en eux afin qu'ils puissent vaincre le Mauvais. Je le fais parce que je ne peux m'empêcher de noter que malgré leur nombre toujours grandissant dans les rangs du MJO, ils sont rares aux postes de commande et cela est contraire à la tradition ininterrompue du Mouvement où la relève s'est effectuée généralement sans problèmes majeurs. Les raisons peuvent en être multiples. La guerre et  les traumatismes  qu' elle a  causés  n'y  sont  certes pas étrangers, mais il faut se garder d'en faire une panacée car cela nous empêcherait de mettre le doigt sur d'autres causes, plus profondes et sans doute bien plus importantes, intimement liées à ces temps mauvais que nous vivons, où la montée de la société de consommation, le rythme effréné du changement dans les idées et les mœurs, la sécularisation, le relâchement des liens familiaux, élargissent le fossé entre les générations,rendant le dialogue entre elles de plus en plus difficile et exacerbant à la fois les suspicions et !'incompréhension chez les adultes et la réticence, un manque de confiance et l'angoisse chez les jeunes.

Je sais que personne parmi les adultes ne s'accroche aux postes de responsabilité, et d'ailleurs le MJO peut difficilement se passer de la sagesse et de la pondération dont l'Esprit les a rendus capables. Mais il me semble que non seulement le MJO, mais aussi toute l'Eglise ont aussi urgemment besoin de 1'enthousiasme, de la fougue et des interpellations que seuls des jeunes engagés dans l'aventure de la sainteté peuvent leur apporter.

Cependant, il ne s'agit pas que la voix, les idées et les préoccupations des jeunes soient simplement entendues, il faut à tout prix que les jeunes puissent, en faisant dûment partie des équipes dirigeantes, participer à la définition et à la mise en œuvre des orientationspratiques du témoignage du MJO et de l'Eglise, au seuil de ce troisième millénaire. C'est en cela que lacommunion sera vécue dans nos rangs et pourra "se manifester par des actes", car autrement "notre amour consistera uniquement en discours et en belles paroles" (1 Jean 3:18).

Aux adultes, dans le MJO et dans l'Eglise, je me permettrai de rappeler les conseils de l'Apôtre des nations: ''Pères, n'irritez pas vos enfants afin qu'ils ne se découragent" (Col. 3: 24), ou encore: "Agissez à l'égard de vos frères de façon à leur montrer que vous les aimez" (2 Cor. 2: 8), non en législateurs, non en rabat-joie, mais à la façon de Celui qui a donné sa vie pour ceux qu'il aime.

Quant aux jeunes, je voudrai leur rappeler que les paroles du même Apôtre à Timothée: ''Ne laisse personne mépriser ton jeune âge", que l'on cite souvent à tort et à travers de façon tronquée, sont directement liées et conditionnées à ce que st. Paul lui écrit immédiatement après, à savoir: ''Mais sois un exemple pour les croyants, dans ta façon de parler, ta conduite, ton amour, ta foi et ta pureté" (1 Tim. 4: 12), et plus loin dans la même épitre: ''Recherche la droiture, l'attachement à Dieu, la foi, l'amour, la patience et la douceur... Evite les discours vides et contraires à la foi, les objections de ce qu' on appelle faussement la connaissance" (1 Tim. 6: 11, 20), et au contenu de la deuxième épitre au même Timothée dans laquelle l'Apôtre lui demande de ne pas avoir ''honte de rendretémoignage à Notre Seigneur" (2 Tim. 1: 8), de fuir ''les passions de la jeunesse" (2 Tim. 2: 22), de prêcher ''la parole de Dieu et de l' annoncer avec insistance, que l'occasion soit propice ou non" (2 Tim. 4: 2). C'est làtout un programme que nos jeunes devraient s'acharner à suivre s'ils veulent vraiment ne laisser personne mépriser leur jeune âge. 

Je sais que vous en êtes capables. 1l vous faut tout d' abord être bien convaincus que vous êtes des membres à part entière de l'Eglise, que c' est le Seigneur lui-même  qui vous invite à y assumer toutes vos responsabilités, qu'il vous faut donc revendiquer  la place qui vous est due dans tous les organes de la vie du MJO et de l'Eglise, sans arrogance mais avec fermeté, dans le respect des "premiers parmi les égaux" et  la  conviction, qu'avant  tout, vous êtes des serviteurs, et que le serviteur doit être disposé, à laver comme son Maitre les pieds de ses frères.

La seule aventure qui vaille la peine d'être vécue est celle de la sainteté. Notre époque plus qu'aucune autre a besoin de saints qui sachent donner un goût d'éternité à la grisaille du temps, en nous rappelant que Dieu nous aime d'amour, qu'il nous a racheté à grand prix et qu'il attend, dans le respect de notre liberté que nous lui fassions un coin dans notre cœur. 1l faut vous engager dans cette aventure qui vous mènera, à travers et dans le quotidien de la vie, à la découverte de la Face ensanglantée mais glorieuse du Christ. C'est ici, dans ce monde, dans les luttes des hommes, en union avec les autres qu'il vous faut faire votre salut. La fuite, même dans ce que certains appellent ''le spirituel" ne vous servira à rien. ''Le temps des ghettos, même spirituels est révolu". Le Christ s'est incarné et il a irrigué de son sang la terre des hommes. N'ayez donc pas peur de vous y salir les mains. A l'amour fou de Jésus, il n'y a de réponse digne de votre jeunesse que dans un pareil amour pour Lui et envers ceux en qui I a choisi d'habiter. Il faut donc rechercher l'Aimé dans tous les endroits de Sa présence. N'en négligez aucun, car le Seigneur vient au milieu de la nuit, au moment où l'on s'y attend le moins. Cherchez inlassablement à Le rencontrer tout à la fois dans l’étude de Sa Parole, dans Son Eucharistie, dans le partage avec Ses frères qui sont les vôtres, dans le tête-à-tête de la pri7re, dans le service des hommes. Vous êtes appelés à être des porteurs du Christ. Il faut que Lui croisse en vous et que votre moi diminue. C'est ainsi seulement que votre cœur se dilatera aux dimensions du monde et que vous deviendrez sensibles, encore plus et mieux, aux problèmes de votre Eglise et du monde.

 Il ne faut pas alors vous scandaliser de ce qui peut, malheureusement souvent à juste titre, vous paraitre comme des compromissions de l'Eglise, des lâchetés de ses membres. Vous y serez combattus, bafoués. L'espace de liberté qu'elle est avant tout censée être vous paraitra parfois étouffant. Vous aurez souvent l'impression que l'Esprit y est muselé, qu'on est devenu frileux, qu'un mélange trouble et troublant s'y opère entre les exigences de Dieu et les attraits du monde. Contrairement aux recommandations de l'Apôtre il arrivera souvent à vos pères de vous irriter. Il vous faudra garder courage et continuer désespérément à aimer. On n'abandonne pas sa mère quand elle tombe malade, mais on l'aime davantage et on se consume encore plus à son service.

S'il peut vous être utile de savoir que d'autres avant vous ont été ainsi combattus, sachez que ce Mouvement qui est le vôtre en a vu d'autres et qu'il a été taxé de tousles noms, et des plus contradictoires. "Eglise dans l'Eglise, donc au-dessus de l'Eglise" ont dit les uns. " Parti du pouvoir", "parti au pouvoir" ou plus récemment 'parti simplement partisan" qu'il faut aussi museler ont retorqué les autres. Ne vous souciez pas de ces dires, sauf pour y détecter la moindre parcelle de vérité qu'ils pourraient véhiculer et vous atteler à purifier toujours plus votre parcours. Personne ne pourra contenir les "débordements" de l'Esprit. Encore faut-il veiller à rester en permanence transparents aux exigences de l'Esprit. "Ceux qui vivent selon l'Esprit se préoccupent de ce que l'Esprit demande" (Rom. 8: 5). Dans la mesure ou vous resterez ainsi fidèles, ne craignez point d'être taxés de 'partisans". Oui, votre Mouvement est un parti, mais celui de Dieu seul, dans l'Eglise du Christ et dans le respect total des charismes que l'Esprit y distribue.

Plus vous vous intégrerez à la communauté des croyants, plus vous serez étonnés d'y découvrir les nombreux clivages que la futilité des hommes, leurs péchés et leur convoitise ne cessent d'y creuser. Dans une communauté où, à l'image de la tri-unité divine, tout doit être fait en commun et où chacun se réalise dans la communion avec les autres, les oppositions, clercs-laïcs, prêtres-moines, riches-pauvres, spirituels-activistes, jeunes-vieux, etc... sont légion. Le Mauvais a toujours travaillé à morceler l'Eglise. Il n'y a jamais eu unquelconque âge d'or mythique. Il vous faut le savoir. Mais l'Esprit a toujours suscité, au sein de l'Eglise du Fils, des personnes qui se consacrent à la défense de l'honneur de Dieu.

Etes-vous dignes d'en être? En tout cas sachez que vous y êtes conviés. Dans votre lutte contre cette œuvre du Mauvais, il vous faut toujours veiller à bien distinguer le péché des pécheurs. Dieu vous demande de lutter contre le mal, il ne vous fait pas juges de ceux quile commettent. Plus vous avancerez en âge, plus vous serez à même de connaitre votre propre faiblesse et plus vous serez aptes à pardonner aux pécheurs. Vous comprendrez que l'Eglise Sainte est aussi celle des pécheurs repentis, pardonnés, qui dans la rencontre eucharistique sont appelés à pardonner à leur tour 

Dans cet esprit, et en veillant a garder l'humilité, il vous faut devenir les champions d'une Eglise "sans tache, ni ride, ni rien de tel", comme nous la décrit le Livre Saint. Pour cela, il faut répudier tout mensonge, toute compromission, toute déviation de l'espritévangélique, en vous-mêmes d'abord et les refuser, et s'il le faut, les confondre dans la charité chez les autres.Vous ne pouvez pas vous désintéresser de la vie interne de l'Eglise et de l'image qu'elle donne au monde. Il y va de l'authenticité du message évangélique. Cela doit vous concerner au plus haut degré. Parlez-en avec vos frères, ouvrez-vous en à vos prêtres, à votre Evêque. Vous en êtes tous communément responsables, sous laprésidence et dans la sollicitude de votre Père-Evêque. Tout silence est une compromission. 

Vous êtes les bras de l'Eglise, ses ambassadeurs envers le monde et la modernité. Vous êtes plus sensibles aux changements de mentalité qui y ont vu jour durant les dernières décennies. Vous savez mieux que les anciens ce qui n'est plus compris par vos jeunes congénères dans le ton et le langage de l'Eglise. 

Vous êtes responsables de tout jeune de votre génération qui à cause d'une incompatibilité de langage ou de méthode, ne parvient pas à déchiffrer nos symboles et découvrir le Christ dans son Eglise. C'est àvous de nous dire ce qu'il faut faire. Il y a urgence. N'ayez pas honte de vos idées. Il ne faut pas nécessairement avoir un diplôme de théologie pour être théologien, car dans la tradition de notre Eglise "est théologien celui qui sait prier". Il nous faut beaucoup d'imagination et nous remplir de la folie de l'Evangile pour que l'Esprit nous donne d'inventer des formesnouvelles dans le respect intégral de !'esprit qui fonde nos textes actuels pour les rendre accessibles au plus grand nombre, pour renouveler notre catéchèse et la formation de nos pasteurs et pour permettre au soufflequi habite notre Tradition, que des traditions tardivesemprisonnent sous un foisonnement de rites, d'habitudes, de symboles et même parfois, hélas de superstitions, de nous débarrasser de la poussière accumulée à travers les siècles.

Ce souci missionnaire ne doit pas se limiter aux jeunes. Souvent les pères n'attendent pour se convertir qu'un mot de leurs enfants. Vous avez la force de porter sur vos épaules toute la détresse du monde. Brisez les carcans. Sortez des ghettos. Nous sommes tous responsables les uns des autres. Faites valoir votre sens des responsabilités envers vos ainés. N'oubliez surtout pas les plus pauvres, les affligés, les opprimés. Ils ont droit plus que tout autre à votre sollicitude. C'est dans le service concret et le partage équitable des richesses que vous signifierez lamour infini du Christ envers les hommes. L'aide aux plus démunis de nos frères doit être au cœur même de votre témoignage et de votre souci missionnaire.

Vous êtes appelés à faire bouger les montagnes. N'acceptez pas les demi-mesures, les pis­ allers, la mentalité du 'juste assez pour être en règle". Vous êtes porteurs de l'étendard du Christ. Or un étendard ne se met pas dans la poche comme un mouchoir, mais se porte bien haut, à la face du monde. Rappelez-nous les exigences du Seigneur, "que 1'occasion soit propice ou non". Parlez bien haut. L'Eglise d'Antioche a soif de paroles de vérité. Le silence actuel, sauf quand il se transforme en prière, devient lourd à supporter.

Prenez les rênes. Donnez-nous le bon exemple. Les responsabilités on les prend, on n'attend pas qu'on nous les donne. Encore une fois n'ayez pas peur. Le Christ a vaincu le monde. ''L'Esprit que vous avez reçu n'est pas un esprit qui vous rende esclaves et vous remplisse à nouveau de peur, mais c'est l'Esprit qui fait de vous des fils de Dieu et qui permet de crier à Dieu: Mon Père" (Rom. 8: 15).

 


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